L1: je voulais simplement te demander si tu pouvais dans un premier temps rappeler les spécificités de euh euh ton institution l' institution que tu diriges L2: oui L1: hein de la façon dont tu L2: alors c' est oui bon euh d' abord c' est bon un foyer d' action éducative c' est-à-dire que c' est une structure qui a pour mission L1: hum L2: euh de une mission de protection et d' éducation par rapport à des jeunes mineures essentiellement mais majeures aussi euh qui sont dans des situations dan~ estimées dangers au sein de leur famille bon alors quand même il y a une chose importante c' est que c' est à statut privé L1: hum hum L2: mais que c' est un établissement qui fonctionne qui rend un service public et donc qui fonctionne avec des fonds publics mais c' est surtout cette mission de protection et d' éducation hein alors il se trouve aussi que bon ici il y a que des que des adolescentes que des jeunes filles alors je crois qu' il y a aussi cette spécificité de l' adolescence L1: hum hum L2: euh pour moi ça ça me semble tout à fait essentiel et que et que je dis les jeunes mineures mais aussi les jeunes majeures parce que si il y a des pos-~ il y a des possibilités de placement jusqu' à l' âge de vingt-et-un ans toute l' adolescence ben peut-être que ça dure aussi un peu plus longtemps maintenant eh ben en fonction de de la la possibilité pas des capacités mais des possibilités euh pour des jeunes euh d' être dans des situations qui leur donnent une réelle indépendance matérielle L1: hum L2: je parle pas de l' indépendance au niveau de de la possibilité pour elles de faire des choix qui soient les leurs mais au moins de la de d' une indépendance matérielle L1: hum L2: voilà alors une des spécificités de cet établissement ici je crois que ça c' est dû et à l' histoire et aux gens qui y sont et qui travaillent depuis des années des années euh c' est quand même que on n' est pas dans l' idée euh pour aller vite d' un dressage mais que il y a un certain nombre de références qui fonctionnent pour nous euh du côté de la psychanalyse bon hein euh et de euh ben de l' hypothèse que l' inconscient c' est quelque chose qui existe et que le travail il se fait beaucoup il se fait autour de la question L1: hum L2: euh du sujet hein et de la de quelque chose qui appartient euh à quelqu' un euh qu' on peut pas faire à sa place mais qu' on est là pour essayer de de lui permettre de se poser un certain nombre de questions pour s' approprier ce qu' il en est de ces questions et des choix qu' il va faire pour sa propre vie voilà alors ça c' est quand même un petit peu euh je crois un petit peu à la marge par rapport à à ce que j' appellerais une demande sociale L1: hum hum L2: euh une demande sociale aussi qui s' adresse à une jeunesse qui fait quand même un peu peur hein je veux dire que il y a quand même il y a une espèce d' amalgame hein au niveau de cette jeunesse hein où on a l' impression que tout le monde est délinquant que bon mais et qu' il y a il y a au niveau d' une d' une demande sociale quand même une une demande ordre euh de discipline euh bon alors on est à côté de ça quand même hein euh c' est c' est pas c' est pas notre question même si on est on est pris dans cette demande-là et que par rapport à des à des instances euh nous avons une position à défendre L1: hum L2: alors ça c' est une chose l' autre chose euh c' est au niveau des références hein mais c' est des références j' allais dire euh qui qui tombent pas comme ça qui qui sont enfin moi en tant que directrice qui me semble important c' est que ce soit vivant ces références-là hein et qu' elles puissent articuler euh dans une pratique quotidienne alors c' est d' un du côté euh philosophique un auteur comme Lévinas hein sur la question de l' éthique et donc de la responsabilité qu' on a a priori euh vis-à-vis de quelqu' un et toute la question du respect bon alors quand je quand je rencontre une jeune fille en en entretien d' admission avant qu' elle ne vienne je lui parle de ça de la philosophie de la maison L1: hum L2: et avec ces mots-là presque hein euh responsabilité respect et souvent les jeunes me disent mais ben le respect mais c' est normal madame c' est normal je dis oui mais c' est sans doute une des choses les plus difficiles L1: hum L2: et que ça s' apprend et que ça me permet d' ouvrir sur la la la question de ben de l' adolescence je la nomme pas comme ça mais je dis oui mais quand même la plupart du temps on se dit moi je fais ce que je veux comme je veux les autres je m' en fiche et qu' il y a tout un travail à faire pour se rendre compte que ben on n' est pas tout seul qu' on va vivre avec d' autres et que ça implique un certain nombre de choses L1: hum L2: voilà et puis bon peut-être quand même pour moi alors ça c' est une indication pour moi mais je crois que c' est important euh c' est la question du pouvoir euh parce que je me dis que le pouvoir au fond euh qu' est-ce que c' est pour moi c' est un outil de travail c' est quelque chose qui me donne des des possibilités de décision mais que ce n' est pas ou ce n' est plus parce que ça été bien sûr je suis passée par là euh ce n' est pas un quelque chose euh pff qui va me monter à la tête où je vais jouir et qui va me procurer un plaisir fou quoi c' est c' est c' est un outil de travail L1: hum hum L2: voilà mais ça aussi c' est un ch~ c' est un long travail hein je crois que mais je je j' insiste quand même là-dessus parce que je trouve que lorsque je rencontre certains attachés départementaux euh et la manière dont se passent certains entretiens avec ces attachés lorsqu' ils reçoivent des parents je me dis mais c' est fou c' est terrible cet abus de pouvoir dans lequel ils sont où ils au fond ils laissent croire aux gens euh que eux en tant qu' attachés ils peuvent décider comme ils le veulent c' est-à-dire qu' ils sont soumis à rien L1: hum L2: hein qu' ils sont soumis à rien euh et bon euh je trouve que c' est une question une question centrale ça voilà L1: hum hum et la question du euh du soutien scolaire enfin de la de l' aspect scolaire qui puisqu' on en avait parlé il y a quelques années où est-ce que ça en est est-ce que tu le présentes comme une spécificité par rapport aux autres institutions L2: oui oui oui oui alors étrangement c' est quelque chose qui s' était un peu perdu pendant quelques années et qui revient L1: hum hum L2: comme une spécificité mais je crois que ça dépend aussi euh de de de beaucoup de choses mais de des jeunes filles qui sont accueillies ici et de leurs possibilités à au moment où elles sont accueillies d' être inscrites ou non dans un dans dans une scolarité à l' extérieur de l' établissement et que on a eu pendant quand même je dirais quatre cinq ans euh mais mais c' est aussi une politique de placement qui était une politique de l' urgence hein où au fond il s' agissait moins de de de donner une possibilité euh de donner un coup de main à une gamine à un moment donné que de la caser quelque part parce qu' elle enquiquinait tout le monde et que euh ça ça ça induit euh ça induit une une ça induit une logique et en particulier pour la jeune au fond le sentiment d' être casée quelque part je trouve que ça court-circuite tout ce qu' on essaye de faire à savoir qu' elle puisse approprier quelque chose et la scolarité en fait partie L1: hum hum tu veux dire que ça court-circuite L2: oui ça court-circuite ouais L1: hum hum L2: mais c' est vrai que depuis un an et demi euh on a réinsisté enfin quand je dis on c' est au fond aussi les éducateurs l' éducateur scolaire qui est toujours là hein euh sur cette cette importance de sortir d' ici et euh et de et de faire quelque chose à l' extérieur et qu' à l' âge de l' adolescence est généralement la scolarité ou alors la les formations parce que ce qu' on constate aussi c' est que il y a quand même pour un certain nombre de jeunes qui arrivent ici euh des des phénomènes d' exclusion euh de l' Education Nationale parce qu' elles ont ou des niveaux très bas mais que là-dessus se greffent aussi des des difficultés de comportement et que pff ça ça c' est quand même un petit peu difficile quand même un petit peu difficile L1: ouais qu-~ euh les deux ou la conjonction des L2: deux la conjonction des deux je crois L1: hum hum L2: je crois que c' est la conjonction des L1: deux hum hum L2: parce que peut-être qu' on pourrait c' est une question là que je me pose peut-être que euh il est ce serait plus facile pour un établissement scolaire je mets comme ça euh de de de supporter ou d' accepter euh des difficultés de comportement chez une jeune qui est très bonne éléve dans une très bonne classe L1: hum hum L2: c' est pour ça que je pense que les les ça joue le fait qu' il y ait des niveaux bas que et que peut-être ça pose aussi une question par rapport à l' accueil de ces jeunes dans à l' Education Nationale L1: hum hum hum donc ça tu dis que ça évolué par rapport à notre dernier entretien c' est-à-dire il y a moins de il y il y a il y a eu moins de scolaires et maintenant de nouveau ouais L2: oui et maintenant ça repart mais je bon je je je pense que c' est aussi quelque chose qui est du côté d' une de l' intention L1: hum L2: euh des éducateurs ou d' une direction dans une dans une boîte hein et que euh on se rendait bien compte que beaucoup de jeunes euh beaucoup de jeunes tournaient en rond ici dans la maison mais alors ça donné lieu quand même à plusieurs choses d' abord de réinsister sur la scolarité L1: hum hum L2: mais aussi de faire le constat pour certains jeunes euh cette injonction va l' école elle tombe à côté parce que il y a quelque chose qui est qui doit se travailler en amont de cette injonction-là c' est-à-dire que ça n' a pas de sens pour les jeunes et avec un collègue directeur euh qui est directeur d' un foyer comme celui-ci nous avons euh monté une association L1: hum L2: euh qui s' appelle extérieur jour et qui a pour objet beaucoup plus au fond la question de la rencontre euh jeunes adultes parce que l' hypothèse qui préside à ça de cette importance de cette rencontre c' est que souvent moi les jeunes que j' ai qui s' en sont sorties que j' ai revues et lorsque je leur ai dit mais au fond qu' est-ce qu' il s' est passé ah mais écoutez moi c' est parce que j' ai rencontré untel ou untel ou untel et que c' était dans la grande majorité des des cas la rencontre avec quelqu' un qui a un moment donné fait déclic et c' est c' est de ça qu' on est parti c' est qu' on s' est dit que bon euh euh là aussi un peu pour aller vite euh un le constat qu' on fait par rapport à certaines jeunes qui ne pouvaient pas s' inscrire dans dans une scolarité ou ou un processus de formation c' est qu' elles étaient en panne de désir hein que au fond pas envie de vivre envie de rien euh et que ça nous semblait important de de de prendre ça en L1: compte hum L2: voilà L1: est-ce que tu peux tu peux tu tu pourrais parler sans donner des des faits des faits bon des choses très personnelles parler de d' un cas auquel tu penses par exemple enfin ou d' une d' une per~ d' une jeune fille auquel tu penses et qui donc que tu aurais vue donc puisque tu fais allusion à des ça été quoi ça été qui enfin est-ce que tu penses à quelqu' un quand tu évoques ça L2: ouais ouais je pensais à plusieurs mais là maintenant comme comme tu me poses la question euh nous avons accueilli il y a quelques années une jeune fille ici de treize ans et demi L1: hum hum L2: et qui était dans une difficulté scolaire terrible L1: hum L2: et je crois qu' il y avait des relations très fortes qui s' étaient instaurées en particulier avec deux éducateurs l' éducateur scolaire et une éducatrice et que ils euh ils ont fait tout un travail euh avec euh les profs qu' elle avait euh c' était les classes de SECPA bon SECPA oui et pour qu' ils acceptent ses absences pour que quelque chose quand même continue d' une année sur l' autre comme ça c' était dur hein L1: hum L2: mais euh il y a pas eu de de réelle rupture c' est-à-dire que ils ont aussi pu jouer le jeu dans cet établissement scolaire euh d' accepter cette jeune fille avec ses absences avec bon et hum il y a eu des épisodes ça ça duré deux ans quand même à seize ans bon elle a quand même plus ou moins laissé tomber et elle a été prise dans des dans des actes de délinquance grave hein grave et là aussi ben les éducateurs ils ont soutenu quand même quelque chose non plus au niveau de la scolarité mais au niveau de d' une question pour elle de de sa marginalisation de bon et arrivée euh à dix-sept ans un des rêves de cette jeune fille c' était d' être coiffeuse et les éducateurs bon cette éducatrice et l' éducateur scolaire ont soutenu euh la nécessité pour eux et pour elle qu' elle soit inscrite dans une école privée L1: hum hum L2: alors bon moi j' ai j' ai euh j' ai fait un petit peu pression parce que je me suis dit c' est pas comme ça euh euh il fallait qu' il y ait quelque chose en face qui dise oui mais pas mais pas n' importe comment il y a des conditions il faut qu' elle soit régulière enfin bon et en fait cette jeune fille a réussi à passer son C A P euh de coiffeuse L1: hum L2: alors elle a pas terminé ici parce que arrivée euh à dix-huit ans euh il y avait des problèmes familiaux terribles des pressions familiales aussi très di-~ très très lourdes il y a eu tout un travail qui s' est fait pour qu' elle soit accueillie dans un foyer de jeunes travailleuses à Metz et elle a termi~ terminé son C A P à Metz L1: hum L2: et donc euh pour moi ça c' est quelque chose d' exemplaire en fait c' est une c' est un parcours exemplaire cette jeune fille à treize ans et demi est arrivée ici elle savait pratiquement elle écrivait phonétiquement eh ben et maintenant elle sait à peu près écrire L1: hum L2: bon c' est pas réglé elle euh je je crois que elle a été reprise elle est revenue à Strasbourg elle a été reprise dans un dans un réseau familial difficile mais bon il y a quand même il y a un chemin qui s' est fait il y a une euh moi je trouve que c' est exemplaire ouais je trouve que c' est exemplaire L1: elle vient euh vous voir encore L2: oui elle est venue il y a pas longtemps parce qu' elle voulait faire un C V et que bon ici il y a quelque il y a un peu de matériel et que elle voulait montrer à l' éducateur scolaire aussi euh bon et comment faire mon C V etc c' était bien ouais non vraiment mais je crois que là aussi hein on peut pas juste dire euh c' est c' est aussi dans une rencontre là et L1: un hum hum hum L2: euh L1: oui quelle est la rencontre là L2: avec l' éducateur scolaire et l' éducatrice qui quelque chose d' un c' est mystérieux ce qui se passe hein dans L1: hum dans l' empathie euh qu' on peut avoir ou pas pour une jeune qui arrive et quelque chose qu' une jeune nous euh nous renvoie qui évoque des choses pour nous hum L2: on peut en savoir un petit peu quelque chose mais enfin bon mais parfois c' est comme ça et que il y a quelque chose d' un soutien là de la part de ces deux adultes en particulier hein et de la chef de service aussi euh d' un d' un soutien qui se met en place qui bon euh qui qui permet des choses qui permet des choses L1: hum elle a verbalisé euh le pour elle le la question de la rencontre elle-même ou c' est vous qui la verbalisez L2: je dirais que c' est c' est même moi maintenant là euh bon nous en avons parlé avec les éducateurs mais euh elle non je crois L1: pas hum hum L2: euh mais c' est vrai que lorsqu' elle est revenue là il y a deux trois mois c' était avec beaucoup de plaisir qu' elle est revenue hein bon maintenant L1: hum L2: il y a des choses des espaces euh pff que nous interprétons hein bon mais euh je pense quand même que quand une jeune fille revient c' est pas toujours comme ça parce quand elles reviennent pas c' est ça peut aussi être ça euh c' est qu' il y a peut-être quelque chose qui s' est passé pour elle euh qui est pas du côté du je veux plus rien en savoir hein euh et que à leur manière de de même d' une manière perlée continuer quelque chose de la relation euh moi je trouve que c' est tout à fait important voilà mais ça ne veut pas dire que celles qui ne reviennent jamais plus ça ne fonctionne plus pour elles hein ce ce L1: bon hum hum hum L2: on sait pas au fond ce qui fonctionne euh on sait pas je ne sais pas parce que c' est aussi une une de nos questions ici je ne sais pas euh ce qui dans ce que j' ai pu dire à un moment donné à une jeune fille va faire effet ou L1: pas hum L2: mais mon attente euh et l' exigence au fond que j' ai par rapport à moi ou dans le travail avec les éducateurs ici c' est qu' une parole c' est pas sans effet et que donc euh il y a y réfléchir à différents niveaux au niveau institutionnel mais aussi au niveau personnel L1: hum hum L2: euh parce que je sais trop que combien on est soi-même hein euh dans dans dans ce qu' on dit à quelqu' un hein et que c' est L1: pas hum L2: c' est pas anodin c' est pas anodin comme le choix du métier n' est pas anodin voilà je crois que c' est peut-être ça hein euh L1: hum hum c' est ça oui oui