_: | Université Pierre Mendès France U.F.R. Sciences de l' Homme et de la Société Ecole Doctorale Ingénierie pour la Santé , la Cognition et l' Environnement CONFLIT SOCIOCOGNITIF ET BUTS D' ACCOMPLISSEMENT : EFFETS INTERACTIFS SUR L' APPRENTISSAGE ET LE MODE DE REGULATION DU CONFLIT Thèse de Doctorat en Psychologie Sociale Expérimentale Céline Darnon Sous la direction de : Fabrizio Butera , professeur de Psychologie Sociale , Université Pierre Mendès France , Grenoble et Gabriel Mugny , professeur de Psychologie Sociale , Université de Genève ( Suisse ) Membres du Jury : Fabrizio Butera Professeur , Laboratoire de Psychologie Sociale de Grenoble-Chambéry , Université Pierre Mendès France , Grenoble Felice Carugati Professeur , Département des Sciences de l' Education , Université de Bologne ( Italie ) Pascal Huguet Directeur de recherche C.N.R.S. , Laboratoire de Psychologie Cognitive , C.N.R.S . et Université de Provence , Marseille Gabriel Mugny Professeur , Laboratoire de Psychologie Sociale , Université de Genève ( Suisse ) Philippe Sarrazin Professeur , Laboratoire Sport et Environnement Social , Université Joseph Fourrier , Grenoble Résumé Ce travail vise à intégrer deux courants de recherche . Le premier porte sur l' impact du conflit sociocognitif ( confrontation de point de vues contradictoires ) sur l' apprentissage ( Doise et Mugny , 1981 , 1997 ) . L' autre s' intéresse aux buts que poursuivent les étudiants lorsqu' ils réalisent une tâche académique ( Dweck , 1986 ; Nicholls , 1984 ) . Une première série de trois études montre que lorsqu' est mis en avant le but de maîtrise ( chercher à comprendre , à apprendre ) , le conflit favorise à la fois la régulation épistémique ( régulation du conflit centrée sur la tâche , la compréhension du problème ) et l' apprentissage . Lorsque la consigne met en avant le but de performance ( essayer de se montrer compétent , d' être meilleur que les autres ) , le conflit favorise la régulation relationnelle ( régulation centrée sur l' affirmation de ses compétences ) et détériore l' apprentissage . En outre , les effets des deux buts sur l' apprentissage ne diffèrent que lorsqu' ils sont associés à un conflit . Dans les six études suivantes , nous nous sommes plus particulièrement intéressés ensuite au but de performance et à ses deux formes : l' approche ( désir d' être meilleur que les autres ) , et l' évitement ( désir de ne pas être moins bon que les autres , Elliot , 1997 ) . Les résultats indiquent que c' est parce qu' il entraîne une faible peur de l' échec que le but de performance-approche peut parfois être lié positivement à l' apprentissage . Néanmoins , dès qu' il y a un conflit , la peur de l' échec est rendue saillante , et le bénéfice du but de performance-approche , comparativement au but de performance-évitement disparaît . De plus , cette différentiation entre l' approche et l' évitement au sein du but de performance permet de distinguer deux formes de régulation relationnelle du conflit , l' une basée sur l' imitation de la réponse du partenaire ( complaisance ) , l' autre sur la défense de son propre point de vue ( régulation défensive ) . Dans l' ensemble , ces résultats soulignent que les effets des buts dépendent de la nature de l' interaction avec l' autre , conflictuelle ou non . De même , les effets du conflit dépendent du but poursuivi . Ces résultats confirment en outre l' intérêt d' intégrer ces deux courants de recherche , cette intégration permettant de clarifier des points en suspens dans la littérature sur le conflit , comme dans celle des buts d' accomplissement . Abstract This work aims at integrating two theoretical frameworks . The first one is related to the impact of sociocognitive conflict ( confrontation of contradictory points of view ) on learning ( Doise and Mugny , 1981 , 1997 ) . The other one deals with student goals pursuit during an academic task ( Dweck , 1986 ; Nicholls , 1984 ) . A first set of three studies brings to the fore that when the mastery goal is enhanced ( trying to understand , to learn ) , conflict favours both epistemic regulation ( focused on task comprehension ) and learning . When the instruction enhances the performance goal ( trying to demonstrate competence , to be better than others ) , conflict favours relational regulation ( focused on affirmation or protection of one's own competences ) and impairs learning . Moreover , differences between the effects of one goal or another on learning appear only when there is a conflict . Then , six other studies were focused on performance goal , and on its two specific forms : approach ( willingness to be better than others ) and avoidance ( willingness not to be worse than others , Elliot , 1997 ) . Results revealed that the weak fear of failure experienced by performance-approach oriented students is responsible for the fact that this goal can sometimes be positively linked to learning . However , as soon as there is some conflict , fear of failure is made salient , and the benefit of performance-approach over performance-avoidance goal is lost . Moreover , it appears that the differentiation between approach and avoidance in the performance goal allows drawing a distinction between two forms of relational conflict regulation . The first one is based on the imitation of the partner's point of view ( compliance ) and the other one is based on the confirmation of one's own point of view ( defensive regulation ) . As a whole , these results highlight the fact that goal effects depend on whether the interaction is conflictual or not . As such , effects of conflict depend on the pursued goal . These results also confirm the relevance of integrating the above two frameworks , enlightening unclear points in both the conflict and the achievement goals literature . Table des matières AVANT-PROPOS 5 CHAPITRE 1 . CONFLIT COGNITIF ET CONSTRUCTION DE CONNAISSANCES 11 1 . LA CONSTRUCTION DE LA CONNAISSANCE : LA THEORIE DE L' EPISTEMOLOGIE PROFANE 12 1.1 . Génération et validation d' hypothèse ... 12 1.2 . Gel et dégel de la séquence épistémique 13 2 . LE CONFLIT COMME DECLENCHEUR DE CURIOSITE EPISTEMIQUE ET DE DEVELOPPEMENT COGNITIF 16 2.1 . Conflit et curiosité épistémique 16 2.2 . Conflit et équilibration 17 3 . LE CONFLIT COGNITIF COMME STRATEGIE D' ENSEIGNEMENT 19 3.1 . Conflit cognitif et changement conceptuel 19 3.2 . Une méthode efficace ? 22 3.3 . Les limites du conflit cognitif 24 3.4 . Comment augmenter l' efficacité du conflit cognitif ? 25 CHAPITRE 2 . UN CONFLIT A LA FOIS SOCIAL ET COGNITIF 29 1 . LORSQUE LE CONFLIT SE SITUE AU SEIN D' INTERACTIONS SOCIALES 30 2 . LE CONFLIT SOCIOCOGNITIF : RESULTATS EXPERIMENTAUX 31 2.1 . Présentation du paradigme 31 2.2 . Une interaction sociale qui n' est pas toujours source de progrès 34 2.3 . L' élément crucial : le conflit sociocognitif 36 2.4 . Des bénéfices même lorsque le conflit sociocognitif repose sur une réponse incorrecte 39 3 . UN CONFLIT RENFORCE PAR LA DIMENSION « SOCIALE » 41 4 . LORSQUE LE CONFLIT SOCIOCOGNITIF NE SUFFIT PAS 43 4.1 . Pas assez d' échanges 43 4.2 . Des échanges trop unilatéraux 44 4.3 . Un partenaire « trop » compétent 46 5 . REGULATION RELATIONNELLE ET REGULATION SOCIOCOGNITIVE 48 CHAPITRE 3 . ENJEUX EPISTEMIQUES ET RELATIONNELS DANS LES TACHES D' APTITUDES ET REGULATION DU CONFLIT 52 1 . UN CONFLIT « SOCIAL » 52 2 . LORSQUE LES TACHES METTENT EN JEU DES APTITUDES 55 2.1 . Caractéristiques et enjeux des tâches d' aptitudes 55 2.2 . Conflit et incertitude dans les tâches d' aptitudes 57 2.3 . Deux modes de régulation du conflit 58 3 . REGULATIONS EPISTEMIQUE ET RELATIONNELLE DU CONFLIT : RECHERCHES SUR L' INFLUENCE SOCIALE 60 3.1 . Confrontation entre une source experte et une cible novice 61 3.2 . Confrontation entre une source et une cible toutes deux novices 64 3.3 . Confrontation entre une source et une cible toutes deux expertes 66 3.4 . Confrontation entre une source novice et une cible experte 68 4 . REGULATIONS EPISTEMIQUE ET RELATIONNELLE DU CONFLIT : LA CONTROVERSE ET SES OBSTACLES 68 4.1 . Lorsque l' opposition de points de vue divergents est profitable : la controverse 68 4.2 . Les obstacles à la résolution constructive du conflit 70 4.3 . Bilan et mise en lien avec les recherches sur l' influence sociale et le conflit sociocognitif 74 5 . REGULATIONS EPISTEMIQUE ET RELATIONNELLE DU CONFLIT : LA FORMULATION DU CONFLIT 75 5.1 . Lorsque le conflit est « agressif » 76 5.2 . Contrariété et aménité dans le conflit 76 5.3 . Forme relationnelle ou épistémique du conflit 77 6 . BILAN ET PERSPECTIVES 79 CHAPITRE 4 . LES BUTS D' ACCOMPLISSEMENT 81 1 . LA MOTIVATION ET LES BUTS EN PSYCHOLOGIE 81 1.1 . De la motivation aux buts 81 1.2 . Qu' est -ce qu' un but ? 83 1.3 . Les buts d' accomplissement 84 2 . L' EMERGENCE DE LA THEORIE DES BUTS D' ACCOMPLISSEMENT 85 2.1 . Différentes réactions face à l' échec 85 2.2 . Deux buts différents 87 3 . CARACTERISTIQUES DES BUTS D' ACCOMPLISSEMENT 90 3.1 . Une origine à la fois dispositionnelle et contextuelle 91 3.2 . Des effets dépendants des compétences perçues ? 94 4 . CONSEQUENCES DES BUTS SUR LA MOTIVATION INTRINSEQUE ET LA RESOLUTION DE LA TACHE 95 4.1 . Buts d' accomplissement et motivation intrinsèque 96 4.2 . Buts d' accomplissement et mode de traitement de la tâche 100 5 . BUTS D' ACCOMPLISSEMENT ET APPRENTISSAGE 103 5.1 . Des résultats inconsistants 105 5.2 . Les conditions pour un effet bénéfique du but de maîtrise 107 5.3 . Les enjeux de la « difficulté » 109 5.4 . L' erreur : une épée à double tranchant 110 CHAPITRE 5 . VERS UNE INTEGRATION DES DEUX APPROCHES THEORIQUES 116 1 . DES POINTS EN SUSPENS DANS LA LITTERATURE SUR LE CONFLIT 116 2 . DES POINTS EN SUSPENS DANS LA LITTERATURE SUR LES BUTS D' ACCOMPLISSEMENT 118 3 . UNE CLARIFICATION POUR LES DEUX DOMAINES 119 3.1 . Une clarification dans la littérature sur les buts 119 3.2 . Une clarification pour le conflit sociocognitif 123 4 . RESUME DES HYPOTHESES GENERALES 125 CHAPITRE 6 . CONFLIT ET BUTS D' ACCOMPLISSEMENT : VERS UNE MODERATION RECIPROQUE 126 1 . ETUDE 1 ( ETUDE PILOTE ) 127 1.1 . Méthode 129 1.2 . Résultats et discussion 131 2 . ETUDE 2 : BUTS , CONFLIT ET APPRENTISSAGE 132 2.1 . Méthode 133 2.2 . Résultats 140 2.3 . Discussion 145 3 . ETUDE 3 : BUTS , CONFLIT ET REGULATION DU CONFLIT 148 3.1 . Méthode 149 3.2 . Résultats 151 3.3 . Discussion 153 CHAPITRE 7 . L' APPROCHE ET L' EVITEMENT 156 1 . VERS UNE DISTINCTION ENTRE APPROCHE ET EVITEMENT 156 1.1 . Les prémisses 156 1.2 . But de performance-approche et de performance-évitement : le modèle tridimensionnel 160 1.3 . Distinction entre approche et évitement dans le but de performance et dans le but de maîtrise 166 1.4 . La nécessité d' un outil de mesure 167 2 . ETUDE 4 : VALIDATION FRANÇAISE DE L' ECHELLE D' ELLIOT ET MCGREGOR ( 2001 ) 168 2.1 . Méthode 169 2.2 . Résultats 170 2.3 . Discussion 176 CHAPITRE 8 . BUTS DE PERFORMANCE-APPROCHE ET DE PERFORMANCE-EVITEMENT : UNE QUESTION DE PEUR DE L' ECHEC ? 180 1 . LES EFFETS DU BUT DE PERFORMANCE 180 1.1 . Une question importante 180 1.2 . But de performance-approche et but de performance-évitement 181 1.3 . Vue d' ensemble et hypothèses générales 185 2 . ETUDE 5 : IMPRESSION QUE LE COURS EST TROP COMPLEXE POUR SOI ET LIENS ENTRE BUTS DE PERFORMANCE ET REUSSITE A L' EXAMEN 186 2.1 . Méthode 186 2.2 . Résultats 187 2.3 . Discussion 191 3 . ETUDE 6 ( ETUDE PILOTE ) 193 4 . ETUDE 7 : LE CONFLIT COMME MODERATEUR DE L' EFFET DU BUT DE PERFORMANCE-APPROCHE 198 4.1 . Méthode 198 4.2 . Résultats 200 4.3 . Discussion 206 CHAPITRE 9 . BUTS DE PERFORMANCE ET REGULATION DU CONFLIT 209 1 . DEUX MODES DE REGULATION RELATIONNELLE DU CONFLIT 209 2 . ETUDE 8 : BUTS ET REGULATIONS DU CONFLIT LORS D' UN TRAVAIL DE GROUPE 211 2.1 . Méthode 211 2.2 . Résultats 213 2.3 . Discussion 214 3 . ETUDE 9 : BUTS DE PERFORMANCE ET REGULATION DU CONFLIT DANS UN CONTEXTE DE DESACCORD 215 3.1 . Méthode 215 3.2 . Résultats 216 3.3 . Discussion 218 CHAPITRE 10 . DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSIONS 220 1 . RAPPEL DES ENJEUX THEORIQUES 220 2 . VERS UNE CLARIFICATION DES POINTS EN SUSPENS DANS CHACUN DES COURANTS DE RECHERCHE : BILAN 221 2.1 . But de maîtrise vs de performance et conflit 221 2.2 . L' approche et l' évitement : similarités et différences 223 3 . LIMITES ET OUVERTURES 226 3.1 . La spécificité de l' induction de décentration 226 3.2 . Un effet du conflit médiatisé par sa régulation ? 228 3.3 . Une question de peur de l' échec ? 229 3.4 . Buts , conflit et compétences 229 3.5 . Deux « niveaux » de buts 231 3.6 . Le but de maîtrise-évitement 233 3.7 . D' autres types de buts ? 234 3.8 . La perspective des buts multiples 236 4 . CONCLUSIONS 237 BIBLIOGRAPHIE 240 Avant-propos Un certain nombre d' idées générales que peuvent avoir les enseignants , les étudiants , les élèves , les parents , au sujet de l' apprentissage , sont , pour certaines , tellement ancrées dans nos systèmes éducatifs qu' il est très difficile d' en changer . Parmi l' ensemble de ces idées , deux , très répandues et déterminantes de nombreuses pratiques pédagogiques , nous interpellent tout particulièrement . La première est l' idée selon laquelle créer de la compétition interpersonnelle et intergroupe est un bon moyen de « motiver » les étudiants et de les impliquer dans leurs activités . C' est peut-être ce qui amenait en 1990 Lionel Jospin , alors ministre de l' Education Nationale , au constat suivant : « Il faut repenser les conceptions pédagogiques qui servent de fondement à l' enseignement . Notre système éducatif fonctionne encore sur des modèles qui restent , par certains aspects , très normatifs » ( Bulletin Officiel du 1er mars 1990 ) . Pour faire face à cet état de fait , Lionel Jospin recommandait le passage à un système de « projet » favorisant l' évaluation intra-personnelle plutôt que normative ( c' est-à-dire , en comparaison avec les autres élèves ) . Aujourd'hui , soit 14 ans plus tard , il n' échappe à personne que cette tentative , même si elle a sans doute contribué à certains changements [ 1 ] , semble ne pas avoir suffit à éliminer la compétition ni l' évaluation normative du système éducatif français ( voir Butera et Buchs , 2004 ; Monteil , 1989 , pour une discussion de ce point ) . Ceci est particulièrement le cas à l' université , où l' étudiant ne cesse de s' entendre dire , dès son entrée en première année , qu' étant donné le taux d' échec , réussir signifiera pour lui faire partie des 38 % les meilleurs [ 2 ] . Or , ceci ne fera que s' accentuer avec les années d' études , où en même temps que le nombre de personnes admises diminue , on ne cesse de rappeler à l' étudiant que pour faire sa place ( par exemple être accepté en troisième cycle ) , il ne suffit pas de réussir , mais il faut réussir mieux que les autres . Une seconde croyance , très répandue également dans les systèmes éducatifs , est qu' il faut éviter que les élèves ( plus tard , les étudiants ) ne soient en conflit les uns avec les autres . En effet , comme le notent Pérez , Mugny , Maggi , Falomir et Butera ( 1995 ) , le conflit est culturellement vu comme « mauvais » . De plus , du fait que les individus ont l' impression qu' il implique nécessairement des tensions relationnelles , il serait perçu comme particulièrement coûteux . Il ne serait , en outre , pas considéré comme une stratégie efficace pour convaincre . De fait , le conflit serait évité . C' est également ce que constatent Johnson , Johnson et Smith ( 2000 ) dans les classes . Pour eux , si le conflit est évité en classe , c' est pour deux raisons principales : d' une part , pour qu' il y ait conflit , il faut que les étudiants puissent discuter entre eux . Or , la plupart des classes sont structurées de manière à éviter les discussions entre étudiants . Pour Johnson et al. ( 2000 ) , cela tient au fait qu' il est beaucoup plus facile pour l' enseignant de faire un cours de façon magistrale et ainsi de garder le contrôle sur ce que font les étudiants . La seconde raison est que les individus pensent que pour pouvoir être « critique » ( et donc participer au conflit ) , il faut disposer d' abord d' une base de connaissances solide et correcte . Ceci amène à penser que seuls les experts pourraient être en conflit les uns avec les autres . De fait , les conflits sont la plupart du temps évités dans les classes . Or , là encore , ceci est particulièrement le cas à l' université . La structure même des cours magistraux en amphithéâtre accentue l' asymétrie de statut entre le professeur et les étudiants , et rappelle les rôles bien définis entre « celui qui sait » ( l' enseignant ) et « ceux qui apprennent » ( les étudiants ) . De plus , et également du fait de leur taille , les amphithéâtres rendent particulièrement difficile la gestion des échanges entre étudiants . De fait , même si parfois , lors de leurs travaux dirigés , les étudiants peuvent être amenés à interagir entre eux , cette pratique reste relativement limitée . Les étudiants ayant peu la possibilité d' échanger , ils ont donc particulièrement peu la possibilité d' échanger sur des points de vue contradictoires . Si ces deux croyances nous interpellent tout particulièrement , c' est parce que celles -ci peuvent représenter parfois un obstacle à l' efficacité des enseignements . Il ne conviendra pas ici ni de diaboliser la norme compétitive , ni de prôner à tout prix les conflits . L' objet de ce travail sera plutôt d' examiner comment ces facteurs peuvent agir et interagir de manière à parfois favoriser l' apprentissage , d' autres fois le détériorer . Dans un premier chapitre , nous étudierons les mécanismes en jeu dans la construction de la connaissance . Plus exactement , nous verrons qu' un même mécanisme se retrouve à l' origine de l' acquisition des connaissances , de la curiosité épistémique ou encore du développement cognitif : celui du conflit . Nous aborderons également dans ce chapitre les méthodes proposées pour utiliser ce conflit cognitif comme stratégie d' enseignement . Ceci nous amènera au constat selon lequel ce dernier n' est pas toujours efficace pour entraîner des progrès . Plus précisément , nous verrons que la plupart du temps , ce type de conflit n' est pas perçu comme suffisamment chargé de sens aux yeux des individus pour déboucher sur une régulation efficace , et de fait sur un réel apprentissage . Or , il apparaît que le conflit peut gagner de la pertinence aux yeux des individus lorsqu' il est inséré dans une interaction sociale . C' est ce qu' ont proposé certains chercheurs ( Doise et Mugny , 1981 , 1997 ) à travers leurs recherches sur le conflit sociocognitif , que nous aborderons dans le chapitre 2 . Nous verrons , à l' issue des résultats des travaux réalisés dans ce champ , que si le fait que le conflit prenne place dans une interaction sociale peut renforcer les effets du conflit sur les progrès cognitifs , ceci peut également , dans d' autres circonstances , être une entrave à une régulation efficace de ce dernier . En particulier , et ce fera l' objet du chapitre 3 , le conflit sociocognitif est aussi un conflit social , conflit susceptible de déboucher sur des dynamiques de compétition . En effet , celui -ci peut donner lieu à des régulations centrées sur l' amélioration de la compréhension du problème , la coordination des points de vue ( régulation épistémique ) . Il peut néanmoins également donner lieu à d' autres régulations dont l' objet est la défense et la protection de ses propres compétences ( régulation relationnelle du conflit ) . Nous verrons comment ces deux modes de régulations apparaissent dans différents travaux tels que ceux réalisés dans le domaine de l' influence sociale ( par exemple Butera , Gardair , Maggi et Mugny , 1998 ; Mugny , Butera , Quiamzade , Dragulescu et Tomei , 2003 ) , ceux portant sur la « controverse » comme stratégie d' enseignement basée sur la confrontation de points de vue contradictoires ( par exemple Johnson , Johnson et Tjosvold , 2000 ) , ainsi que ceux où des conflits variant dans leur forme langagière sont étudiés ( par exemple Darnon , Buchs et Butera , 2002 ; Monteil et Chambres , 1990 ) . De toutes ces recherches émerge l' idée selon laquelle dès qu' autrui menace les compétences propres , le conflit perd au moins en partie ses bénéfices . L' explication fournie pour rendre compte des effets différentiels du conflit en fonction de son mode de régulation ( épistémiqe vs relationnelle ) est donc de nature motivationnelle . Pourtant , les variables qui sont manipulées dans ces recherches sont des variables structurelles ( par exemple le contexte compétitif ou coopératif ) , ou statutaires ( par exemple la compétence de chacune des parties en conflit ) . Cette observation invite à se pencher sur un autre champ de la littérature qui traite , pour sa part , de l' impact de variables plus motivationnelles sur la manière dont les individus traitent une tâche et apprennent de celle -ci . Le courant de recherche qui nous a intéressé plus particulièrement à ce sujet est celui des buts d' accomplissement . Développé surtout depuis la fin des années 1970 , ce champ théorique occupe actuellement l' une des places les plus importantes dans la littérature sur les comportements académiques ( voir par exemple Dweck , 1986 , 1992 ; Harackiewicz , Barron et Elliot , 1998 ; Nicholls , 1984a ) . D' une manière générale , ce domaine de recherche montre qu' il existe deux types de buts que les individus peuvent adopter lorsqu' ils réalisent une tâche d' aptitudes ( telles que les tâches d' apprentissage ) : le but de maîtrise correspondant au désir de comprendre , d' augmenter sa maîtrise de la tâche ; celui de performance correspondant pour sa part au désir de faire preuve de compétence . Nous présenterons au chapitre 4 les principaux résultats émanant de ce cadre de recherche en mettant en particulier l' accent sur les liens qu' entretiennent les buts d' accomplissement avec la motivation intrinsèque , la résolution de la tâche , et l' apprentissage . La revue de ces deux courants de recherches nous amènera alors à mettre en évidence des limites importantes , dans l' un comme dans l' autre de ces courants . C' est ce que nous aborderons dans le chapitre 5 . Par exemple , nous verrons qu' il ressort de la littérature sur le conflit qu' il reste très difficile de savoir comment orienter vers une régulation épistémique du conflit . En outre , il n' est pas aisé à ce jour de se prononcer sur les effets du conflit lorsqu' il est régulé de manière relationnelle . En effet , certains chercheurs suggèrent que dans ce cas , les bénéfices du conflit seraient réduits ( par exemple Johnson et Johnson , 1985 ) . D' autres avancent qu' ils seraient perdus ( par exemple Doise et Mugny , 1997 ) . D' autres recherches indiquent pourtant qu' il se peut que le conflit régulé de manière relationnelle ait parfois des conséquences néfastes pour l' apprentissage ( par exemple Darnon et al. , 2002 ) . Par ailleurs , il ressort de la littérature sur les buts que rares sont les recherches s' intéressant à la dynamique sociale et à sa propension à modérer les effets des buts . De plus , les effets des buts sur l' apprentissage semblent dépendre de la nature de la tâche , et plus spécialement de la mesure dans laquelle celle -ci implique une plus ou moins forte pertinence de l' erreur . Nous verrons à l' issue de ce chapitre 5 comment la mise en lien de ces deux courants de recherche permet d' apporter une contribution importante du côté du conflit , comme de celui des buts . Plus spécifiquement , cette intégration nous amènera à proposer que les effets du conflit devraient dépendre des buts d' accomplissement , et réciproquement . Le but de maîtrise devrait favoriser la régulation épistémique du conflit . Il devrait également favoriser les effets positifs de celui -ci sur l' apprentissage . Le but de performance devrait en revanche favoriser la régulation relationnelle du conflit . Dans ce cas , le conflit devrait perdre ses bénéfices , voire devenir néfaste à l' apprentissage . Ceci amène également à prédire que les effets des buts dépendent de la nature conflictuelle ou non de l' interaction sociale . En effet , ce devrait être lorsqu' il y a conflit , que le but de maîtrise favorise l' apprentissage , comparativement au but de performance . Quatre chapitres expérimentaux rapporteront alors une série d' études visant à examiner cette question . Ainsi , nous proposerons dans le chapitre 6 une série de trois études testant l' impact des buts de maîtrise et de performance comme modérateurs des effets du conflit sur l' apprentissage et sur le mode de régulation du conflit rapporté . Dans cette première série d' études , les buts seront manipulés par la consigne donnée aux sujets ( étude 1 ) . Les conflits seront manipulés grâce à la réponse d' un soi-disant partenaire ( étude 2 ) ou mesurés sur la base d' une interaction sociale entre étudiants à propos de textes présentant des propos contradictoires ( étude 3 ) . Cette série d' études permettra de montrer que sous une consigne mettant en avant le but de maîtrise , le conflit favorise à la fois la régulation épistémique et l' apprentissage . Sous une consigne mettant en avant le but de performance en revanche , le conflit favorise la régulation relationnelle et détériore l' apprentissage . Nous verrons également dans ce chapitre que les buts n' affectent l' apprentissage que lorsqu' ils sont associés à un conflit . Dans le chapitre 7 , nous intégrerons une distinction au sein des deux buts , entre l' approche et l' évitement . D' après certains auteurs en effet ( voir par exemple Elliot , 1997 , 1999 ) , il existerait non pas deux , mais quatre buts : le but de performance-approche ( chercher à être meilleur que les autres ) , de performance-évitement ( éviter d' être moins performant que les autres ) , de maîtrise-approche ( chercher à comprendre , à maîtriser la tâche ) et de maîtrise-évitement ( éviter de ne pas maîtriser autant qu' on le souhaiterait ) . Après une présentation théorique de cette distinction , nous proposerons une échelle de mesure de chacun de ces quatre buts ( étude 4 ) . Les deux autres chapitres expérimentaux porteront plus spécifiquement sur le but de performance , et en particulier sur les deux formes que celui -ci peut prendre : performance-approche et performance-évitement . Nous nous intéresserons plus spécifiquement aux conditions dans lesquelles ces deux buts diffèrent et celles où au contraire , ils sont équivalents . Nous examinerons ce point au travers d' études corrélationnelles pour certaines , expérimentales pour d' autres ( voir étude 6 , pour l' induction des deux buts de performance ) . Plus spécifiquement , l' étude 5 permettra de montrer que c' est parce que les individus poursuivant un but de performance-approche ressentent une très faible peur de l' échec qu' ils réussissent mieux à l' examen . C' est au contraire parce qu' ils ont fortement peur d' échouer que les étudiants poursuivant un but de performance-évitement réussissent moins bien l' examen . L' étude 7 permettra par ailleurs de montrer que dès lors que les individus sont confrontés à un conflit , le but de performance-approche devient équivalent au but de performance-évitement . Ces chapitres expérimentaux se termineront par deux études ( chapitre 9 ) dans lesquelles le lien entre les deux buts de performance et deux modes possibles de régulation du conflit seront examinés . Ceux -ci souligneront que la distinction entre approche et évitement dans le but de performance permet de clarifier la distinction entre deux modes potentiels de régulation relationnelle du conflit : l' une reposant sur la défense et l' affirmation de son point de vue et de ses compétences ( régulation relationnelle défensive ) ; l' autre sur la protection de ses dernières par la complaisance . L' ensemble de ces résultats sera discuté dans le chapitre 10 . Ainsi , l' objectif de ce travail est d' étudier les effets interactifs du conflit et des buts , sur l' apprentissage , ainsi que sur le mode avec lequel le conflit est régulé . Les études que nous allons présenter visent donc à examiner d' une part , si les buts que poursuivent les individus affectent la manière dont ils réagissent à un conflit ainsi que ses effets sur l' apprentissage et , de l' autre , si les effets des buts peuvent à leur tour dépendre de l' interaction avec le partenaire , et en particulier du caractère plus ou moins conflictuel de cette interaction . CHAPITRE 1 Conflit cognitif et construction de connaissances « Conflict is the gadfly of thought . It stirs us to observation and memory . It instigates to invention . It shocks us out of sheep-like passivity , and sets us at noting and contriving . ( ... ) conflict is a sine qua non of reflection and ingenuity » ( Dewey , 1922 ) . L' une des fonctions de toute structure éducative est que les apprenants acquièrent des connaissances . Comme le note Von Glasersfeld ( 1983 ) , cette acquisition a longtemps été considérée comme découlant de la transmission de connaissances . Ceci amenait alors à envisager que la connaissance devait se transmettre entre un individu expert , qualifié ( l' enseignant ) , et des individus novices ( les élèves ) . De fait , la question qui motivait les recherches au début du 20ème siècle portait sur la manière de transmettre au mieux ces connaissances . Avec les travaux sur le constructivisme néanmoins ( pour des revues , voir , par exemple , Jaworski , 1993 ; Laplante , 1997 ; Von Glasersfeld , 1983 ) , une idée nouvelle a émergé . La connaissance ne serait pas seulement le résultat d' une transmission , mais se construirait activement par la confrontation au réel . D' après cette perspective , c' est donc pour s' adapter à son environnement que l' individu va , dans certaines circonstances , devoir modifier ses propres connaissances ( Jaworski , 1993 ) . Cette vision de la connaissance amène à s' interroger sur la nature du mécanisme par lequel la confrontation au réel permet à une connaissance de se construire . L' une des particularités de la confrontation au réel est que celle -ci permet de mettre à l' épreuve les connaissances existantes d' un individu . Elle peut en ce sens soit les confirmer , soit les infirmer . Nous verrons dans ce chapitre comment la confrontation à des données contradictoires avec les connaissances pré-existantes peut être un élément déclencheur de doute et avec le doute , d' un ensemble de processus cognitifs destinés à y faire face et susceptibles de déboucher sur la modification ou la construction de nouvelles connaissances . Pour cela , nous examinerons dans un premier temps comment l' idée du conflit comme déclencheur de processus cognitifs élaborés émane des recherches sur la construction de la connaissance . Nous verrons ensuite que cette même notion de conflit se retrouve dans les recherches portant sur le développement cognitif . Dans un troisième temps , nous verrons quelles sont les stratégies proposées par certains auteurs pour favoriser , grâce à la création de conflit cognitif , l' efficacité d' un enseignement . 1 . La construction de la connaissance : la théorie de l' épistémologie profane Il existe une multitude d' éléments pouvant être considérés comme des connaissances ( attitudes , opinions , croyances , impressions , stéréotypes , inférences statistiques , attributions causales , etc. ) Pour Kruglanski ( 1980 , 1990 ) bien que la nature de ces connaissances soit très variable , celles -ci se forment en suivant un même processus épistémique . 1.1 Génération et validation d' hypothèse La théorie de l' épistémologie profane ( lay epistemics theory , Kruglanski , 1980 , 1990 ; Kruglanski et Ajzen , 1983 ; Kruglanski et Mayseless , 1990 ) postule que la manière dont les individus raisonnent est assez proche du raisonnement scientifique . En effet , la science ne serait qu' une extension de la manière profane de former ses connaissances . Kruglanski appelle « séquence épistémique » le processus par lequel des individus forment leurs impressions , leurs croyances . Cette séquence est engagée lorsqu' un individu est face à une situation nouvelle où la construction d' une connaissance apparaît comme pertinente ( Kruglanski , 1980 ) , c' est-à-dire lorsqu' il pense que la résolution de ce problème va lui permettre d' avancer dans l' atteinte de ses objectifs . Cette séquence épistémique se décompose alors en deux étapes . La première , celle de génération d' hypothèse , correspond à la phase où , pour appréhender un phénomène , l' individu propose différentes hypothèses alternatives . La seconde étape consiste à mettre à l' épreuve ces hypothèses en les confrontant à la réalité . Il s' agit de la phase de validation . Ce processus se fait en suivant un raisonnement logico-déductif . En effet , tout comme le scientifique , l' individu va tester la validité de chacune des propositions en les confrontant à des preuves pertinentes . Pour cela , sont considérées comme pertinentes toutes preuves qui , selon les règles admises par l' individu , établissent une relation de cause à effet avec l' hypothèse . En d' autres termes , la pertinence vient des règles d' inférences subjectives que fait l' individu concernant le fait que certaines preuves impliquent ou non l' hypothèse . Supposons une hypothèse A . Supposons maintenant l' évènement B. Si l' individu accepte le prémisse selon lequel « B est impossible sans A » et « le lien entre A et B est évident et indiscutable » , alors la confiance que l' individu aura en A augmentera en présence de B. En d' autres termes , plus l' individu disposera de cognitions consonantes avec son hypothèse , plus la confiance qu' il aura en celle -ci sera importante . Or , pour Kruglanski , la notion de confiance est essentielle . En effet , pour beaucoup de connaissances , il n' y a pas de critères de véracité objective ; leur acceptation repose donc bien plus sur une validité subjective . De fait , la validation se fera sur la base de la confiance accordée à chacune des propositions . 1.2 Gel et dégel de la séquence épistémique Il est probable qu' un individu dispose , dans une situation donnée , d' une importante quantité de preuves qui pour certaines confirment l' hypothèse et pour d' autres l' infirment . Du fait de la présence d' éléments potentiellement infirmatoires , si l' on en croit cette théorie , la séquence épistémique ne devrait jamais s' arrêter . Pourtant , ce n' est pas le cas . Il existe un moment où la séquence épistémique ( succession de génération et validation d' hypothèses ) s' arrête . Pour Kruglanski ( 1990 ) , l' individu traiterait l' information jusqu'à ce qu' il y ait congruence entre l' état de connaissance qu' il espère avoir et l' état de connaissance qu' il a après ce test d' hypothèse . Si ces deux états concordent ( c' est-à-dire si l' individu a un degré de confiance en sa connaissance nouvellement construite qui le satisfait ) , alors la séquence épistémique sera « gelée » . Dans ce cas , l' individu considère comme vraie la connaissance en question . La génération d' hypothèses alternatives s' arrête , et l' individu devient insensible aux nouvelles informations pertinentes quant à cette connaissance . En revanche , cette séquence est « dégelée » quand il y a une divergence entre l' état de connaissance actuel et celui qui est désiré . Cette situation facilitera la génération d' hypothèses alternatives et augmenterait la sensibilité aux informations pertinentes pour cette connaissance ( Kruglanski et Freund , 1983 ) . De fait , la poursuite de la séquence épistémique est très fortement liée d' une part , au nombre d' hypothèses alternatives qu' un individu est en mesure de générer , et d' autre part à sa propension à prendre en compte ou non la preuve contradictoire à son hypothèse , celle -ci étant susceptible de la dégeler . Or , pour ces auteurs , ces processus sont déterminés par deux éléments : les capacités de l' individu d' une part , et ses motivations épistémiques d' une autre . Pour ces auteurs en effet , l' individu doit , pour poursuivre la séquence épistémique , en être capable . En d' autres termes , pour générer des hypothèses alternatives , il faut que l' individu dispose en mémoire de cognitions lui permettant de le faire . Pour que ces cognitions puissent être activées , il faut donc à la fois qu' elles soient disponibles ( que l' individu les ait acquises par exemple par son expérience , son éducation ) et accessibles ( par exemple activées de manière récente , voir Higgins , 1996 ) . Néanmoins , pour générer des hypothèses alternatives , il ne suffit pas d' en être capable , il faut également être motivé pour le faire . La propension d' un individu à geler ou dégeler la séquence épistémique dépend donc également de ses motivations épistémiques . Selon cette approche ( voir par exemple Kruglanski et Ajzen , 1983 ; Kruglanski et Freund , 1983 ) , il existerait trois grandes motivations fondamentales qui affecteraient le processus de jugement : le besoin de clôture ( need for closure ) , la crainte d' invalidité ( fear of invalidity ) et le besoin de conclusions spécifiques ( need for specific conclusions ) . Kruglanski définit le besoin de clôture comme le besoin d' un jugement défini , absolu , ne supportant pas l' ambiguïté ou la confusion ( voir Kruglanski et Webster , 1996 ) . Pour les auteurs , ce besoin a des implications à deux niveaux : l' urgence et la permanence . Le besoin de clôture agirait en effet de manière à ce que le jugement soit rapidement effectué et jugé valide , sous forme de « saisie » ( seizing ) . Il agirait également au niveau de la permanence des connaissances de manière à ce qu' une fois saisie , la connaissance soit gelée ( frozen ) . A ce niveau , le besoin de clôture correspond au désir de perpétuer la clôture , donc de ne pas revenir sur cette connaissance , de ne pas la remettre en cause . Ce besoin serait à la fois un trait stable et dépendant de variables situationnelles . Par exemple , il serait favorisé par les situations mettant en avant le caractère désirable de conclusions arrêtées , de réponses immédiates ( par exemple pression de temps , conditions rendues difficiles par la présence d' une perturbation , etc. ) Qu' il soit dispositionnel ou situationnel , ce besoin amènerait à se fermer sur la première hypothèse satisfaisante et à rester insensible aux informations alternatives , dans la mesure où ces dernières mettent en danger la stabilité de la connaissance . Ce besoin de clôture affecterait donc à la fois la quantité d' informations traitées et la qualité de ce traitement . Des études montrent en effet ( Kruglanski et Webster , 1996 ) que lorsque les individus sont fortement motivés par la clôture , le nombre de règles qu' ils proposent est restreint . De plus , ils font un traitement de l' information peu approfondi , et montrent une préférence pour les premiers indices , alors qu' ils négligent les informations suivantes . Ils utilisent d' ailleurs plus les informations stéréotypées dans leur jugement , montrent un important biais de consistance ( préférence pour les connaissances applicables à un grand nombre de situations ) et sont rendus insensibles à la persuasion , tout en se montrant plus confiants en leur jugement que ceux pour qui ce besoin est faible . Pour les auteurs , le besoin de clôture représenterait un continuum allant du fort besoin de clôture au fort besoin d' éviter la clôture . Ce dernier se manifesterait dans les situations où par exemple , la tâche de jugement est intrinsèquement intéressante . Dans ce cas , la clôture impliquerait la fin de cette tâche et serait donc évitée . Son besoin de l' éviter augmenterait donc le nombre d' hypothèses alternatives considérées . La crainte d' invalidité correspondrait pour sa part à une peur de commettre une erreur coûteuse ( Kruglanski et Freund , 1983 ) . En d' autres termes , elle pousserait à éviter les conclusions prématurées , du fait que celles -ci risquent d' être incorrectes . Cette motivation viendrait du coût perçu de l' erreur de jugement . Elle serait en effet à l' oeuvre chez les individus qui estiment qu' ils ne peuvent pas se permettre de se tromper , chez ceux pour qui prime le désir d' exactitude ( Chen , Schechter et Chaiken , 1996 ; Chaiken , Giner-Sorolla et Chen , 1996 ) . Là encore , cette motivation peut relever de traits stables comme de la situation ( par exemple l' appréhension de l' évaluation , Kruglanski et Freund , 1983 ) . La crainte d' invalidité provoque des réactions inverses à celles que provoque le besoin de clôture . Pour Kruglanski et Webster ( 1996 ) : « when validity concerns are salient , people may engage in a thorough and extensive information search and generate multiple alternative interpretations to account for known facts » ( p. 264 ) . Contrairement au besoin de clôture , en effet cette motivation favorise la génération d' hypothèses alternatives et la prise en compte des informations contradictoires pour établir son jugement , en vue d' éviter l' engagement trop hâtif dans un jugement qui risque de ne pas être le bon . Elle diminue donc les biais cognitifs ( par exemple les jugements stéréotypés , l' effet de primauté , l' ancrage numérique , voir Kruglanski et Freund , 1983 ) . Pour ces auteurs , le besoin de clôture et la crainte d' invalidité sont des besoins non-directionnels puisqu' ils n' ont pas pour objectif de favoriser une conclusion spécifique , mais n' importe quelle conclusion ( ou absence de conclusion pour la crainte d' invalidité ) . Il existerait d' autres motivations qui elles , orienteraient l' individu non pas seulement vers une conclusion , mais vers une conclusion spécifique désirable . L' individu favoriserait en effet les propositions qui lui permettent d' atteindre l' état désiré ou qui lui sont favorables . Ces motivations introduisent un biais directionnel ( Kunda , 1990 ) , puisque le critère déterminant ici est la désirabilité de la conclusion . Comme le notent Kruglanski et Freund ( 1983 ) , ce besoin de conclusions spécifiques peut à la fois favoriser ou au contraire restreindre la génération d' hypothèses alternatives et la prise en compte de la preuve contradictoire . Si la conclusion est désirable , la séquence épistémique va avoir tendance à être plus facilement gelée . Si en revanche la conclusion est indésirable , alors la génération d' hypothèses alternatives sera favorisée . Il semble , pour résumer , que la construction de connaissances se fasse en deux étapes : la génération et la validation d' hypothèse . Ces processus sont fortement biaisés par la capacité de l' individu ainsi que par ses motivations . Ce que l' on peut en retenir , d' une manière générale , c' est que le dégel reposera sur la propension de l' individu à prendre en compte les preuves contradictoires ainsi qu' à générer des hypothèses alternatives . Cette approche permet donc de mettre en évidence le rôle de l' information contradictoire dans la poursuite de la séquence épistémique . Elle montre en outre que le gel trop hâtif de la conclusion peut amener à des erreurs de jugements et favoriser l' émergence de bais cognitifs ( voir par exemple Kruglanski et Ajzen , 1983 ) . Comment faire , alors , pour que la séquence épistémique se poursuive ? Il semblerait qu' un moyen de maintenir l' activité épistémique d' un individu ( et de réduire sa propension à effectuer des jugements hâtifs ou biaisés ) serait de le confronter à des preuves contradictoires et de favoriser sa motivation à les prendre en compte . Les travaux que nous venons de présenter traitent de la construction de la « connaissance » au sens général . Néanmoins , nous allons voir que l' on retrouve l' importance du doute comme déclencheur de processus épistémique ainsi que la capacité de l' information contradictoire à introduire ce doute , dans des travaux portant sur la curiosité épistémique ainsi que dans ceux portant sur le développement cognitif . 2 . Le conflit comme déclencheur de curiosité épistémique et de développement cognitif 2.1 Conflit et curiosité épistémique Dans son approche , Berlyne ( 1957 , 1960 ) accordait une place toute particulière au conflit cognitif , ou plus exactement à ce qu' il qualifiait de « conflit conceptuel » . Pour Berlyne , le conflit conceptuel apparaîtrait dès lors qu' un individu dispose de plusieurs réponses en conflit . Ce conflit conceptuel pourrait donc provenir à la fois de la sensation de doutes ( par exemple lorsqu' un individu ne sait pas si un jugement est vrai ou faux ) , de perplexité ( lorsque deux ou plusieurs jugements contradictoires existent et que l' individu ne sait pas lequel est le plus exact ) , de contradictions ( situations où une preuve contredit ce qu' un individu croyait vrai ) , d' incongruité conceptuelle ( lorsque l' individu observe simultanément deux preuves qu' il croyait incompatibles ) , de confusions ( lorsqu' il est difficile de dire si un concept est différent d' un autre ) , ou d' impertinence ( s' interroger sur la pertinence d' un élément dans un cadre donné ) . Or , si pour Berlyne le conflit est important , c' est parce qu' il serait le déclencheur d' un ensemble de « comportements épistémiques » destinés à y faire face . En effet , pour Berlyne , l' organisme aurait toujours besoin d' un certain niveau d' activation optimal . De fait , une déviation par rapport à ce niveau optimal ( telle que celle qui est ressentie face à un conflit conceptuel ) générerait une tension . Pour réduire cette tension , l' individu déploierait des stratégies en vue de combler cet écart , stratégies parmi lesquelles la « curiosité épistémique » ( recherche d' informations supplémentaires ) , serait l' une des plus importantes . En d' autres termes , pour Berlyne , le conflit conceptuel serait le déclencheur de la curiosité épistémique , donc des comportements visant à comprendre mieux le problème , à améliorer sa connaissance et à rechercher des informations supplémentaires . 2.2 Conflit et équilibration C' est pour sa part dans le cadre de ses recherches sur le développement cognitif que Piaget s' est intéressé à la contradiction comme mécanisme clé du développement . Dans sa théorie de l' équilibration , Piaget ( 1975 ) postule que les individus cherchent à éviter l' incohérence et tendent donc toujours vers certaines formes d' équilibre . Les structures cognitives ne sont pas innées mais se construisent en paliers successifs qui correspondent chacun à des niveaux d' équilibre . Pour Piaget , l' équilibre qui caractérise les connaissances d' un individu à un instant t n' est pas stable . Au contraire , il est en perpétuelle mutation . D' après lui , le développement cognitif va se caractériser par le passage d' un état d' équilibre à un autre . Or , l' élément clé qui permet , d' après lui , ce passage est la « perturbation » dans cet équilibre , c' est-à-dire la prise de conscience de la faillibilité de cet état de connaissances . D' après Piaget , ces perturbations , qu' il appelle également les « conflits » , ou les « contradictions » ( Piaget , 1974a , 1974b ) , peuvent être de deux sortes ( voir également Inhelder , Bovet et Sinclair , 1974 ) : le premier cas de figure est la confrontation entre deux sous-systèmes . Ce type de conflits émerge des situations où deux schèmes divergents et incompatibles sont sollicités . Le second cas de figure correspond à la confrontation entre le schème d' un individu et les observables fournis par la situation ( la « résistance de l' objet » ) . Ce type de conflit émane de l' observation d' un phénomène qui ne peut être expliqué par le schème existant . Dans le premier cas comme dans le second , néanmoins , les perturbations ne suffisent pas à elles seules à expliquer les progrès . En effet , Piaget note que les contradictions peuvent exister au sein du système de pensée d' un individu sans que celles -ci ne posent problème . Ce qui , d' après lui , rend la perturbation génératrice de progrès , c' est l' activité cognitive qu' elle peut déclencher . Piaget postule que lorsqu' une perturbation considérée comme telle intervient au cours de l' activité de l' individu , celui -ci cherche à la compenser . Cependant , un simple retour à l' état initial est impossible du fait que cet état a été perturbé . Il y a donc une exigence de « dépassement » [ 3 ] de l' état initial . Comment va s' effectuer ce dépassement ? Pour Piaget , celui -ci va se faire grâce aux processus d' affirmation et de négation ( Piaget , 1974 ) : pour faire face à la contradiction ressentie en effet , l' individu va revenir à sa conception initiale ( par abstraction réfléchissante ) pour en nier certains aspects ( négation ) et en affirmer d' autres ( affirmation ) de manière à ce que le nouveau système de connaissances permette de rendre compte de la contradiction . Pour faire face au déséquilibre engendré par ces contradictions , l' individu devra donc mettre en place un travail cognitif d' assimilation et d' accommodation . L' assimilation correspond à l' intégration des données du problème à résoudre dans son système de connaissances existant , c' est-à-dire à l' ajout des nouvelles connaissances à celles déjà en place dans les structures cognitives . L' accommodation correspond pour sa part à une modification de son cadre mental en vue de l' adapter à une situation nouvelle . Ces deux activités visent à restaurer l' équilibre . C' est ce que Piaget appelle la « régulation » de la perturbation , c' est-à-dire la modification de son système de pensée en fonction de ce qui est observé . D' après Piaget , cette régulation , qui permet de dépasser la contradiction , pourra déboucher sur les modifications de deux sortes : la première est ce que Piaget appelle « l' élargissement du référentiel » . Celui -ci correspond à une redéfinition de ses connaissances de manière à ce qu' elles rendent compte de plus de possibilités . Par exemple , il peut s' agir d' une clarification de la structure de connaissance par l' établissement d' une distinction entre différents sous-ensembles ou de la création de nouveaux systèmes . La seconde correspond à la relativisation des notions . Celle -ci correspond par exemple à la spécification des conditions d' émergence d' un effet . Dans les deux cas , il y a transformation de l' état de connaissance de manière à le rendre plus correct et plus en adéquation avec la réalité . De fait , si la régulation permet de restaurer l' équilibre , il ne s' agit pas d' un retour au niveau d' équilibre initial , mais d' un progrès . En effet , ce nouvel équilibre , puisqu' il répond à plus d' exigences du réel , est plus élevé que le précédent . Piaget parle en ce sens d' équilibration « majorante » . De fait , si le conflit ne permet pas à lui seul d' améliorer les connaissances ( tout conflit ne donnant pas forcément lieu à une régulation ) , il est néanmoins le déclencheur potentiel du processus d' équilibration permettant le dépassement . C' est en cela que Piaget le qualifie de « moteur de la recherche , car sans lui , la connaissance demeurerait statique » ( Piaget , 1975 , p . 18 ) . 3 . Le conflit cognitif comme stratégie d' enseignement Il est intéressant de noter que déjà Socrate préconisait une méthode d' accès à la connaissance reposant sur le dialogue et la contradiction ( voir le dialogue avec Menon , rapporté par Platon ) . Ce dialogue comprenait deux parties : « l' ironie socratique » , durant laquelle Socrate forçait , par de multiples questions , son interlocuteur à se contredire lui-même , afin de lui faire prendre conscience de sa propre « ignorance » . La « maïeutique » consistait alors à l' aider à prendre conscience des connaissances qu' il avait en lui . Cette méthode consistait donc à mettre ses interlocuteurs face à la faillibilité de leur propre raisonnement principalement grâce au dialogue , fait d' argumentation et de contre-argumentation . Les recherches qui ont découlé des travaux de Piaget ( 1974 , 1975 ) et de Berlyne ( 1960 ) partagent avec cette perspective le point de vue selon lequel la contradiction et la prise de conscience de cette contradiction sont des mécanismes clés du progrès . En effet , de ces travaux découle l' idée selon laquelle , pour qu' il y ait reconstruction cognitive , il faut que l' individu soit confronté à une information contradictoire , en ce sens qu' elle ne correspond pas aux prédictions du modèle de connaissances existant . Partant de cette conception , de nombreux auteurs se sont intéressés à la création de conflit comme méthode susceptible de favoriser la construction de connaissances ( voir par exemple Limon , 2001 ; Magnan , 1989 ; Posner , Strike , Hewson et Gertzog , 1982 ) . 3.1 Conflit cognitif et changement conceptuel C' est déjà ce que proposaient Inhelder et al. ( 1974 ) au travers de ce qu' elles qualifiaient de « méthode d' exploration critique » . Cette méthode consistait en effet à favoriser l' interaction entre l' individu et les observables , et en particulier les observables relevant de différents schèmes . Pour ces auteurs , cette confrontation peut en effet favoriser l' occurrence de conflits qui , à leur tour , peuvent déclencher des coordinations nouvelles et par conséquent , des progrès cognitifs . C' est en suivant la même idée que se sont développés les modèles de changement conceptuel ( voir par exemple Eylon et Linn , 1988 ou Burbules et Linn , 1988 ) qui proposent également l' utilisation de stratégies reposant sur le conflit cognitif comme moyen de développer les connaissances . Ceux -ci s' inscrivent dans une perspective constructiviste , en ce sens où tout comme Piaget , ils proposent que les connaissances se construisent activement par la confrontation au réel ( Jaworski , 1993 ; Laplante , 1997 ; Von Glaserfeld , 1983 ) . Pour ces modèles , principalement développés dans le champ de la didactique des sciences ( portant par exemple sur l' apprentissage de notions de biologie , physique , chimie ) , l' apprentissage consiste à remplacer un modèle erroné par un modèle plus adéquat ( Hewson et Hewson , 1984 ; Posner et al. , 1982 ) . L' un des principes essentiels de cette approche est qu' il faut prendre en considération les conceptions initiales qu' ont les apprenants , avant de leur enseigner les conceptions scientifiques . En effet , les apprenants viennent généralement en classe avec certaines idées sur la manière dont fonctionne le monde , des modèles « naïfs » , des « méconceptions » . Ces conceptions initiales s' observent chez les enfants tout comme chez les adultes . Ces conceptions sont , d' après cette approche , extrêmement importantes pour comprendre le changement conceptuel . En effet , ce qui , d' après ces auteurs , va amener un individu à renoncer à ses conceptions initiales en vue d' adopter la conception scientifique ( celle qu' il a à apprendre ) , c' est la prise de conscience de l' insuffisance de cette pré-conception pour rendre compte d' un évènement observé . Or , pour que cette prise de conscience ait lieu , il faut , d' après les auteurs , confronter l' individu à des données incompatibles et inconciliables avec son modèle de pensée initial . En effet , cette confrontation permet de souligner la nécessité de réorganiser le système de connaissances . Pour cette approche , si les conceptions initiales sont importantes , c' est parce qu' elles sont généralement en contradiction avec le concept tel qu' il doit être appris . Il s' agit donc de les rendre explicites afin de mettre en évidence cette contradiction et de fait , créer ce que les auteurs appellent un « conflit cognitif » ou , comme Berlyne ( 1960 ) un « conflit conceptuel » ( par exemple Limon , 2001 ; Nussbaum et Novick , 1982 ; ) . Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la création de ce type de conflits cognitifs comme méthode pédagogique ( pour une revue , voir Scott et al. , 1991 ) . La plupart d' entre elles reposent sur la stratégie suivante : dans un premier temps , il est demandé à l' apprenant d' énoncer ses connaissances initiales . Il s' agit ensuite de le confronter à une information contradictoire et inconciliable avec cette pré-conception . Le modèle à apprendre est alors présenté ( voir par exemple Nussbaum et Novick , 1982 ) . Pour Posner et al. ( 1982 , voir également Hewson et Hewson , 1984 ) , quatre conditions sont nécessaires pour que ce conflit cognitif débouche sur un changement conceptuel . Premièrement , il doit y avoir un mécontentement ( dissatisfaction ) avec les conceptions existantes . Il faut par ailleurs que la conception à apprendre soit intelligible , c' est-à-dire que les apprenants soient en mesure de la comprendre . De plus , il faut que cette conception soit plausible . En d' autres termes , les apprenants doivent pouvoir concevoir que la conception introduite , même s' ils n' y adhèrent pas tout de suite , puisse être vraie . Enfin , il faut que les apprenants trouvent cette conception « féconde » ( fruitful ) , c' est-à-dire qu' ils perçoivent l' utilité de l' adopter , pour pouvoir par exemple résoudre un problème . Si l' ensemble de ces conditions est respecté , alors la stratégie reposant sur la création de conflit cognitif devrait se révéler , d' après les auteurs , tout à fait efficace . Son premier avantage repose notamment sur le fait que le conflit cognitif permet de faire prendre conscience de la faillibilité des conceptions propres . En effet , du fait que le conflit cognitif est généré par l' insatisfaction avec les connaissances initiales , il va souligner la nécessité de réorganiser , de restructurer ses connaissances et d' y apporter des modifications utiles pour rendre compte de cette contradiction ( Posner et al. , 1982 ) . De plus , conformément à la perspective piagétienne ( 1975 ) , et comme souligné par Laplante ( 1997 ) , Posner et al. ( 1982 ) ou Nussbaum et Novick , ( 1982 ) , le conflit cognitif va pouvoir déclencher l' accommodation des conceptions initiales à la lumière de la conception appropriée présentée ensuite . Notons que cette conceptualisation du conflit est assez proche des théories de l' apprentissage par l' erreur ( voir Ohlsson , 1996 pour une revue ) . Pour eux en effet , « errors are experienced as conflicts between what the learner believes ought to be true and what he or she perceives to be the case » ( Ohlsson , 1996 , p . 242 ) . Selon ces auteurs , l' apprentissage par l' erreur se fait en deux temps . D' une part , il faut que l' erreur soit détectée ( cette détection découlant la plupart du temps de la confrontation à un environnement ) . D' autre part , l' erreur doit être ensuite corrigée . Or , pour corriger l' erreur , il est probable que les individus recherchent une explication à celle -ci . Une telle explication requiert souvent un mode de raisonnement complexe . La correction de l' erreur amène , en ce sens , à des progrès successifs . 3.2 Une méthode efficace ? Il existe plusieurs études qui attestent du potentiel des méthodes reposant sur le conflit cognitif à faciliter l' apprentissage . Plusieurs d' entre elles suggèrent en effet que l' utilisation de ce type de stratégies permet une amélioration du niveau de connaissances . C' est par exemple le cas de l' étude de Jensen et Finley ( 1995 ) , portant sur l' apprentissage de la théorie darwinienne . Dans celle -ci , l' enseignant présente d' abord aux étudiants les principes de Lamarck , avant de les confronter à des exemples incompatibles avec cette approche ( création du conflit cognitif ) . La théorie darwinienne est alors exposée . Les résultats montrent l' efficacité de cette technique sur l' apprentissage de cette théorie . Notons également que dans l' étude de Burbules et Linn ( 1988 ) , portant sur des notions de science physiques , la stratégie basée sur la confrontation à des contradictions permet d' entraîner des progrès chez des adolescents . Même si , la contradiction étant présente dans toutes les conditions , il est difficile de savoir si les progrès sont réellement dûs à cette dernière , on observe néanmoins que parmi les différentes étapes du processus , c' est après la phase de contradiction qu' il semble y avoir un bond dans le nombre de réponses correctes fournies . Notons que les résultats de l' étude de Magnan ( 1989 ) vont dans le même sens . La procédure de cette étude consiste à produire une contradiction entre ce que l' enfant attend ( ses modèles initiaux ) et le constat qu' il est amené à faire ( par l' observation d' un phénomène ) , à propos d' un objet en rotation . Les résultats indiquent que l' utilisation de cette procédure peut se révéler efficace dans l' apprentissage de la représentation perceptive de l' objet en rotation . Dans d' autres études , les méthodes impliquant un conflit cognitif sont comparées à d' autres méthodes n' en impliquant pas . C' est par exemple ce qu' a fait Niaz ( 1995 ) dans son étude portant sur des concepts de chimie . Dans celle -ci , la méthode consistait à confronter les sujets à un problème qui ne pouvait être résolu par leur stratégie habituelle , créant ainsi un conflit cognitif . Une solution au problème était ensuite proposée . Les sujets devaient alors discuter entre eux de la solution proposée . Dans un groupe contrôle , la procédure expérimentale n' impliquait pas de conflit cognitif . Lors de différents post-tests ( 7 , 9 et 17 semaines plus tard ) , on demandait aux sujets de résoudre à nouveau des problèmes du même type . Les résultats de cette étude montrent que les sujets que l' on a confrontés à un conflit cognitif réussissent plus de problèmes que ceux du groupe contrôle et ce , pour tous les post-tests . De même , dans leur étude , Chan , Burtis et Bereiter ( 1997 ) comparent une condition où les sujets ( des adolescents ) sont confrontés à des conflits , à une autre où les propositions auxquelles ils sont confrontés confirment leurs croyances [ 4 ] . Il s' agit ici d' une notion de biologie . Dans un premier temps , les sujets doivent répondre à quelques questions à ce propos , de manière à ce que soient enregistrées leurs conceptions initiales . Ils sont ensuite confrontés à un programme informatique qui leur donne , en fonction de la condition expérimentale , soit des propositions qui contredisent leurs conceptions initiales , soit des propositions qui les confirment . Dans les deux cas , il leur est dit qu' il s' agit d' arguments acceptés par les scientifiques . La consigne est de les lire et d' essayer d' apprendre sur la base de ceux -ci . Ils sont alors à nouveau confrontés à leurs réponses initiales . Là , ils peuvent choisir de les changer ou de les conserver . Lors d' un post-test , les sujets doivent enfin répondre à nouveau aux mêmes questions . Cette mesure permet de voir s' ils changent ou non de conceptions . Un expérimentateur les interroge alors sur le sujet . Cette dernière phase permet d' évaluer la qualité de leur raisonnement . Des juges évaluent en effet les stratégies de résolution de problème , en fonction de différents niveaux . Les deux premiers niveaux correspondent simplement à une assimilation partielle : à ce niveau , la nouvelle information est interprétée en fonction des connaissances pré-éxistantes seulement , ou est ignorée si elle ne peut pas être réinterprétée dans ce sens . Un niveau intermédiaire correspond à une construction de surface , c' est-à-dire qu' il y a compréhension des informations mais pas de tentative de les intégrer dans le système de pensée , les individus se contentant par exemple de les paraphraser ou de les juxtaposer . Aux niveaux 4 et 5 en revanche , il y a construction de connaissances ( knowledge building ) de manière implicite ( niveau 4 ) ou explicite ( niveau 5 ) . Ce niveau correspond à un traitement de l' information comme quelque chose de problématique , nécessitant de l' attention et un examen attentif des liens entre les différentes informations . Les résultats de cette étude indiquent clairement que les conditions de conflit entraînent moins de réactions de type 1 et 2 ( assimilation ) et plus de réactions des niveaux 4 et 5 ( construction de connaissance ) . En outre , ces conditions favorisent la qualité des réponses données au post-test et le changement conceptuel . Des analyses complémentaires montrent enfin que la construction de connaissance médiatise le lien entre conflit et changement conceptuel . Notons d' ailleurs que la méta-analyse de Ross ( 1988 ) indique que l' efficacité des interventions pédagogiques augmente lorsque celles -ci utilisent une stratégie impliquant un conflit cognitif ( c' est-à-dire lorsqu' à un moment ou à un autre de la procédure , les sujets sont confrontés à des données incompatibles avec leurs conceptions initiales ) . Elle soutient donc également l' idée selon laquelle l' utilisation de stratégies basées sur le conflit cognitif serait profitable aux élèves . Il est intéressant de remarquer également que d' autres résultats , bien que reposant sur une stratégie quelque peu différente , permettent également de souligner les bénéfices du conflit cognitif . C' est le cas des études de Murray , Ames et Botvin ( 1977 ) , qui portent sur le conflit interne comme élément déclencheur du développement cognitif . Dans ces études , une fois que l' enfant avait donné sa réponse ( à propos d' une tâche de conservation des liquides ; pour une présentation plus détaillée de cette tâche , voir chapitre 2 ) , l' expérimentateur lui demandait de donner une réponse opposée à celle qu' il venait de donner ( technique de l' avocat du diable ) . Pour certains sujets le propos à tenir relevait d' un niveau inférieur au leur , pour d' autres il relevait d' un niveau supérieur . Les résultats indiquent que les enfants devant donner une réponse d' un niveau supérieur à la leur progressent significativement . Les autres ne régressent pas . Tout comme pour les études portant sur le changement conceptuel et bien que reposant sur un paradigme différent , ces résultats indiquent qu' adopter un point de vue contraire à son point de vue propre , peut être source de progrès cognitifs . 3.3 Les limites du conflit cognitif Si , comme nous venons de le voir , sous certaines circonstances , le conflit peut entraîner du changement , certains résultats montrent que ce n' est néanmoins pas toujours le cas . Dans plusieurs recherches , le conflit cognitif ne suffit pas à entraîner de véritables progrès . Dans leur étude , Limon et Carretero ( 1997 ) introduisent par exemple le conflit cognitif en faisant d' abord lire à des adolescents un texte présentant six hypothèses sur l' origine du monde , puis un texte indiquant que des chercheurs ont obtenu des résultats contradictoires à ces hypothèses [ 5 ] . Leurs résultats indiquent que la seule conséquence qu' ait entraîné cette stratégie est la prise de conscience par certains adolescents de la contradiction . Cette méthode échoue à entraîner un changement conceptuel . Trumper ( 1997 ) observe pour sa part les réactions de collégiens face à un conflit . Dans cette étude , le conflit est introduit par la confrontation à des situations « anormales » mettant en cause les conceptions initiales à propos du concept d' énergie . La conclusion de cette étude est qu' il est souvent très difficile d' appliquer ce type de méthode , notamment du fait que la plupart des conflits sont évités par les collégiens , n' entraînant de fait pas de bénéfices . Il semble en effet que l' un des principaux obstacles que rencontrent ces méthodes reposant sur le conflit cognitif est le fait que celui -ci est très souvent « évité » . Piaget ( 1975 ) tout comme Inhelder et al. ( 1974 ) soulignent déjà que ce n' est pas le conflit en tant que tel qui entraîne des progrès , mais les régulations susceptibles d' en découler . Ces auteurs avancent également que si toute régulation vient d' une perturbation , la réciproque ( toute perturbation donne lieu à une régulation ) n' est pas vraie . Piaget ( 1975 ) considère que l' on peut répondre à la perturbation de différentes manières . Il qualifie « d' inadaptée » la réaction de ne pas percevoir , de ne pas réaliser l' inconsistance entre les modèles de connaissances existants et une réalité observable . Par ailleurs , il distingue trois formes de stratégies « adaptées » : la première , qu' il appelle la conduite « Alpha » consiste à essayer de neutraliser la perturbation par suppression , ou même en la niant . Cette réaction revient donc à avoir conscience de l' information conflictuelle , mais tout faire pour l' ignorer . La seconde , la conduite « Béta » consiste à tenir compte de la perturbation , mais en cherchant des compromis . Elle correspond donc à l' intégration de cette donnée par une modification partielle du système en place ( par exemple par la génération d' une explication ad hoc ) . Piaget parle en ce sens seulement de « déplacement » d' équilibre du système initial . La dernière conduite ( « Gamma » ) revient par contre à incorporer la perturbation dans le sous-système . Il y a dans ce cas une modification dans le coeur central de la théorie , cette régulation correspondant d' après Piaget à un véritable changement de fond . Inhelder et al. ( 1974 ) défendent également cette idée en montrant que les enfants qui semblent ne pas avoir « éprouvé » les confits , ou les avoir « escamotés » ( p. 301 ) ne progressent pas . Elles ajoutent , concernant ce type d' enfant , que « tout semble se passer chez eux comme si une grande partie du problème était écartée au lieu d' être intégrée dans la solution de celui -ci » ( p. 302 ) . Leurs résultats indiquent que dans ce cas , et même si les enfants arrivent parfois à donner la bonne réponse au premier post-test , ce n' est pas le cas au second , ce qui reflète de la superficialité de cette nouvelle connaissance . 3.4 Comment augmenter l' efficacité du conflit cognitif ? Il apparait donc que pour que le conflit puisse entraîner des progrès , il est nécessaire que celui -ci donne lieu à des régulations effectives . De fait , la stratégie du conflit cognitif n' a pas toujours les effets escomptés . Malgré ses potentiels positifs , en effet , le conflit cognitif est inefficace s' il est évité . C' est sans doute ce qui amène Eylon et Linn ( 1988 ) à conclure , après avoir passé en revue les différentes approches traitant de l' impact de la contradiction dans le changement conceptuel , que si l' utilisation de la contradiction peut représenter une opportunité pour le changement conceptuel , celle -ci ne suffit pas ( voir . C' est également peut-être la même observation qui pousse Limon ( 2001 ) dans sa revue de littérature sur les effets du conflit cognitif , à la conclusion suivante : « perhaps the most outstanding result of the studies using the cognitive conflict strategy is the lack of efficacy for students to achieve a strong restructuring and , consequently , a deep understanding of the new information » . Nous venons de voir que cette inefficacité du conflit est certainement dûe au fait que la plupart du temps , le conflit est évité . Or , pour Limon ( 2001 , voir également Mason , 2000 ou Trumper , 1997 ) , s' il est évité , c' est entre autre parce que souvent , il n' est pas assez chargé de sens ( meaningful ) pour les sujets . Comment le conflit peut -il prendre plus de sens aux yeux des individus ? Pour Limon ( 2001 ) , on a eu tendance à négliger , dans les études sur le conflit cognitif , les dimensions autres que le « cognitif » , c' est-à-dire les autres facteurs présents dans une situation de classe susceptibles d' affecter également l' apprentissage . Ces facteurs ( par exemple la présence d' autres personnes , la motivation , les stratégies d' étude ) pourraient être selon elle utilisés de manière à rendre le conflit plus chargé de sens aux yeux des sujets . Parmi ces facteurs , elle accorde une grande importance aux facteurs sociaux ( l' enseignant , mais aussi la présence de pairs ) . On peut effectivement penser que le facteur social , et plus exactement la possibilité d' interactions sociales , peut se révéler extrêmement importante lorsque les individus sont confrontés à des informations contradictoires . C' est ce que suggère Miller ( 1987 ) qui propose que les situations d' interactions sociales sont tout à fait pertinentes pour rendre compte de progrès cognitifs dans la mesure où elles reposent sur l' argumentation collective , mécanisme permettant aux sujets de traiter le conflit d' une manière plus élaborée qu' ils ne l' auraient fait face à un conflit expérimenté seul . Il est probable en effet que le fait que le conflit doive être discuté le rend pertinent , et diminue ainsi la probabilité pour qu' il soit évité . Il est intéressant de noter à ce titre que parmi les études que nous venons de présenter , certaines impliquent à un moment de la procédure les échanges entre élèves ( par exemple Nussbaum et Novick , 1982 ; Niaz , 1995 ) . Or , bien que les auteurs ne semblent pas concevoir cette étape comme fondamentale , il se peut qu' elle affecte l' efficacité de la technique . C' est en tout cas ce qui est mis en évidence par Chan et al. ( 1997 ) dans leur étude dont nous avons déjà parlé plus haut . Dans cette étude , le mode de travail ( seul vs en collaboration avec un pair ) est manipulé en plus de la stratégie ( conflit vs assimilation ) . Les résultats ne révèlent aucun effet principal de la collaboration . Néanmoins , et même si cet effet ne concerne pas toutes les tranches d' âge , les résultats indiquent que chez les plus âgés ( ceux qui , d' après les auteurs , sont capables d' employer des procédures de discours plus sophistiquées ) le conflit en collaboration est plus profitable que le conflit expérimenté seul . D' ailleurs , et ceci concerne tous les âges , le fait de collaborer avec un pair est plus profitable dans les conditions de conflit que dans les conditions d' assimilation . Bien que cette manipulation ne constituait pas l' objet principal de l' étude , elle suggère qu' un moyen de rendre le conflit pertinent aux yeux des sujets peut être de les faire échanger avec autrui à propos de cette contradiction . Notons que cette idée est à rapprocher de l' analyse de Dunbar ( 1995 ) sur l' utilisation de la preuve contradictoire par les scientifiques . Celui -ci étudie en effet au sein de laboratoires de biologie la manière dont raisonnent les chercheurs et plus particulièrement la manière dont ils réagissent face à une donnée contradictoire avec les hypothèses . Selon lui , celle -ci n' est pas toujours prise en compte . En effet , si elle débouche souvent sur de légères modifications de détail du modèle , elles n' entraînent que rarement une remise en cause des hypothèses générales ( pour une discussion de ce point , voir Butera et Mugny , 1992 ) . Or , un élément favorisant la prise en compte de la donnée contradictoire et , de fait , le changement conceptuel qui peut en découler est , pour Dunbar , la confrontation à d' autres chercheurs . Pour lui donc , le facteur social joue un rôle crucial dans la prise en compte des données anormales et de ce fait , dans leur propension à déboucher sur un véritable changement . L' ensemble de ces travaux amène à penser que lorsque la contradiction est discutée avec des pairs , elle peut favoriser l' implication dans les activités visant à la résoudre , ainsi que le bénéfice qui en est retiré . Ces travaux soulignent à ce titre l' intérêt de l' association entre interactions sociales et conflit cognitif . Néanmoins , il existe une autre raison pour laquelle le facteur social peut se révéler important en termes de conflit . Comme le suggère Mason ( 2001 ) dans la discussion de son étude portant sur la confrontation à des données contradictoires : « In order to use conflicting information to produce the metacognitive awareness that a different interpretation of a phenomenon exists ( ... ) teachers would create a collaborative learning context in which the students'possible different responses are compared and debated amongst themselves » ( p. 479 ) . En effet , le conflit ne trouve pas seulement son sens et sa pertinence au sein d' une interaction sociale , il peut également y trouver son origine . C' est ce que nous verrons dans le chapitre suivant . CHAPITRE 2 Un conflit à la fois social et cognitif « Have you learned lessons only of those who admired you , and were tender with you , and stood aside for you ? Have you not learned great lessons from those who ( ... ) braced themselves against you ( ... ) and dispute the passage with you ? » ( Whitman , 1973 ) . L' ensemble des recherches que nous venons de présenter suggère que pour que le processus épistémique se poursuive ( Kruglanski , 1990 ) ou pour qu' il y ait progrès cognitifs ( Piaget , 1975 ) et curiosité épistémique ( Berlyne , 1960 ) , il faut que l' environnement fournisse des éléments en opposition , c' est-à-dire en conflit avec la connaissance initiale . Néanmoins , comme nous l' avons vu , un examen plus attentif des résultats des recherches portant sur les effets du conflit cognitif apporte une limite à cette idée . Nombreuses d' entre elles soulignent en effet que le problème du conflit est que , bien souvent , il est évité plutôt que d' être affronté . Pourtant , ces recherches soulignent également que lorsqu' il est suffisamment chargé de sens pour les sujets , le conflit cognitif peut être source de progrès . C' est en ce sens qu' il devient particulièrement pertinent de s' intéresser à la situation d' interaction sociale entre apprenants . Comme nous l' avons évoqué en effet , celle -ci peut donner de la pertinence au conflit . En outre , elle peut également en être la source . C' est à ce type de conflit , émanant d' interactions sociales que nous nous intéresserons dans ce chapitre . Nous verrons dans un premier temps comment se caractérise ce type de conflit et présenterons les études illustrant son caractère bénéfique . Nous verrons ensuite que ce conflit échoue néanmoins parfois à entraîner des progrès et examinerons les mécanismes permettant d' en rendre compte . 1 . Lorsque le conflit se situe au sein d' interactions sociales Revenons aux travaux de Piaget ( 1975 , voir également présentés dans le chapitre précédent . Dans cette approche , le déclencheur du processus d' équilibration est la « perturbation » ( c' est-à-dire , le conflit ) . Selon ces auteurs , cette perturbation est intra-individuelle , puisqu' elle découle de l' incompatibilité de deux schèmes ou de l' incompatibilité d' un schème avec un observable . Mais ne peut -on pas envisager que le conflit , qui est à l' origine du développement , puisse également provenir de la confrontation à autrui ? C' est ce qui est , par exemple , suggéré par Jaworski ( 1993 ) pour qui le constructivisme s' inscrit dans un contexte social . Pour elle en effet , la remise en cause de la connaissance propre peut trouver son origine dans la confrontation à d' autres personnes qui ont un point de vue alternatif . C' est également ce qui peut être retenu de l' analyse de Riegel ( 1976 ) pour qui la source du déséquilibre dont parle Piaget ( 1975 ) peut se trouver dans ce qu' il appelle « l' interaction dialogique » , c' est-à-dire dans la situation de dialogue entre plusieurs personnes . C' est surtout ce que proposent certains auteurs dans le domaine de la psychologie sociale du développement ( Doise et Mugny , 1981 , 1997 ; Mugny , De Paolis et Carugati , 1984 ) . Pour eux en effet , l' interaction sociale est susceptible de faire émerger des conflits . Or , situer le conflit dans une interaction sociale peut justement lui donner un tout autre sens . Lorsque le conflit se situe au sein d' une interaction sociale en effet , l' enjeu est double : d' une part , le conflit est cognitif , intra-individuel , puisque tout comme nous l' avons vu dans la section précédente , le conflit confronte deux modèles contradictoires . D' autre part , ce type de conflit prend place au sein d' une interaction entre deux personnes ou davantage . Il est donc également de nature sociale , et cet enjeu social peut renforcer la nécessité de réguler ce conflit et d' y faire face . Comme le suggèrent Doise et Mugny ( 1997 ) en effet , « quand autrui introduit fermement une centration opposée à celle de l' enfant , celui -ci ne se trouve pas face à un conflit de nature seulement cognitive mais aussi sociale » . Ils ajoutent d' ailleurs un peu plus loin que « ce conflit ( ... ) ne peut pas être nié aussi facilement qu' un conflit résultant d' oscillation entre centrations individuelles provisoires et successives » ( p. 42 ) . L' évitement du conflit , que nous avons vu comme étant un obstacle important à son caractère constructif , est donc plus difficile lorsque le conflit prend place au sein d' une interaction sociale . Puisqu' il est à la fois inter-individuel ( social ) et intra-individuel ( cognitif ) , les auteurs parlent de « conflit sociocognitif » . Le conflit sociocognitif présente plusieurs caractéristiques susceptibles de le rendre efficace ( Mugny et al. , 1984 ) . Premièrement , ce conflit amène le sujet à prendre conscience du fait qu' une réponse autre que la sienne peut exister . Il introduit donc un doute quant à la validité de la réponse propre . En ce sens , il est source de déséquilibre , de conflit cognitif ( Blaye , 2001 ; Dalzon , 1991 ou Gilly , 2001 parleraient de « déstabilisation » des connaissances pré-existantes ) . Deuxièmement , les réponses données par le partenaire fournissent des éléments qui peuvent aider le sujet à construire ses propres connaissances . Ceci est le cas que la réponse soit correcte ou incorrecte . En effet , le point de vue d' autrui , même incorrect , correspond à un point de vue différent du point de vue propre . Rendre compte des différences de points de vue implique donc d' intégrer des éléments qui peuvent expliquer que l' autre soit amené à donner cette réponse . Même fausse , donc , la réponse d' autrui , lorsqu' elle diverge , contient des éléments utiles pour comprendre . Nous reviendrons sur ce point par la suite . Troisièmement , le confit sociocognitif rend l' apprenant actif et l' on sait ( notamment grâce à la perspective constructiviste dont nous avons parlé plus haut , voir , par exemple Von Glasersfeld , 1983 ) que l' activité d' un apprenant sur l' objet est source de progrès généralisables et durables dans le temps . Ceci est d' autant plus vrai que face à un conflit sociocognitif , l' apprenant est actif non seulement par rapport à l' objet en question mais également dans son rapport social avec autrui . 2 . Le conflit sociocognitif : résultats expérimentaux 2.1 Présentation du paradigme Pour étudier l' hypothèse du conflit sociocognitif , une série d' études a été menée ( voir Doise et Mugny , 1981 , 1997 ) . Ces études ont visé à explorer la dynamique sociale dans les progrès cognitifs , en mettant tout particulièrement l' accent sur le conflit sociocognitif comme mécanisme responsable des progrès observés à la suite d' interactions sociales . Pour cela , les auteurs ont utilisé des tâches piagétiennes élaborées initialement pour mettre en évidence l' évolution de la pensée de l' enfant . Ces tâches ont été introduites ici au sein d' interactions sociales . Doise et Mugny se sont intéressés en particulier à l' acquisition de notions telles que la conservation ou à l' orientation spatiale , que nous allons brièvement décrire dans la section suivante . Notions et tâches utilisées La notion de conservation renvoie à la capacité à juger que l' égalité ( ou l' inégalité ) de deux éléments ( quant à leur longueur , leur poids , leur surface , etc. ) ne varie pas sous l' effet d' une transformation . Par exemple , la quantité de liquide contenue dans un verre A ne change pas lorsqu' elle est transvasée dans un verre B dont le diamètre est plus grand , ce qui implique que perceptivement , le niveau atteint est plus bas . Les recherches que nous allons présenter ici étudient principalement la notion de conservation des liquides et des longueurs . Concernant la conservation des liquides , trois « niveaux » d' acquisition de cette notion peuvent être distingués . Les enfants sont dits « non conservatoires » lorsqu' ils pensent que la quantité de liquide est mesurable uniquement par la hauteur du liquide dans un verre ( centration sur une seule des dimensions de l' objet ) . Si , lorsque du liquide est transvasé d' un verre à un autre , les verres ont un diamètre différent , alors ces enfants pensent qu' il n' y a pas la même quantité de liquide dans les deux verres . Le niveau « intermédiaire » correspond pour sa part aux réponses d' hésitation quant à cette notion et à une absence d' argument pour justifier la réponse conservatoire . Enfin , les enfants « conservatoires » sont capables de dire que dans ce cas la quantité de liquide est la même , et de le justifier . En ce qui concerne la conservation des longueurs , deux tâches , l' une impliquant la conservation des longueurs égales et l' autre impliquant la conservation de longueurs inégales peuvent être distinguées . La figure 1 permet d' illustrer ces tâches . Concernant la conservation des longueurs égales , lorsque des réglettes sont présentées de manière à ce que leurs extrémités coïncident ( configuration 1 sur la figure ) , tous les sujets , conservatoires ou non , reconnaissent l' égalité . Par contre , lorsque l' une des réglettes est déplacée ( configuration 2 sur la figure ) , les enfants non-conservatoires , du fait qu' ils sont centrés , rappelons -le , sur une seule dimension ( ici , ils sont centrés sur le dépassement de l' une des réglettes , négligeant le dépassement de l' autre ) pensent que l' une des réglettes est plus longue que l' autre . Le même principe régit la réponse des enfants pour la conservation des longueurs inégales . Les sujets non-conservatoires , bien qu' ils reconnaissent l' inégalité des longueurs dans la configuration 3 , pensent que les chaînettes sont de même longueur dans la configuration 4 . Figure 1 . Epreuves de conservation des longueurs égales et inégales ( d' après Doise et Mugny , 1997 ) Concernant l' orientation spatiale , celle -ci est étudiée dans le cadre d' une tâche de transformation spatiale . La tâche utilisée est constituée d' un support , sur lequel sont posés trois carrés en carton ( de couleur différente ) , le tout étant supposé représenter un « village » ( voir figure 2 ) . Une marque triangulaire est placée dans l' un des coins . Cette marque est censée représenter par exemple une piscine . La tâche de l' enfant est de reproduire ce « village » sur un support orienté différemment ( qui implique une rotation ) de manière à ce que le « monsieur qui sort de la piscine » puisse retrouver son chemin . Cette tâche implique un item simple qui correspond à une simple rotation de 90 ° , puis des items complexes impliquant , en plus de la rotation , une inversion de l' ordre droite-gauche et devant-derrière . Trois niveaux peuvent être définis à cette tâche : les sujets sont catégorisés comme étant de « compensation nulle » ( CN ) s' ils ne font que la rotation mais pas les inversions . Ils sont dits de « compensation partielle » ( CP ) s' ils font la transformation de l' un des deux ordres ( soit uniquement l' ordre droite-gauche , soit uniquement l' ordre devant-derrière ) . Enfin , ils sont dits de « compensation totale » ( CT ) s' ils réussissent à effectuer la tâche sans erreur . Figure 2 . Tâche de transformation spatiale ( d' après Doise et Mugny , 1997 ) Déroulement des études Ces études se déroulent généralement comme suit ( Doise et Mygny , 1981 , 1997 ; voir également Inhelder et al. , 1974 ) : dans un premier temps , un pré-test permet d' évaluer le niveau initial du sujet , quant à la notion en question ( par exemple : est -il non-conservatoire , intermédiaire , ou conservatoire ? ) . Les sujets sont ensuite amenés à interagir ou non sur la notion en question , selon les conditions expérimentales . Ils doivent ensuite , seuls , réaliser à nouveau une épreuve similaire à celle du pré-test . Celle -ci permet d' appréhender les éventuels progrès . Souvent , une épreuve différente , mais faisant appel au même concept , est également proposée . La réussite de celle -ci permet de rendre compte de la mesure dans laquelle les notions acquises sont généralisées . Un second post-test permet parfois d' évaluer le maintien de ces progrès dans la durée . 2.2 Une interaction sociale qui n' est pas toujours source de progrès L' une des premières observations des recherches réalisées dans ce champ ( par exemple Doise , Mugny et Perret-Clermont , 1975 ; Bearison , 1982 ) , est que si les interactions sociales peuvent être un lieu privilégié du développement cognitif , ce n' est pas le cas de toutes . C' est par exemple ce qui émerge des études de Perret-Clermont ( 1979 ) portant sur une tâche de conservation des liquides . Le paradigme de ces études consiste à confronter des enfants non-conservatoires ou intermédiaires à d' autres enfants . Ceux -ci sont soit deux enfants ayant acquis cette notion , soit deux enfants dont un seul a acquis la notion , soit deux enfants également non-conservatoires . Leurs résultats montrent que lorsqu' au moins un des deux partenaires a acquis la notion de conservation , le sujet non conservatoire progresse ( voir également Doise et al. , 1975 , étude 2 ) . Notons d' ailleurs que les progrès d' un enfant non conservatoire consécutifs à une interaction avec un enfant conservatoire se retrouvent dans d' autres études portant sur d' autres épreuves de conservation ( Miller et Brownell , 1975 ; Silverman et Geiringer , 1973 ; Silverman et Stone , 1972 ) . Ce qui est particulièrement intéressant dans l' étude de Perret-Clermont ( 1979 ) , c' est que les enfants non conservatoires ne progressent pas lorsque leur partenaire est également non conservatoire . Une observation similaire peut être faite dans l' étude de Azmita ( 1988 ) portant sur une tâche de résolution de problèmes ( reproduction d' un modèle en Lego& 194;& 169; ) . Dans cette étude , trois types de dyades sont formés sur la base de la performance à un pré-test ( celui -ci permettant de catégoriser les enfants comme novices ou experts dans la tâche ) : les dyades expert-expert , novice-novice , ou expert-novice . Dans cette étude , les seules dyades qui entraînent des progrès sont les dyades que l' auteur qualifie de « mixtes » ( les dyades expert-novice ) . Ce n' est pas le cas des autres dyades [ 6 ] . Dans ces études donc , les enfants qui progressent sont ceux qui ont été confrontés à des enfants d' un niveau supérieur au leur . L' analyse des réponses données par les sujets au post-test ( Doise et al. , 1975 ) montre que les sujets qui progressent sont parfois capables de donner des arguments qui ne sont pas apparus durant l' interaction . Ceci semble donc indiquer que les progrès sont liés à une réelle élaboration cognitive et pas seulement à de l' imitation . Néanmoins , il reste délicat d' éliminer totalement l' interprétation en termes d' imitation , et ce d' autant que les sujets ayant été confrontés à un enfant également non conservatoire ne progressent pas à l' issue de cette interaction . S' il est difficile de départager entre ces deux interprétations , c' est qu' entre les deux conditions ( confrontation à des enfants non conservatoires vs conservatoires ) , deux éléments covarient . En effet , l' enfant non-conservatoire donne une réponse qui n' est pas supérieure ( en terme cognitif ) à celle du sujet . Néanmoins , outre le fait qu' elle n' est pas plus correcte , cette réponse ne diffère pas de celle du sujet . De fait , si l' on peut comprendre l' absence de progrès dans cette condition en termes de niveau cognitif du partenaire , on peut également la comprendre en termes d' absence de conflit . Les études suivantes permettent de départager ces deux explications alternatives . Dans celles -ci , il existe une condition où , bien que relevant d' un modèle équivalent à celui du sujet , la réponse donnée par le partenaire introduit un conflit sociocognitif . 2.3 L' élément crucial : le conflit sociocognitif La tâche utilisée dans les études que nous allons présenter ici est une tâche de conservation des longueurs , utilisant des réglettes de même longueur ( conservation des longueurs égales ) ou des chaînettes de longueurs différentes ( conservation des longueurs inégales , voir figure 1 ) . Cette tâche est particulièrement pertinente ici puisqu' un même modèle ( non conservatoire ) peut amener à donner deux réponses différentes . Prenons l' exemple des longueurs égales . Si lorsque l' une des réglettes est déplacée ( figure 1 , configuration 2 ) les sujets ne se centrent pas sur les mêmes réglettes pour juger de l' égalité , leurs réponses divergent , chacun défendant la supériorité ( en terme de longueur ) de l' une des réglettes . Il y a alors ce que Mugny , Doise et Perret-Clermont ( 1975 - 76 ) ou Carugati , De Paolis et Mugny ( 1980 - 81 ) ont appelé un conflit de centrations . Dans une première étude ( Mugny et al. , 1975 - 76 , voir également Doise , Mugny et Perret-Clermont , 1976 ) , l' enfant non conservatoire est confronté à un collaborateur de l' expérimentateur . Il s' agit ici d' une tâche de conservation des longueurs égales , le matériel étant des rails de train ( afin de le rendre pertinent pour les sujets ) . Rappelons que lorsque l' expérimentateur déplace l' un des rails ( figure 1 , configuration 2 ) et qu' il demande si les rails sont de la même longueur ou s' il y en a un plus long , l' enfant non-conservatoire répond que les deux diffèrent car l' un dépasse . Ici , le collaborateur donne alors différentes réponses en fonction de la condition expérimentale . Dans deux conditions expérimentales , la réponse du collaborateur est contradictoire avec celle du sujet . Dans la condition de conflit « similaire » , le collaborateur reprend le même argument que le sujet ( « je crois que c' est celui -là parce qu' il dépasse » ) mais montre l' autre rail ( celui qui n' a pas été désigné par l' enfant ) . Dans la condition de conflit « majorant » , le collaborateur donne un argument d' égalité ( « ça dépasse ici , mais ça dépasse aussi là donc c' est la même chose » ) . La réponse relève donc dans ce cas d' un niveau de réponse supérieur à celui de l' enfant . Dans un groupe témoin enfin , les sujets résolvent seuls la tâche . Les résultats de cette étude indiquent qu' au post-test , les sujets des deux conditions de conflit ont progressé significativement plus que le groupe témoin . Il est intéressant de noter que c' est le cas également pour un post-test confrontant les enfants à des épreuves de conservation des longueurs inégales , ce qui montre que la notion a été suffisamment acquise pour être généralisée à une tâche différente . Cette étude est d' importance pour avancer que c' est bien le conflit sociocognitif qui est le mécanisme responsable des bénéfices observés . Elle montre en effet que les progrès consécutifs à l' interaction sociale ne sont pas liés à un processus d' imitation ( la réponse proposée dans la condition « similaire » n' étant pas plus correcte que celle du sujet ) , mais au conflit . Ces résultats sont à rapprocher de ceux de Ames et Murray ( 1982 ) . Ceux -ci font en effet réaliser une tâche de conservation ( des longueurs , des poids , de la quantité ) à des enfants placés dans différentes conditions . Celle qui nous intéresse ici est la condition dite « d' interaction sociale » , où les enfants doivent échanger à propos de la tâche . Les deux enfants sont non conservatoires . Néanmoins , les dyades sont formées de manière à être composée d' enfants ayant donné des réponses différentes ( favorisant ainsi le conflit sociocognitif ) . Les résultats indiquent que les enfants de cette condition arrivent à donner spontanément des arguments conservatoires aux deux post-tests . Ces résultats soulignent donc qu' il n' est pas nécessaire que l' un des deux enfants connaisse la bonne réponse pour que les deux puissent bénéficier du conflit sociocognitif ( phénomène dit du « two wrongs make a right » ) . Dans le même ordre d' idée , les résultats de Schwarz , Neuman et Biezuner ( 2000 ) soulignent également le rôle du conflit sociocognitif comme mécanisme déclencheur de progrès . Les sujets sont ici des adolescents et la tâche est une tâche de mathématiques . Plus précisément , la tâche est la suivante : six cartes , dont cinq indiquent un chiffre et l' autre une virgule sont distribuées aux sujets regroupés en dyades . Il leur est demandé de former avec ces cartes le chiffre le plus grand , le plus petit , le plus proche de 1 et le plus proche de 0.5 possible . Néanmoins , les dyades ne sont pas formées aléatoirement . Concernant les fractions décimales en effet , différentes erreurs courantes ont été identifiées pour les sujets de cet âge [ 7 ] . Un pré-test avait justement permis d' identifier les différentes modalités de réponse des sujets : les adolescents pouvaient en effet répondre soit de manière correcte , soit de manière incorrecte . Parmi les incorrectes , deux modalités de réponses ( que nous appellerons « incorrecte 1 » et « incorrecte 2 » ) ont été dégagées . Sur la base de ces réponses au pré-test , trois types de dyades avaient été formées : les dyades correct-incorrect , les dyades incorrect 1 - incorrect 1 et les dyades incorrect 1 - incorrect 2 . L' analyse des progrès consécutifs aux interactions indique que seules les dyades reposant sur des modèles de réponse différents ( incorrect 1 - incorrect 2 ou correct & 226;& 128;& 147; incorrect , 1 ou 2 ) progressent à l' issue de l' interaction . Ceci est surtout le cas des dyades incorrect 1 - incorrect 2 . Ce résultat amène là encore à souligner l' importance du conflit comme l' un des mécanismes clés pour expliquer le progrès . Il est intéressant de noter que c' est également ce qui est observé dans une étude où les conflits n' ont pas été provoqués ( par la confrontation entre enfants endossant des modèles contradictoires ) , mais ont été mesurés après coup . Il s' agit de l' étude de Mugny , Giroud et Doise ( 1978 - 79 , étude 2 ) . Les auteurs ont voulu tester si les conflits émanant spontanément d' une interaction entre deux enfants pouvaient également rendre compte de progrès cognitifs . Dans cette étude , la tâche est , comme dans celle de Mugny et al. ( 1975 - 76 ) , celle de conservation des longueurs . Ici cependant , les sujets ne sont pas confrontés à un collaborateur de l' expérimentateur , mais à un autre enfant . En outre , les problèmes présentés sont des épreuves de conservation des longueurs soit égales ( comme précédemment ) , soit inégales ( auquel cas le matériel est constitué de chaînettes , voir figure 1 ) . Pour l' épreuve de conservation des longueurs égales , la probabilité de conflit est importante : en effet , certes , les réponses des enfants peuvent être identiques ( s' ils se centrent sur le même rail pour juger ) , mais elle peuvent aussi différer ( si les rails sur lesquelles ils se centrent ne sont pas les mêmes ) . Les interactions ont ensuite été classées comme conflictuelles ou non , sur la base de la présence ou non de désaccord durant l' échange . Comme attendu , les résultats indiquent que c' est dans les interactions qui ont donné lieu à des désaccords que les enfants ont le plus progressé . Notons que dans le même ordre d' idée , le rôle du conflit avait également été mis en évidence dans l' étude de Doise et al. ( 1975 , étude 1 ) réalisée dans le champ des représentations spatiales . Outre le fait que les résultats de cette étude montrent que les enfants ayant interagi réussissent mieux les items complexes que ne le font les enfants ayant travaillé seuls , l' analyse du contenu des interactions révèle que les groupes qui ont progressé sont ceux pour lesquels l' interaction a donné lieu à un conflit . 2.4 Des bénéfices même lorsque le conflit sociocognitif repose sur une réponse incorrecte Les études que nous venons de voir indiquent que le conflit semble être un élément crucial du développement cognitif . Nous avons vu d' ailleurs que celui -ci peut entraîner des progrès même lorsqu' il repose sur une réponse qui n' est pas plus correcte que la réponse initiale du sujet . Si , comme le postulent les auteurs , c' est le conflit qui est déclencheur de progrès et non la « qualité » de la réponse proposée par l' autre , peut -on pousser plus loin le raisonnement et envisager qu' une réponse incorrecte puisse aussi entraîner des progrès , dans la mesure où elle est en conflit avec la réponse propre ? L' examen de cette question , jusqu'alors peu étudiée dans la littérature ( la confrontation à une réponse incorrecte ayant été perçue pendant longtemps comme ne pouvant pas faire progresser ) , apparaît comme essentielle pour affirmer que c' est bien le conflit sociocognitif , de par la restructuration cognitive qu' il entraîne , qui est le déclencheur de tels progrès . L' étude de Mugny et Doise ( 1978 ) est particulièrement instructive à ce propos . Cette étude porte sur les transformations spatiales ( tâche de reproduction du village ) . Dans cette étude , les dyades sont formées en fonction du niveau initial des enfants ( CN , CP , CT , voir p. 33 ) . L' hypothèse est que si les progrès consécutifs à une interaction reposent sur le conflit sociocognitif , les enfants qui devraient progresser sont ceux dont les réponses divergent . Les résultats indiquent qu' il semblerait que ce soit le cas puisque les enfants qui progressent sont les enfants CN confrontés à des enfants CP et les CP confrontés à des CP ( la compensation étant partielle , les réponses ne sont pas forcément les mêmes entre deux enfants CP ) ou à des CN . Les progrès observés dans ce dernier cas indiquent que les enfants ont progressé même après avoir été confrontés à un modèle de niveau inférieur au leur . Les sujets CN , dont les réponses ne différaient pas de celles de leur partenaire , en revanche , n' ont pas progressé . Notons que tous les sujets confrontés à un partenaire de niveau différent ne progressent pas , comme c' est le cas des sujets CN confrontés à des sujets CT . Nous reviendrons sur ce point par la suite . Il est intéressant de noter par ailleurs que le même genre de résultats est obtenu par Weinstein et Bearison ( 1985 ) sur des épreuves de conservation ( notamment des substances , des poids ) . Dans leur étude , les dyades sont composées d' un enfant non conservatoire et d' un autre de niveau intermédiaire . Ils observent que même les enfants de niveau intermédiaire progressent ( bien que leur partenaire soit non conservatoire , donc d' un niveau inférieur au leur ) . Ces résultats indiquent que la supériorité du partenaire n' est pas un pré-requis indispensable pour rendre l' interaction bénéfique . Perret-Clermont ( 1979 ) arrive à ce même constat en faisant interagir des enfants de niveaux différents sur une tâche de reproduction de dessins . Sur la base du pré-test , deux niveaux sont établis : les « inférieurs » et les « supérieurs » . Durant la phase d' interaction , des dyades composées d' un « inférieur » et d' un « supérieur » interagissent sur une tâche similaire ( reproduction de figures ) . Leurs performances sont comparées à celles d' enfants ayant travaillé seuls . Les résultats indiquent que les enfants « supérieurs » profitent de l' interaction avec un enfant du niveau inférieur au leur puisqu' ils progressent plus que les enfants ayant travaillé individuellement . Notons que dans cette étude , les enfants de niveau « inférieur » ne profitent pas de l' interaction . Nous reviendrons sur ce point plus loin . Dans le même ordre d' idée , Mugny , Lévy et Doise ( 1978 ) , à partir de la tâche de reproduction du village , confrontent des sujets , tous CN , à l' un des quatre types de modèles prédéfinis : le modèle progressif correct ( relevant d' un niveau cognitif plus élaboré que celui du sujet ) , intermédiaire ( incorrect mais relevant néanmoins d' un niveau CP , donc là encore d' un niveau plus élaboré que celui du sujet ) , régressif ( incorrect également mais relevant d' un niveau inférieur à celui du sujet ) et aberrant ( ne correspondant à aucun réel modèle de pensée ) . Dans un groupe témoin , les enfants réalisent la tâche seuls . Les résultats indiquent que les trois modèles ( tous sauf le modèle aberrant ) entraînent des progrès , comparativement au groupe témoin , soulignant une fois de plus que même lorsqu' il est régressif , un modèle , dès lors qu' il introduit un conflit , peut faire progresser . Il est intéressant de noter que Roy et Howe ( 1990 ) étendent ces résultats à une tâche de pensée sociolégale . Dans cette étude , des dyades , composées d' enfants de deux niveaux différents , doivent discuter à propos de cas de transgression de la loi . Les résultats indiquent que , bien que cette condition ne diffère pas de celle où un conflit uniquement cognitif est introduit , les deux conditions de conflit entraînent plus de progrès que le groupe contrôle , quel que soit le niveau des enfants . En d' autres termes , là encore , même les enfants confrontés à une réponse de niveau inférieur au leur progressent . Le raisonnement est poussé encore plus loin dans l' étude de Carugati , De Paolis et Mugny ( 1979 ; voir également Carugati et al. , 1980 - 81 ) . Le questionnement de départ est le suivant : est -ce que des sujets qui sont capables de résoudre la tâche ( celle de reproduction de village ) sans aucune difficulté peuvent progresser suite à un conflit sociocognitif ? Pour étudier cette hypothèse , un sujet en position « facile » ( c' est-à-dire dans une position lui permettant de reproduire le village sans difficulté ) est confronté à un ( ou deux ) sujet ( s ) occupant une position « difficile » ( pour laquelle la rotation est plus complexe ) . Cette situation permet en effet de voir si la confrontation avec un autrui donnant une réponse incorrecte ( puisque dans une position plus difficile ) peut permettre au sujet pour lequel aucune difficulté ne se présente , de progresser . Les résultats indiquent que c' est le cas . Comme attendu , lors des post-tests impliquant des items complexes , les sujets ayant été en position « difficile » progressent . Ce qui est particulièrement intéressant , c' est que les sujets en position « facile » progressent également . Les réponses du ( des ) partenaire ( s ) « difficile » , bien qu' incorrectes , ont permis au sujet n' éprouvant aucune difficulté , de progresser , grâce au conflit sociocognitif qu' elles ont suscité [ 8 ] . Il émerge de l' ensemble de ces études que le conflit sociocognitif est un élément crucial pour le développement cognitif . Premièrement , ces études confirment le caractère bénéfique du conflit sur le développement cognitif . Elles rejoignent en ce sens les études portant sur le conflit cognitif ou conceptuel ( voir chapitre 1 ) . Elles ajoutent néanmoins une particularité : le conflit prend ici place au sein d' une interaction sociale . Or , comme nous l' avons suggéré plus haut , il est probable que cette interaction sociale permette d' ajouter de la pertinence au conflit . 3 . Un conflit renforcé par la dimension « sociale » D' après plusieurs auteurs en effet , le fait que le conflit soit « social » augmente son efficacité . C' est en effet ce que proposait déjà Smedslund ( 1966 ) dans ses travaux sur le dépassement de la pensée égocentrique . D' après lui , il peut exister deux types de conflits . Le premier correspond à la situation où le résultat attendu n' est pas le même que le résultat observé ( voir le conflit cognitif dont nous avons parlé dans le chapitre 1 ) . Pour Smedslund , ce conflit peut amener à un apprentissage , mais il ne change pas la nature égocentrique du système . Le second type de conflit est suscité par la communication avec d' autres personnes à propos d' une situation donnée . Ce type de conflit va en revanche pouvoir déboucher sur de la décentration intellectuelle . Pour Smedslund donc , le conflit , lorsqu' il vient d' une autre personne , présente des qualités que le conflit purement cognitif n' a pas . De plus , et comme suggéré précédemment , le fait que le conflit sociocognitif se situe au sein d' une interaction sociale renforce , aux yeux de l' individu , la nécessité de le résoudre . Citons à ce sujet Doise et Mugny ( 1997 ) : « Si les procédures de conflit sociocognitif font preuve d' une grande efficacité , c' est surtout parce que le problème posé à l' enfant n' est pas simplement cognitif mais aussi social . Pour lui , il ne s' agit pas tant de résoudre un problème difficile , que , avant tout , d' engager une relation interindividuelle , une relation avec autrui . D' où cette hypothèse : les régulations cognitives permettent d' établir ou de rétablir des relations spécifiques avec autrui » ( p. 211 ; pour la même idée , voir également Doise , 1989 ) . Plusieurs études comparent le conflit cognitif au conflit sociocognitif . C' est le cas par exemple de celle de Doise et Mugny ( 1979 ) , à partir de la tâche de reproduction du village . Dans celle -ci les deux types de conflit sont comparés . Dans la condition de conflits « inter-individuels » , les sujets sont positionnés de manière à ce que chacun d' entre eux ne donne pas la même réponse ( les deux sujets sont CN ) . Dans celle de conflit « intra-individuel » , le sujet prend lui-même tour à tour les deux positions . Les résultats indiquent que les sujets confrontés à un conflit inter-individuel progressent plus que les sujets confrontés à un conflit uniquement intra-individuel . L' étude de Ames et Murray ( 1982 ) , déjà évoquée plus haut examinait , également des conditions où le conflit était expérimenté de manière individuelle : dans la condition de « faux-semblant » , il était demandé aux sujets de donner une réponse divergente de celle qu' ils avaient eux-mêmes donnée au pré-test ; dans la condition de « conflit non social » , l' expérimentateur déplaçait le matériel de manière à ce que l' enfant soit confronté lui-même à ses deux réponses divergentes . La comparaison de ces conditions à la condition d' interaction sociale , où deux enfants ayant répondu différemment au pré-test sont confrontés l' un à l' autre et doivent discuter , révèle que cette dernière condition ( la seule où le conflit est social ) entraîne plus de progrès que les deux autres . Dans le même ordre d' idées , Levin et Druyan ( 1993 ) comparent une condition de conflits interpersonnels ( condition dite de « transaction » , où des enfants échangent des points de vue contradictoires et en discutent ) à une condition où les conflits ne sont qu' intra-personnels ( conflits instaurés par un questionnaire à choix multiple ) . Dans un groupe contrôle , il n' y a aucune intervention . Leurs résultats montrent que la condition de « transaction » entraîne plus de progrès que les deux autres conditions sur une tâche favorable au développement [ 9 ] . De même , Druyan ( 2001 ) compare l' effet de la confrontation à des conflits « sociaux » ( émanant d' interactions ) à celle à des conflits « physiques » ( où le conflit vient de l' observation ) . Les résultats montrent qu' à l' exception des très jeunes enfants ( autour de 5 ans ) , les enfants progressent plus après des conflits sociaux qu' après des conflits physiques . Il est important de noter que d' autres études ne montrent pas de supériorité du conflit sociocognitif comparativement au conflit seulement cognitif . C' est le cas par exemple de Mackie ( 1980 ) [ 10 ] , Emler et Valiant ( 1982 ) , ou Roy et Howe ( 1990 ) [ 11 ] . Même si dans ces trois cas , les conflits ( intra- ou inter-individuels ) entraînent plus de progrès que la condition où il n' y a pas de conflit , ils ne diffèrent pas entre eux . Cependant , nous avons vu plus haut que la spécificité du conflit sociocognitif par rapport au conflit cognitif est qu' il accentue la nécessité de régulation . Si tel est le cas , il est possible que lorsque la nécessité de régulation du conflit cognitif est importante , conflit cognitif et conflit sociocognitif puissent entraîner des progrès équivalents . Peut-être est -ce ce qui se produit dans ces trois études où le conflit cognitif est particulièrement explicite . 4 . Lorsque le conflit sociocognitif ne suffit pas Si , comme nous venons de le voir , la dynamique sociale peut renforcer l' enjeu et rendre saillant le conflit , certains résultats indiquent néanmoins que le conflit , même sociocognitif , ne suffit parfois pas à entraîner des progrès . Ceci semble en particulier être le cas 1 ) quand les interactions n' impliquent pas assez d' échanges ; 2 ) quand ces échanges sont trop unilatéraux ; 3 ) quand la différence de compétence entre les deux individus en conflit est trop importante . 4.1 Pas assez d' échanges Il ressort de plusieurs études que le conflit ne permet pas d' entraîner des progrès lorsqu' il ne donne pas lieu à suffisamment d' échanges entre les partenaires . C' est ce qu' ont observé Doise et Mugny ( 1975 , étude 2 ) dans une étude destinée à évaluer les effets d' un jeu coopératif sur les progrès cognitifs . D' après les auteurs , ce jeu coopératif est , de par sa construction même , propice à l' émergence de conflits . Dans l' une des conditions , les enfants pouvaient discuter . Dans une autre , il leur était interdit de le faire . Cette étude indique que lorsque les enfants n' ont pas la possibilité d' échanger , les bénéfices du jeu coopératif sont perdus . Ces résultats semblent d' ailleurs aller dans le même sens que ceux de Gilly et Roux ( 1984 ) qui observent une efficacité du conflit sociocognitif uniquement lorsqu' il y a un échange interactif entre les partenaires . S' ils ne peuvent pas discuter , ils ne bénéficient pas du conflit ( voir aussi Gilly , Fraisse et Roux , 2001 ) . De plus , dans l' étude de Ames et Murray ( 1982 ) , déjà citée précédemment , il existe également ( en plus des conditions de conflit individuel et de la condition d' interaction sociale ) une condition où les enfants entendent le jugement d' un autre enfant ( là aussi en conflit avec leur propre jugement ) sans pour autant interagir avec lui . Les résultats indiquent que cette confrontation ne suffit pas , contrairement à la condition d' interaction sociale , à entraîner des progrès . Les résultats de Weinstein et Bearison ( 1985 ) permettent d' aller encore plus loin en comparant la condition d' interactions sociales à une condition « d' observation sociale » , où les enfants observaient une interaction entre deux autres enfants sans prendre part à cet échange . Leurs résultats indiquent que les enfants progressent seulement lorsqu' ils participent réellement à l' interaction . La condition d' observation n' entraîne d' ailleurs pas plus de progrès que le groupe contrôle où les enfants travaillent seuls sur la tâche . Notons enfin que d' autres résultats , bien que moins directement liés à la possibilité d' échanges , invitent à faire le même constat . Dans l' étude de Dalzon ( 1991 ) par exemple , deux modalités d' interaction sont comparées : l' une où les partenaires sont liés l' un à l' autre par le biais d' un dispositif tactilo-kinestesique et où trouver un point d' accord nécessite une réelle coordination ; l' autre où les sujets sont seulement confrontés à un conflit de réponse avec leur partenaire . Comme le note l' auteur , dans cette seconde condition , les enfants peuvent échapper aux discussions et parvenir à un accord sans remise en question profonde . Les résultats indiquent que même si les deux conditions dyadiques sont plus favorables que les conditions individuelles , la condition avec nécessité de régulation est celle qui entraîne le plus de progrès et la plus grande capacité à se décentrer . 4.2 Des échanges trop unilatéraux Bearison , Magzamen et Filardo ( 1986 ) essayent pour leur part de dégager , grâce au codage des comportements des enfants , les éléments qui rendent une interaction positive ou pas . La tâche est une tâche de transformation spatiale ( identique à celle de Doise et al. , 1975 ) . Plusieurs résultats intéressants émergent de cette analyse . Premièrement , la relation entre quantité de conflit et progrès cognitifs n' est pas linéaire . En effet , il semble qu' il faille une quantité modérée de conflit . Lorsqu' il y en a trop ou trop peu , le conflit semble ne plus être bénéfique . De plus , les dyades qui progressent sont celles où les conflits sont « équilibrés » ( « balanced » ) , c' est-à-dire celles où les conflits proviennent de l' un autant que de l' autre des enfants ( par opposition aux groupes où les conflits viennent toujours du même enfant ) . Cette idée rejoint les résultats de Carugati et al. ( 1980 - 81 ) . Ceux -ci ont en effet observé le déroulement des interactions entre deux enfants afin d' en faire émerger les conditions rendant le conflit bénéfique ou pas . Ils ont pour cela distingué les dyades « unilatérales » ( dyades où la décision vient d' un enfant qui mène la discussion ) des dyades « réciproques » ( où chacun des enfants participe activement ) . Ils constatent que les enfants ont beaucoup plus progressé au sein de dyades réciproques qu' au sein de dyades unilatérales . Notons à ce propos les résultats de Glachan et Light ( 1982 ) qui montrent également que la confrontation à un conflit ne suffit pas à entraîner des progrès . La tâche utilisée ici est celle de la tour de Hanoï . Les auteurs comparent une condition d' interaction « structurée » ( où la nécessité de coordonner les actions est soulignée ) à une condition d' interaction non-structurée ( ne comportant pas cette consigne ) et une condition d' instruction ( où l' expérimentateur donne la bonne solution ) . Les résultats montrent que le plus de progrès s' observe dans la condition structurée , où il y a à la fois possibilité de réguler le conflit et nécessité de coordination des points de vue . D' après les auteurs , l' absence de progrès dans la condition non structurée est due au fait que la plupart du temps dans cette condition , un seul des deux enfants domine l' interaction et donne sa réponse sans en discuter avec le partenaire ( ils parlent de « dominance » ) . Ce résultat est d' ailleurs cohérent avec ceux de Doise et al. ( 1975 ) qui indiquent que les groupes qui progressent le plus après avoir été en conflit sont ceux pour lesquels il n' y a pas eu capitulation d' un des deux sujets . Une dynamique similaire est retrouvée dans les études de Gilly et al. ( 2001 ) . Dans celles -ci , l' analyse du déroulement des interactions permet de mettre en évidence que lorsqu' au sein des dyades une forte asymétrie s' installe , c' est-à-dire que l' un des sujets est clairement dominant et l' autre dominé , le second se contente bien souvent d' imiter l' autre , ce qui annule les bénéfices de l' interaction . Il apparaît donc de l' ensemble de ces études que pour qu' il soit bénéfique , le conflit doit être associé à une possibilité d' échanges , ainsi qu' à une réciprocité de ces échanges . Il existe une situation particulièrement propice au manque de réciprocité de l' échange . Il s' agit de la situation où les enfants sont confrontés à quelqu' un d' un niveau reconnu comme largement plus élevé que le leur . 4.3 Un partenaire « trop » compétent Dans ses premiers travaux , Piaget ( 1928 ) soulignait déjà le paradoxe de la confrontation avec un adulte . Pour lui , l' interaction sociale pouvait jouer un rôle critique dans le raisonnement logique dans la mesure où celle -ci obligeait le sujet à justifier sa propre position . Néanmoins , il souligne qu' en ce sens , les relations entre pairs sont les plus favorables ( il parle de « coopération » ) . Les relations avec un adulte sont , d' après lui , marquées par des relations d' autorité et d' asymétrie ( il parle à ce titre de « contrainte sociale » ) , empêchant une dynamique de résolution de se mettre en place . Ce serait donc seulement face à des pairs que l' enfant chercherait à résoudre la contradiction apparente entre les points de vue . De même , dès les premiers travaux sur le conflit , Kuhn ( 1972 ) constatait que la confrontation à un modèle trop supérieur à celui de l' enfant amenait ce dernier à moins progresser que lorsqu' il était confronté à un modèle légrement supérieur au sien . Il se peut en effet que la compétence du partenaire puisse représenter un obstacle . Il existe , dans les études que nous venons de présenter , plusieurs situations expérimentales où l' absence de bénéfice du conflit sociocognitif peut être comprise en ces termes -là . Par exemple , et comme vu précédemment , il a été constaté dans l' étude de Mugny et Doise ( 1978 ) que lorsque le conflit se situe entre un enfant CN et un enfant CT , les enfants CN ne profitent pas de cet échange . L' observation des interactions amène les auteurs à conclure qu' il semblerait que dans cette situation , c' est la plupart du temps l' enfant de niveau plus élevé ( le CT ) qui décide seul de la réponse à donner , le CN se contentant d' acquiescer . Ils poussent même leurs observations en constatant que dans cette situation , un seul des enfants CN a progressé : il s' agit d' un enfant pour lequel il y a eu réciprocité des échanges . Par ailleurs , nous avons vu dans la section précédente que dans l' étude de Perret-Clermont ( 1979 ) , les sujets « inférieurs » ne progressent pas après avoir été confrontés à un enfant de niveau « supérieur » . L' auteur souligne que dans cette situation , du fait de la tâche , les enfants perçoivent la réponse du partenaire « supérieur » non pas seulement comme différente mais comme de toute évidence plus avancée que la leur . Ils ont donc peu de doutes sur le fait que celui qui a raison est l' enfant « supérieur » . C' est peut-être pour cette raison que ces enfants -là n' ont pas profité de l' interaction . C' est également ce qui émane des études de Schwarz et al. ( 2000 ) . Comme déjà évoqué , ces auteurs montrent sur la base de deux études que les dyades reposant sur la confrontation de modèles contradictoires ne progressent pas toutes dans la même mesure . Les dyades incorrect 1- incorrect 2 ( voir section 2.3 ) profitent nettement plus de l' interaction que les dyades incorrect-correct . L' analyse du contenu des échanges permet de souligner que bien souvent dans ce dernier cas , le sujet « correct » domine l' interaction . D' après les auteurs , cette dominance interfère avec le processus argumentatif réduisant de fait les conséquences positives de la confrontation . Par ailleurs , dans un paradigme similaire à celui de Mugny et al. ( 1975 - 76 ) , Mugny et al. ( 1978 - 79 , étude 1 ) , en manipulant la force du conflit , illustrent également le fait que la reprise de la réponse d' un partenaire trop compétent ( l' adulte ) peut empêcher les sujets de bénéficier d' un conflit sociocognitif . Dans un groupe contrôle , l' adulte collaborateur de l' expérimentateur donne une réponse non conflictuelle avec celle du sujet . Dans les deux conditions de conflits , l' adulte donne une réponse en conflit avec celle du sujet et reposant toujours sur un modèle similaire . Dans la condition de « conflit faible » , la procédure s' arrête là . Dans la condition de « conflit fort » , en revanche , l' expérimentateur rappelle au sujet sa propre réponse et lui demande de se justifier s' il change d' avis . Si le désaccord persiste , l' expérimentateur souligne le conflit et insiste sur la nécessité de trouver un point d' accord . Les résultats montrent que la simple présentation du modèle ne suffit pas à entraîner des progrès . Dans ce cas -là , en effet , la plupart des enfants reprennent à l' identique la solution incorrecte de l' adulte . Dans le même ordre d' idée , Lévy ( 1981 , citée par Doise et Mugny , 1997 ) , toujours avec la tâche de reproduction du village , montre également que dans la condition où un modèle contradictoire est présenté par un adulte collaborateur de l' expérimentateur sans remise en question , les enfants se contentent la plupart du temps de reprendre la réponse de l' adulte , sans élaboration supplémentaire . Dans cette condition , les enfants ne progressent pas . Enfin , nous avons vu plus haut que par l' analyse des interactions entre enfants , Carugati et al. ( 1980 - 81 ) ont pu mettre en évidence que les dyades reposant sur un échange réciproque ont plus progressé que les dyades unilatérales . Les mêmes auteurs ont également effectué une analyse similaire sur les dyades composées d' un enfant et d' un adulte . La dimension pertinente dans ce cas semble être celle de soumission / résistance . Ils ont en effet distingué les dyades enfant-adulte où l' on observait de la « soumission » par rapport à l' adulte , de celle où l' enfant montrait de la « résistance » . Les résultats de ces analyses indiquent que les enfants qui résistent le plus face aux suggestions de l' adulte sont aussi ceux qui ont le plus progressé . Il est intéressant à ce titre de reprendre les résultats de Mason ( 2001 ) observés dans le cadre du changement conceptuel ( voir chapitre 1 ) . Cette auteur a étudié les raisons qu' avançaient les sujets pour justifier du fait qu' ils changeaient ou non de conception scientifique après avoir été confrontés à une donnée anormale ( donc ne pouvant être prédite par leur conception initiale ) puis à une théorie scientifique qui en rendait compte . L' une des raisons qui apparaît comme la plus flagrante est le statut hiérarchique du scientifique . Notons à titre d' illustration la raison avancée par l' un des sujets : « I do not to say that scientists are wrong , they might be right » ( p. 474 ) . La réponse de ce sujet n' est pas un cas isolé . Comme lui , beaucoup d' adolescents dans cette étude considèrent en effet que si les scientifiques en sont arrivés à une théorie , celle -ci ne peut être discutée . Dans l' ensemble , il semble donc que la croyance selon laquelle une source experte est correcte « empêche » les sujets de réfléchir à la contradiction et de remettre en cause la réponse donnée par celle -ci . Nous verrons dans la section suivante des propositions faites pour rendre compte du fait que dans ces circonstances , le conflit perd ses bénéfices . 5 . Régulation relationnelle et régulation sociocognitive Il apparaît de l' ensemble des études que nous venons de présenter que le conflit ne permet pas toujours de progresser . En effet , dès lors qu' il ne donne pas lieu à suffisamment d' échanges , ou que les échanges sont trop unilatéraux , ou encore que l' asymétrie de compétence entre les partenaire est trop importante , le conflit perd ses bénéfices . Pour les auteurs ( par exemple Mugny et al. , 1984 ) , ceci peut s' expliquer par la manière dont les sujets régulent le conflit . En effet , comme nous l' avons vu à propos du conflit cognitif , là encore , il semble que ce ne soit pas le conflit en tant que tel qui fait progresser , mais les régulations qui en découlent . Il est intéressant à ce titre de faire appel aux travaux de Miller ( 1987 ) sur « l' argumentation collective » . Pour Miller , l' enfant peut avoir différentes réactions face au conflit en fonction de son stade de développement . Les enfants auraient d' abord une réaction « d' antagonisme » ( autour de 3 ans ) , où ils ne chercheraient pas à argumenter autour des conflits et où ils se contenteraient d' affirmer leur réponse . Dans une phase de « polarisation » ( autour de 5 ans ) , les enfants s' opposent cette fois avec un discours plus argumenté . Celui -ci serait marqué par la polarisation de chacun . L' enfant serait toujours centré sur son propre point de vue même si contrairement à la phase précédente , il essayerait ici de le justifier . Dans la phase suivante , de « neutralisation » ( 6 - 9 ans ) , les enfants arrivent à se focaliser non plus seulement sur leur propre point de vue mais sur celui de l' autre , afin d' invalider sa réponse . Ce n' est que dans la phase suivante ( « formulation de hiérarchie » , 11 - 14 ans ) que les enfants arrivent à coordonner les différents points de vue et les intégrer dans une définition commune . Pour Miller , donc , cette coordination des points de vue correspond au stade de développement le plus avancé . On retrouve certains aspects de cette typologie dans les différents modes de régulation du conflit sociocognitif . Il émerge en effet de l' ensemble des études que nous avons présentées que pour que le conflit entraîne des progrès cognitifs , il faut justement que celui -ci donne lieu à un travail cognitif en vue de coordonner les différents points de vue . Pour Mugny et al. ( 1984 ) , cette réaction correspond à ce qu' ils appellent la régulation sociocognitive ( ou épistémique ) du conflit . Ce mode de régulation entraîne une réelle restructuration cognitive , permettant le progrès cognitif . Néanmoins , si la dynamique sociale peut accentuer la nécessité de régulation du conflit , elle peut également dans certaines circonstances constituer un obstacle à une régulation efficace du conflit . Il existe en effet des situations où « devant un désaccord , on peut céder à l' autre , ou bien accepter de juxtaposer des réponses mêmes contradictoires » ( Doise et Mugny , 1997 , p . 150 ) . Nous avons évoqué plus haut à quel point le désaccord entre deux personnes peut « poser problème » pour la relation . Pas seulement du point de vue cognitif , mais également du point de vue du rapport social avec autrui . En particulier , certaines situations se prêtent très mal au désaccord . C' est par exemple le cas de la situation où un enfant est confronté à un adulte . Du point de vue de l' enfant , être en désaccord avec l' adulte peut paraître difficilement supportable , l' adulte étant , de par son statut , et du point de vue de l' enfant , celui qui a raison ; il est donc difficile pour lui de le contredire . C' est peut-être la raison pour laquelle dans ces cas -là , on observe bien souvent que l' enfant accepte la réponse de l' adulte assez rapidement . Carugati et al. ( 1980 - 81 ) parlent à ce sujet de la dimension de soumission ( vs résistance ) . Plus généralement , les auteurs qualifient de « complaisance » la réponse du sujet qui adopte le point de vue de la source en vue d' échapper au conflit ( Mugny et al. , 1984 ) . Cette réaction permet d' expliquer pourquoi dans certaines situations , telles que celles que nous venons de décrire , le conflit perd ses bénéfices . C' est le cas des situations où l' enfant est confronté à un autrui reconnu ou supposé plus compétent que lui ( Mugny et Doise , 1978 ; Schwarz et al. , 2000 ) celui -ci acceptant la plupart du temps la réponse de l' autre assez rapidement et sans remise en question supplémentaire . Si cette acceptation peut parfois entraîner un certain progrès suite à l' échange ( comme c' est par exemple le cas dans Mugny et Doise , 1978 ) , celui -ci ne correspond pas à une réelle restructuration cognitive . Ces progrès ne perdurent pas dans le temps . C' est d' ailleurs également ce qui se produit en cas de confrontation à un expérimentateur adulte ( par exemple Carugati et al. , 1980 - 81 ; Mugny et al. , 1978 - 79 ) . Dans ce cas en effet , le sujet donne très vite une réponse de complaisance , et ne profite pas ou peu de l' interaction . Notons par exemple que dans l' étude de Mugny et al. ( 1978 - 79 , Étude 1 ) , c' est uniquement lorsque l' expérimentateur « empêche » la complaisance ( en introduisant ce que les auteurs appellent un conflit « fort » ) que l' enfant bénéficie du conflit . De plus , il semblerait que cette dynamique ne se limite pas aux situations de forte asymétrie ( de compétence , de statut ) entre le sujet et son interlocuteur . Comme nous l' avons vu en effet , on retrouve un mécanisme assez proche dans certaines études mettant en jeu deux enfants de même niveau ( par exemple Bearison et al. , 1986 ; Carugati et al. , 1980 - 81 ; Doise et al. , 1975 ) . Dans ces études , il semblerait également que l' accord trop rapide empêche le conflit d' être régulé de manière constructive . Même si dans ce cas on parlera de unilatéralité ( vs réciprocité ; Carugati et al. , 1980 - 81 ) plus que de complaisance , il semblerait que ces deux mécanismes reposent sur une même motivation : éviter le désaccord avec autrui . Dans ces deux cas , les auteurs parlent de régulation « relationnelle » du conflit . Cette régulation est dite relationnelle dans la mesure où elle se base uniquement sur le rapport social avec autrui et non sur la tâche en elle-même . Une fois l' accord reconnu , nul besoin de traiter la tâche plus en profondeur . En ce sens , la régulation relationnelle du conflit « bloque » les activités sociocognitives de coordination qui rendent le conflit efficace . Elle a donc pour effet d' annuler les bénéfices du conflit sociocognitif . Notons que d' après Mugny et al. ( 1984 ) , il existerait une autre forme de régulation relationnelle du conflit . Celle -ci n' est pas basée , comme la complaisance , sur l' acceptation de la réponse de l' autre en vue d' éviter le désaccord , mais sur l' affirmation des différences avec autrui . Pour Mugny et al. , cette forme de régulation du conflit , également relationnelle , serait à l' oeuvre lorsque les enjeux identitaires sont trop importants et déboucherait sur le maintien de sa position initiale . Nous verrons dans le chapitre suivant en quoi les recherches sur l' influence sociale ont permis de spécifier les conditions d' apparition de ce mode de régulation relationnelle du conflit et ses conséquences . On peut donc retenir de l' ensemble de ces recherches sur le conflit sociocognitif que ce dernier est un élément qui peut se révéler déclencheur de progrès , d' acquisition de connaissances . Néanmoins , pour que ce soit le cas , il faut qu' il soit régulé de manière sociocognitive ( ou épistémique ) , c' est-à-dire qu' il passe par la compréhension et la coordination des différents points de vue . Si le conflit est régulé de manière relationnelle , que ce soit par la défense de son propre point de vue au détriment de celui de l' autre ou par la complaisance , le conflit risque fort de perdre ses effets bénéfiques . Ces différents modes de régulation du conflit seront abordés plus en détail dans le chapitre suivant . Plus exactement , nous verrons que la situation de désaccord avec autrui représente certains enjeux susceptibles de rendre compte de l' orientation vers l' un ou l' autre de ces modes de régulation du conflit . CHAPITRE 3 Enjeux épistémiques et relationnels dans les tâches d' aptitudes et régulation du conflit Nous l' avons vu dans le chapitre précédent , être en désaccord avec autrui permet dans certaines circonstances de favoriser la construction de connaissances . Néanmoins , nous avons également évoqué le fait qu' être en conflit avec autrui a d' autres implications . Les différents enjeux de cette confrontation , et la manière dont ceux -ci affectent la réaction à ce conflit feront l' objet de ce nouveau chapitre . Plus exactement , nous verrons dans un premier temps ce que nous enseignent les recherches sur les conflits « sociaux » quant à la forme destructive ou constructive que les conflits peuvent prendre en fonction du contexte . Nous nous pencherons ensuite plus spécifiquement sur les tâches d' apprentissage et leurs caractéristiques pour comprendre le sens tout particulier que prend le conflit au sein de celles -ci . Enfin , nous présenterons différents domaines de recherche ayant contribué à définir les conditions d' émergence des différents modes de régulation du conflit ainsi que leurs effets sur la manière dont la tâche et l' information en provenance d' autrui sont élaborées . 1 . Un conflit « social » Comme nous l' avons vu dans le chapitre précédent , le conflit sociocognitif n' implique pas seulement la confrontation entre deux idées , mais également entre deux personnes , il n' est donc pas seulement cognitif , mais également « social » . Il est intéressant à ce titre de faire appel aux travaux de Deutsch ( 1973 , 2000 ) qui traitent justement des conflits « sociaux » et qui peuvent aider à mieux comprendre les mécanismes que nous avons évoqué dans le chapitre précédent . En effet , les travaux de Deutsch ont permis de mettre en évidence le fait que les conflits sociaux pouvaient être résolus de manière soit destructive , soit constructive , en fonction du contexte dans lequel ils prennent place ( voir également Coleman et Fisher-Yoshida , 2004 ) . Or , s' il est pertinent de s' y intéresser ici , c' est que le fait que le conflit sociocognitif soit également social le rend sujet à l' ensemble des mécanismes mis en évidence pour les conflits sociaux . Ceci est d' autant plus le cas dans un contexte académique , marqué par la compétition , dynamique supposée responsable , dans l' approche développée par Deutsch , des effets destructifs du conflit . Pour Deutsch , il y a « conflit » dès lors que la situation implique une divergence entre les activités et intérêts de deux parties ( individus , groupes , voire nations ) . Cette approche se veut suffisamment générale pour s' appliquer à des conflits de nature très variable . Elle traite en effet à la fois des conflits qui portent sur des ressources ( par exemple conflits entre deux enfants désirant le même jouet ) , des conflits liés à des préférences ou des nuisances ( par exemple conflits entre deux amis dont l' un veut aller voir le film A , l' autre le film B ) , les conflits de valeur ( par exemple les conflits politiques , idéologiques ) , les conflits sur la nature de la relation qui unit deux personnes ( par exemple la situation où les deux parties veulent être celle qui domine ) , ainsi que les conflits de croyance , ces derniers incluant eux-mêmes différents types de croyances , dont les connaissances . Bien que très divers , tous ces conflits fonctionnent d' après Deutsch selon des processus semblables . En particulier , ces conflits ont en commun le fait qu' il peuvent découler soit sur des processus constructifs , soit sur des processus destructifs . Deutsch ( 1973 , 2000 ) insiste en effet sur les effets potentiellement constructifs des conflits , ceux -ci permettant par exemple , d' éviter la stagnation , de stimuler la curiosité , de soulever des problèmes et d' y trouver des solutions . Néanmoins , Deutsch souligne également le potentiel destructif du conflit . Pour lui , la régulation du conflit et de fait , la capacité de ce conflit à découler sur des processus constructif et destructif , dépend énormément du contexte dans lequel il émerge . Pour Deutsch , l' obstacle principal à une régulation constructive du conflit est le caractère compétitif de la situation dans laquelle il prend place . La situation de compétition implique en effet différentes caractéristiques susceptibles d' affecter la réaction face aux conflits . Deutsch a montré ( 1949 , 1960 ) que la structure compétitive détériore les processus de communication et favorise les attitudes négatives envers les autres . Elle amène à percevoir l' autre de manière biaisée , chacun estimant ses propres comportements comme plus légitimes que ceux de l' autre . Elle diminue donc également la confiance que les individus ont en leurs pairs ( Deutsch , 1960 ) . Ajoutons à cela que dans une structure compétitive , le pouvoir de l' un est menaçant pour celui de l' autre . De fait , reconnaître que l' autre a raison implique reconnaître que l' on a tort . Enfin , la structure compétitive rendrait particulièrement saillante la pression à la consistance . Celle -ci se manifesterait dans ce contexte par une incapacité pour les différentes parties du conflit à envisager qu' ils peuvent changer de point de vue . De fait , le conflit dans ce type de structures amène les individus à penser que la seule issue possible pour en sortir est l' imposition de l' un sur l' autre . Le conflit favorise donc les stratégies de régulation basée sur la menace et la coercition . Pour Deutsch ( 2000 ) , le conflit peut engendrer , dans ce type de structures , différents phénomènes . Il se peut notamment qu' il donne lieu à ce qu' il qualifie « d' hostilité autistique » , c' est-à-dire une rupture de tout contact avec l' autre . Il est également possible que le conflit au sein de ce type de contexte entraîne l' auto-réalisation des prophéties . D' après Deutsch en effet , l' impression qu' un individu peut avoir que ce que fait l' autre le menace favoriserait les comportements hostiles à son égard , ce qui pourrait amener l' autre à adopter à son tour ce type de comportements , et ainsi de suite ( voir Deutsch et Krauss , 1960 ) . Enfin , le conflit associé à la compétition favoriserait un engagement involontaire à la fois dans sa propre position , mais également dans ses attitudes négatives à l' égard de l' autre . Pour Deutsch , le conflit dans ce type de contexte aurait donc tendance à s' élargir et s' étendre à des domaines bien plus larges que ce sur quoi portait le désaccord initial . Il ressort de ces travaux que le conflit sous sa forme destructive entraîne le rejet de l' autre et de ses idées . De plus , Deutsch ( 1973 ) ajoute que l' intensification du conflit risque d' induire du stress et de la pression . Or , pour lui , ce stress risque de détériorer les processus perceptifs et cognitifs des individus . Par exemple , le contexte compétitif rendrait les individus moins ouverts aux alternatives ( « view alternatives as being limited to victory or default » , p . 355 ) . Il favoriserait en outre l' utilisation d' un mode de pensée « simplificateur » se manifestant notamment par un raisonnement en « tout ou rien » , l' utilisation de stéréotypes , la conformité , la polarisation de la pensée . Dans l' ensemble , donc , on peut retirer des travaux de Deutsch qu' il existe deux modes de régulation du conflit : lorsqu' il prend place dans un contexte coopératif , le conflit peut se révéler constructif , tant sur le plan interpersonnel que cognitif . En revanche , lorsqu' il est associé à de la compétition , le conflit risque de devenir destructif et d' amener les individus à se focaliser sur la défense de leur position et le rejet de celle de l' autre [ 12 ] . Cette approche peut donc aider à comprendre mieux pourquoi la dimension sociale du conflit , comme nous l' avons évoqué au chapitre 2 , peut représenter parfois un enjeu supplémentaire , mais d' autres fois un obstacle au caractère constructif du conflit , en le rendant sujet aux mécanismes destructifs que nous venons de décrire . Comme tout conflit social en effet , le conflit sociocognitif peut prendre une forme destructive ou constructive en fonction du contexte dans lequel il prend place . C' est à ce point que nous nous intéresserons dans les sections qui vont suivre . 2 . Lorsque les tâches mettent en jeu des aptitudes 2.1 Caractéristiques et enjeux des tâches d' aptitudes Peut -on retrouver les dynamiques constructives et destructives du conflit lorsque celui -ci porte sur une tâche d' apprentissage ? Les tâche d' apprentissage , telles que résoudre un problème , répondre à des questions de compréhension , acquérir de nouvelles connaissances , généraliser une notion apprise , présentent une caractéristique commune : il s' agit de tâches mettant en jeu des compétences . En ce sens , ces tâches sont ce que les auteurs de la Théorie de l' Elaboration du Conflit appellent des « tâches d' aptitudes » ( Butera et al. , 1998 ; Butera et Mugny , 2001 ; Mugny et al. , 2003 ; Mugny , Butera et Falomir , 2001 ; Pérez et Mugny , 1993 , 1996 ; Pérez , Mugny , Maggi et Butera , 1995 ; Quiamzade et Mugny , 2001 ) . Selon eux , ce type de tâches peut être défini selon trois paramètres : la pertinence de l' erreur , l' ancrage social , et la divergence de réponse . Le premier paramètre est liée au fait que dans ce type de tâches , les individus savent que parmi toutes les propositions , il en existe une plus correcte que les autres . Ils ignorent cependant de laquelle il s' agit . Il y a donc pertinence de l' erreur puisqu' une réponse donnée va pouvoir être qualifiée de correcte ou d' incorrecte ( Butera , Mugny et Buchs , 2001 ) . Le second paramètre caractérisant ces tâches est l' ancrage social . Dans ce type de tâches en effet , la réponse donnée va permettre de classer les individus en termes de compétences . Cette réponse va donc avoir des conséquences sociales , puisque le fait de donner une réponse correcte ou incorrecte va permettre d' assigner une valeur sociale ( une plus ou moins forte compétence ) . Trope ( 1979 ) parlerait de tâches « diagnostiques » en ce sens qu' elles permettent de classer les individus sur un continuum de compétences . La troisième particularité de ces tâches est que , comme il y existe une réponse correcte et de nombreuses réponses incorrectes , la divergence de réponse , dans ce type de tâche , est tout à fait plausible et normale . Du fait de ces caractéristiques , ce type de tâche implique deux enjeux : l' un est d' augmenter l' exactitude des jugements , c' est-à-dire trouver la réponse juste ( enjeu épistémique ) . L' autre est de faire preuve de compétence ( enjeu relationnel ou identitaire ; Butera , Maggi , Mugny , Pérez et Roux , 1996 ; Butera et Mugny , 2001 ) . Le premier de ces enjeux peut être rapproché de ce que Chaiken et ses collaborateurs ( Chaiken et al. , 1996 ; Chen et al. , 1996 ) ou Kunda ( 1990 ) appellent la « motivation à l' exactitude » ( accuracy motivation ) . Pour ces auteurs , celle -ci correspond à une volonté d' arriver à la conclusion la plus exacte , la plus correcte possible , à la recherche de l' objectivité . Elle est induite par des situations où il est extrêmement important pour les individus de ne pas se tromper ( par exemple lorsque les enjeux sont importants pour eux-mêmes , ou parce qu' ils savent qu' ils devront ensuite exposer leur opinion à un public ) . Le second de ces enjeux peut être rapproché , dans le même courant de recherche , à la fois à la « motivation défensive » ( defensive motivation , Chaiken et al. , 1996 ; Chaiken , Gruenfeld et Judd , 2000 ) et à la « motivation à l' impression » ( impression motivation , Chaiken et al. , 2000 ; Chen et al. , 1996 ) . La motivation défensive consiste à préserver le concept de soi . Elle amène donc à saisir les attitudes et croyances qui sont congruentes avec celles qui existent déjà dans la définition de soi et qui , de fait , protègent et valident les croyances sur soi . La motivation à l' impression correspondrait pour sa part au souci de donner une bonne impression et d' entretenir une relation favorable avec les autres . Le second enjeu ( faire preuve de compétence ) relève en ce sens à la fois de ces deux motivations . Etant donné ces deux enjeux , les activités des individus dans ce type de tâche peuvent se focaliser , certes , sur la tâche et la compréhension du problème , mais également vers la comparaison sociale . En effet , les individus peuvent chercher à faire de la comparaison sociale pour différentes raisons . Parmi ces raisons , trois principales émergent de la littérature ( voir par exemple , Wood , 1989 ) . L' auto-évaluation ( self-evaluation ) , correspond au désir d' évaluer ses aptitudes , ses capacités . L' auto-amélioration ( self-improvement ) consiste à vouloir progresser , s' améliorer , et amène à considérer autrui comme une source d' inspiration , quelqu' un à qui l' on pourrait ressembler ou qui peut nous apporter des informations sur comment atteindre ses propres objectifs . L' auto-valorisation ( self-enhancement ) correspond enfin au désir de se valoriser , de favoriser ou conserver une image positive de soi . Les tâches d' aptitudes sont susceptibles d' activer chacune de ces motivations . En effet , du fait que l' incertitude est inhérente à ce type de tâche , puisqu' il existe une solution correcte et que l' individu ne sait pas de laquelle il s' agit , l' individu doute de ses compétences . Il va donc être motivé à s' auto-évaluer . En outre , il sait qu' il peut progresser . Ces tâches peuvent donc également favoriser le besoin d' auto-amélioration . Enfin , et parce que dans ces tâches , la compétence est fortement valorisée , il est probable que les individus y soient également motivés par l' auto-valorisation . De fait , la comparaison sociale est inhérente à ce type de tâches . 2.2 Conflit et incertitude dans les tâches d' aptitudes Du fait de ces enjeux , comment vont réagir les individus lorsque durant la réalisation de ce type de tâches ils sont confrontés à une personne qui donne une réponse divergente de la leur ? Nous avons vu que dans ce type de tâches , une réponse pouvait être considérée comme plus correcte que les autres . De fait , si autrui donne une réponse différente de la réponse propre , ceci implique que la réponse propre peut ne pas être correcte . Il va en découler une double incertitude . D' une part , le conflit instaure un doute sur la validité de la réponse propre . Le conflit introduit donc une incertitude épistémique , relative au contenu de l' information . D' autre part , le conflit met également en doute la compétence propre et il introduit par là une incertitude en termes de compétences . Le fait que le conflit favorise l' incertitude apparaît clairement dans les recherches que nous avons vues jusqu'à présent . En effet , c' est déjà ce qui était supposé par les recherches sur la séquence épistémique ( Kruglanski , 1990 ) , où si la confrontation à une information contradictoire faisait se poursuivre le mécanisme de génération et de validation d' hypothèses , c' était parce qu' elle mettait en doute la connaissance , l' empêchant de se geler . On pouvait également retrouver cette idée au travers de la notion de déséquilibre de Piaget ( 1975 ) . Notons d' ailleurs que certaines recherches menées dans le champ du conflit cognitif ont permis de souligner à quel point le conflit faisait douter les individus quant à la connaissance en jeu . C' est par exemple le cas de Gyoungho et Kwon ( 2001 ) qui ont étudié les réactions des étudiants lorsqu' ils étaient confrontés à des conflits cognitifs . Cette analyse leur a permis d' observer de nombreuses manifestations de l' incertitude : expressions de doutes , de sentiment de confusion ( par exemple : « it is strange ... » ; « I cannot understand ... » ; « I fell into confusion » ) . Face à un conflit , donc , l' incertitude est à son comble . Pour y faire face , il est probable que l' individu déploie des stratégies en vue de la réduire ( Kagan , 1972 ) . Pour cela , il peut se référer à deux types d' informations : le matériel à apprendre d' une part , la comparaison sociale des compétences entre soi et autrui d' une autre . 2.3 Deux modes de régulation du conflit La focalisation sur l' un ou l' autre de ces aspects de l' interaction va déterminer le mode de régulation adopté . Nous avons vu , à propos des recherches sur le développement social de l' intelligence ( Doise et Mugny , 1997 , Mugny et al. , 1984 ; voir chapitre 2 ) , qu' il pouvait exister deux types de régulation du conflit , l' une basée sur le contenu du problème ( régulation épistémique ) , l' autre sur des enjeux liés à la relation avec l' autre ( dans le cadre de cette approche , principalement , la complaisance ) . D' autres recherches ont permis de clarifier plus en détail la nature de ces différents modes de régulation du conflit et leurs effets sur le traitement de la tâche ( voir Buchs , Butera , Mugny et Darnon , 2004 ; Butera et Mugny , 2001 ; Butera et al. , 1996 ; Mugny et al. , 2003 ) . Comme nous l' avons vu auparavant , lorsque , dans une tâche d' aptitudes , un individu est face à un conflit , il est fortement motivé à découvrir laquelle des propositions est la plus juste et ce principalement pour deux raisons : d' une part pour comprendre , d' autre part pour se rassurer sur ses compétences . Comment l' individu peut -il déterminer laquelle des propositions est la plus juste ? Rechercher dans la tâche en elle-même les informations permettant de trancher en est un moyen ( Quiamzade , 2002 ) . Comparer ses compétences avec celles de la source afin de déterminer lequel des deux est le plus compétent et de fait a le plus de probabilités de donner une réponse correcte en est une autre . La focalisation sur la tâche ou sur la comparaison avec l' autre permet de distinguer deux modes de régulation du conflit . Lorsque la régulation du conflit passe par un ré-examen de la tâche en vue de comprendre au mieux le problème , elle est dite , comme en psychologie sociale du développement , « sociocognitive » ou « épistémique » . Dans ce cas , c' est surtout l' incertitude épistémique qui prime . Ce qui compte pour l' individu est principalement de comprendre laquelle des solutions proposées est exacte . Pour répondre à ce souci , l' individu va donc rechercher par un examen attentif et diagnostique des informations lui permettant d' arriver à la conclusion la plus juste , la plus exacte possible . La tâche étant le moyen le plus objectif pour le faire , c' est en ré-examinant son contenu qu' il va tenter de résoudre le conflit . Lorsqu' en revanche , pour faire face au conflit , l' individu centre son attention uniquement sur la comparaison sociale entre ses propres compétences et celles de la source , alors la régulation du conflit est dite « relationnelle » . Ce mode de régulation du conflit peut prendre deux formes . En effet , à l' issue de la comparaison sociale avec la source , l' individu peut considérer que cette dernière est plus compétente que lui . Dans ce cas , adopter sa réponse , par la « complaisance » est le moyen le plus sûr de faire preuve de compétence . Si en revanche l' individu pense qu' il peut être plus compétent que la source , alors , face à un conflit , il va surtout tenter de défendre sa compétence . Pour cela , il va maintenir et affirmer sa position , sans prendre en compte celle proposée par la source . De plus , il cherchera à affirmer sa propre compétence et à invalider celle de la source afin d' établir un différentiel de compétence en sa faveur ( Butera et Mugny , 1995 ; Butera et al. , 1998 ) . Cette manifestation de la régulation relationnelle du confit peut être rapprochée de ce que Monteil et Chambres ( 1990 , voir également Monteil , 1987 ) , appellent la « déplaisance » ( par opposition à la complaisance ) . On peut également la rapprocher de ce qu' évoquaient Mugny et al. ( 1984 ) , pour qui la régulation relationnelle du conflit pouvait , dans une situation où les enjeux identitaires sont trop importants , se manifester par l' affirmation de sa différence et de ses compétences . Nous parlerons dans ce cas de « régulation relationnelle défensive » ( ou « compétitive » , voir Darnon et al. , 2002 ; Buchs et al. , 2004 ) du conflit . Pour résumer , il existerait deux grands types de régulation du conflit . La régulation épistémique du conflit correspond à une attention portée principalement sur la tâche , la compréhension du problème et la coordination des points de vue . Pour la régulation relationnelle , en revanche , l' attention est portée principalement sur la comparaison sociale des compétences entre soi et la source . Ce dernier mode de régulation du conflit peut se manifester soit par la défense ( affirmation de ses compétences au détriment de celles de la source ) soit par la complaisance ( imitation de la source en vue de garantir un minimum de compétences ) . Pourquoi , dans certains cas , les individus régulent -ils le conflit de manière épistémique , et , d' autres fois , de manière relationnelle ? Même s' ils ne parlent pas toujours de régulation épistémique ou relationnelle du conflit , différents champs théoriques abordent ce sujet . Le point commun entre tous semble être que dès que la situation devient menaçante pour les compétences , la régulation relationnelle semble primer . Mais d' où provient la menace ? Les recherches que nous allons présenter ici abordent cette question . 3 . Régulations épistémique et relationnelle du conflit : recherches sur l' influence sociale La transmission du savoir ou d' une connaissance entre une source ( souvent un enseignant , mais également un pair ) et une cible ( l' apprenant ) est de par sa définition-même une situation d' influence sociale . Même si nous adhérons à la perspective constructiviste selon laquelle un apprentissage se construit plus qu' il ne se transmet , nous pensons , comme Doise et Mugny ( 1997 ; voir également Doise , 1989 ) que la connaissance se construit entre autre grâce aux multiples interactions sociales dans lesquelles l' apprenant est inséré . De fait , apprendre , c' est être influencé . Il convient donc , comme le suggèrent Mugny et al. ( 1984 ) , de considérer le conflit comme élément de communication émanant d' une situation d' influence sociale où une source délivre un message à une cible , chacun des acteurs du conflit étant tour à tour cible et source d' influence ( Moscovici , 1979 ) . Il est donc pertinent ici de faire appel à la Théorie de l' Elaboration du Conflit ( Pérez et Mugny , 1993 , 1996 ) , qui vise justement à étudier le conflit ( et plus spécifiquement la manière dont celui -ci est élaboré ) comme processus central de l' influence sociale . Pour ces auteurs , l' influence sociale doit se comprendre grâce à la capacité pour la source de faire douter la cible par le conflit qu' elle introduit . Or , le conflit , d' après cette approche , peut prendre un sens différent en fonction des caractéristiques de la source d' influence et de celles de la tâche dans laquelle il s' insère . Comme noté précédemment , les tâches d' apprentissage sont qualifiées , par les auteurs de la Théorie de l' Elaboration du Conflit , de « tâches d' aptitudes » . Comme nous l' avons vu également , les individus , lorsqu' ils réalisent ce type de tâches , sont fortement motivés à donner une réponse juste , et ce pour deux raisons possibles : d' une part pour s' approcher du jugement le plus correct possible ( répondant au souci épistémique ) et d' autre part parce que la réponse juste est une indication de compétence ( répondant au souci relationnel ) . Ce qui chez la source intéresse la cible , c' est donc la mesure dans laquelle celle -ci permet ou non de se rapprocher de la réponse juste . Or , la compétence de la source ( son expertise ) est un moyen d' inférer le caractère vrai ou faux de son jugement . De fait , la caractéristique de la source à laquelle les individus font attention dans ce type de tâche , est sa compétence ( Butera et al. , 1998 ; Mugny et al. , 2003 ; Mugny et al. , 2001 ) . D' après cette approche , l' orientation d' un individu ( ici , la cible d' influence ) vers une régulation épistémique ou relationnelle du conflit dépend de la comparaison entre ce que la cible perçoit de sa compétence propre et ce qu' elle perçoit de celle de la source . Par conséquent , quatre configurations sont possibles : le conflit peut en effet se situer entre une source experte et une cible novice , entre une source et une cible toutes deux novices , entre une source et une cible toutes deux expertes ou entre une source novice et une cible experte . Nous allons examiner ici les caractéristiques de chacun de ces quatre cas de figures . Pour chacun , nous verrons comment les caractéristiques de la tâche et celles de la source permettent de comprendre la manière dont le conflit est élaboré . Nous verrons surtout quelles en sont les conséquences sur la manière dont la tâche est traitée ( par exemple la diagnosticité des stratégies utilisées ) ainsi que sur l' influence ( la mesure dans laquelle la cible modifie ou non son propre jugement ou sa propre stratégie en fonction du jugement ou de la stratégie adoptée par la source ) . Un résumé de ces dynamiques est présenté dans le tableau 1 . Tableau 1 . Résumé des dynamiques d' influence dans les tâches d' aptitudes en fonction du rapport de compétences entre source et cible et du caractère menaçant de cette comparaison ( d' après Mugny et al. , 2003 ) 3.1 Confrontation entre une source experte et une cible novice La confrontation entre une source experte et une cible novice est l' une des plus courantes dans le système éducatif . En effet , la plupart des enseignements sont organisés de manière à ce qu' une source experte ( un enseignant ) délivre un message à des cibles novices ( les apprenants ) . Pourtant , nous allons voir que contrairement à ce que l' on pourrait penser , la compétence de la source peut parfois avoir des effets paradoxaux ( Butera et al. , 1998 ) . La source compétente présente en effet deux caractéristiques . D' une part , celle -ci représente un support informationnel puisqu' elle dispose de connaissances qu' elle peut transmettre à la cible ( Jones et Gerard , 1967 ; French et Raven , 1959 ) et constitue une cible de comparaison qui peut parfois permettre l' augmentation de ses propres performances ( Huguet , Dumas , Monteil et Genestoux , 2001 ) . D' autre part , la compétence de la source peut également parfois représenter une menace pour les compétences propres . En effet , la compétence de la source peut rappeller à la cible sa propre « incompétence » ( Butera et al. , 1998 ; Butera et Buchs , 2004 ; Falomir , Mugny , Quiamzade et Butera , 2001 ) . De fait , si la menace en provenance de la source est évacuée , la cible peut profiter de sa compétence . En effet , l' information transmise par la source va pouvoir être intégrée de manière durable et entraîner un transfert des connaissances ( Quiamzade , Falomir , Mugny et Butera , 1999 ; Quiamzade , Tomei et Butera , 2000 ; ) . Les auteurs qualifient cette dynamique de dépendance informationnelle . Néanmoins , le fait que la source soit considérée comme plus garante de validité que la cible peut parfois empêcher un traitement plus approfondi du problème ( Butera , Mugny et Tomei , 2000 ; Falomir et al. , 2001 ) . En effet , lorsque la cible sent ses compétences menacées par celles de la source , alors adopter le point de vue de cette dernière peut apparaître comme un moyen de restaurer sa compétence . En effet , puisque la source est experte , sa proposition est perçue comme ayant de fortes chances d' être correcte . De fait , adopter sa réponse , sous forme de complaisance , permet à la cible de protéger sa compétence . Or , l' adoption de la réponse de la source permet de résoudre le conflit . Une fois ce conflit résolu , nul besoin de s' engager dans un examen plus attentif des conditions de validité de chaque proposition ( Moscovici , 1980 ) . Lorsqu' au sein de ces tâches , la menace demeure ( ce qui peut par exemple être le cas lorsque le rapport social avec la source amène l' individu à percevoir la compétence de la source comme impliquant l' incompétence propre ) , alors la réponse de la source risque d' être reprise sans élaboration sociocognitive supplémentaire , sous forme de complaisance . Les auteurs qualifie de cas de figure de contrainte informationnelle . Cette régulation purement relationnelle du conflit ( ici , complaisance ) n' entraîne qu' une influence directe ( manifeste ) , la cible reprenant la réponse de la source . En revanche , elle n' entraîne pas de généralisation ( Mugny , Tafani , Falomir et Layat , 2000 ) . Des études expérimentales ont permis de mettre en évidence cette dynamique . C' est par exemple le cas de l' étude de Quiamzade et al. ( 2000 ) portant sur une tâche d' anagramme . Dans cette étude , les sujets étaient confrontés à la proposition de la source , qui appliquait toujours une même stratégie , présentée soit comme un expert ( forte compétence ) soit comme un novice ( faible compétence ) . Ils devaient alors proposer leurs propres anagrammes . Parmi ces anagrammes , étaient distingués ceux qui relevaient de leur stratégie initiale , ceux qui relevaient de la stratégie de la source , ou encore ceux qui correspondaient à la coordination des deux stratégies ( stratégie dite « mixte » ) . En outre , il était demandé aux sujets de se comparer avec la source selon deux modalités de comparaison . Dans une condition « d' interdépendance négative » , les sujets disposaient de 100 points de compétence à distribuer entre la source et eux-mêmes . Il s' agit d' une condition fortement compétitive dans la mesure où la compétence de l' un implique l' incompétence de l' autre . Dans une condition « d' indépendance » en revanche , ils disposaient de 100 points pour la source , et de 100 points pour eux-mêmes . Les résultats indiquent qu' en condition d' interdépendance négative , face à une source compétente , les sujets reprennent la stratégie proposée par la source ( imitation ) . En condition d' indépendance en revanche , les sujets proposent plus de mots relevant de stratégies mixtes ( indice de constructivisme ) . Par ailleurs , des études portant sur le changement d' une représentation sociale amènent à des conclusions similaires . Par exemple , Mugny et al. ( 1999 ) confrontent des sujets à un discours contraire à leur croyance . Ce propos est tenu soit par un étudiant ( source incompétente ) , soit par un chercheur ( source compétente ) . Les sujets doivent alors se comparer avec la source selon un mode de comparaison indépendant vs négativement interdépendant . Les résultats de cette étude montrent que l' influence de la source experte est réduite seulement dans la condition d' interdépendance négative ( et non en indépendance ) . D' après les auteurs , ce mode de distribution des compétences a renforcé les enjeux relationnels , rendant la situation typique de la contrainte informationnelle . Ce n' est pas le cas dans la condition d' indépendance où les sujets se laissent influencer par la source compétente , sous forme de dépendance informationnelle . La dynamique de contrainte informationnelle peut également être rapprochée de certains résultats obtenus dans les recherches sur le conflit sociocognitif ( voir chapitre 2 ) . Rappelons que ces études montraient que lorsque la source était un adulte ( Carugati et al. , 1980 - 81 ; Mugny et al. , 1978 - 79 ) où un enfant d' un niveau trop élevé par rapport à la cible ( Mugny et Doise , 1978 ; Schwarz et al. , 2000 ) alors le conflit perdait ses bénéfices . L' étude de Mugny et Doise montrait d' ailleurs que si le conflit pouvait entraîner un bénéfice immédiat , celui -ci n' était que superficiel puisqu' il ne se retrouvait pas de manière différée ( post-test ) . Ces exemples illustrent bien le paradoxe de la compétence , les sources de trop forte compétence pouvant amener bien souvent à une imitation sans élaboration particulière du conflit . 3.2 Confrontation entre une source et une cible toutes deux novices Le mécanisme est tout autre si la cible se trouve confrontée à une source d' égale incompétence . En effet , dans cette situation , la réponse de l' autre n' est pas plus garante de validité que la sienne . Les individus se trouvent donc dans l' impossibilité de savoir lequel des deux ( eux-mêmes ou la source ) donne la bonne réponse . De fait , les individus , dans cette situation , s' attribuent généralement autant de compétence qu' ils en attribuent à la source ( Butera et Mugny , 1995 ) . Face à un conflit , le sujet se trouve donc dans une double incertitude . Non seulement il doute de sa propre réponse , mais il va également douter de la réponse de l' autre , celle -ci n' ayant pas plus de probabilité d' être correcte que la sienne . Les auteurs parlent de conflit d' incompétences ( Butera et Mugny , 1995 ; Butera et al. , 1996 ; Butera et al. , 2000 ; Quiamzade , 2002 ; Maggi , Butera et Mugny , 1996 ) . Cette situation entraînerait , d' après ces auteurs , une double crainte d' invalidité ( Kruglanski et Freund , 1983 , voir chapitre 1 ) : peur de rejeter sa propre réponse , mais peur également de rejeter la réponse de la source . Cette crainte engagerait dans un examen attentif des conditions de validité de chacune des réponses ( voir le processus de validation , selon Moscovici , 1980 ) . Le conflit y est donc régulé principalement de manière épistémique et est susceptible de déboucher sur un constructivisme . L' étude de Maggi et al. ( 1996 ) , par exemple , permet d' apporter une illustration expérimentale à ce phénomène . Cette étude portait sur la représentation du centimètre . Un feed-back fictif de compétence permettait d' introduire la première variable indépendante : les sujets étaient informés du fait qu' ils étaient hautement vs faiblement compétents . Dans un groupe contrôle , aucun feed-back n' était donné . La tâche des sujets était d' évaluer la longueur de lignes . Pendant cette tâche , ils étaient confrontés à la réponse de la source , déclarée à son tour comme hautement vs faiblement compétente . Celle -ci sous-estimait systématiquement la longueur de la ligne . L' influence directe de la source était évaluée par la diminution de l' estimation durant la phase expérimentale . Par ailleurs , on demandait aux sujets de dessiner , après la phase d' influence , une ligne de 8 cm . La longueur de cette ligne était une mesure de l' influence indirecte . Les résultats indiquent que la source entraînant le plus d' influence directe chez les sujets déclarés incompétents est la source compétente ( voir section précédente ) . Néanmoins , la seule condition où l' on observe une influence indirecte ( changement de la représentation du centimètre ) est celle de confrontation entre une source et une cible toutes deux incompétentes . La confrontation à une source incompétente peut donc amener les individus à un changement aussi profond que la représentation qu' ils ont du centimètre . Bien que contre-intuitive , cette idée est tout à fait compatible avec les recherches sur le conflit sociocognitif mettant bien en évidence le caractère constructif de la confrontation entre deux individus incompétents ( par exemple , phénomène du « two wrongs make a right » , Ames et Murray , 1982 ; Schwarz et al. , 2000 ) . Néanmoins , si , dans cette situation , l' autre , de par son incompétence , n' est a priori pas menaçant , il peut le devenir . En effet , si la réussite de l' un est présentée comme entraînant l' échec de l' autre , la menace , non présente initialement dans cette tâche , va s' y introduire ( Butera et Mugny , 1995 ) . Les individus seront alors dans un rapport compétitif . Ils risquent dans ce cas de faire ce que les chercheurs appellent une comparaison par le bas ( Wills , 1981 ) , c' est-à-dire qu' ils chercheront principalement à affirmer leurs propres compétences et à dénigrer celles de l' autre . Cette gestion relationnelle du conflit ne leur permettra pas de profiter de l' échange . Ces dynamiques sont illustrées dans l' étude de Butera et Mugny ( 1995 ) . Dans cette étude , les sujets ont été amenés à émettre une hypothèse sur la règle qui sous-tend le choix des touristes quant à leur préférence pour certaines villes touristiques . Ils étaient alors confrontés à une proposition divergente de la part d' une source ( présentée comme un apprenti , donc novice ) . Les individus devaient se comparer avec cette source selon un mode négativement interdépendant vs indépendant . La principale variable dépendante était la mesure dans laquelle les sujets utilisaient ensuite une stratégie d' infirmation ou de confirmation d' hypothèse . La stratégie d' infirmation , bien que rarement utilisée , est pourtant la stratégie la plus diagnostique dans ce type de tâches . Les résultats montrent que lorsque les sujets doivent se comparer sous un mode négativement interdépendant , ils accentuent la différence de compétence entre eux-mêmes et la source . En revanche , s' ils sont sous un mode de comparaison indépendant , ils n' arrivent pas à trancher entre leur propre compétence et celle de la source ( situation typique du conflit d' incompétences ) . C' est dans les conditions d' indépendance que l' on observe le plus d' infirmation d' hypothèses , donc la stratégie la plus diagnostique pour résoudre le problème . 3.3 Confrontation entre une source et une cible toutes deux expertes Lorsque la source et la cible sont toutes deux déclarées compétentes , la compétence de l' une menace celle de l' autre . En effet , la cible pense être compétente et donc avoir donné une réponse correcte . Néanmoins , la source , également compétente , donne une réponse différente . Pour faire face à cette menace , la cible va chercher à défendre sa compétence et à invalider celle de la source , en affirmant son point de vue et en dénigrant celui de l' autre . Dans ce cas , le conflit relationnel absorbe le conflit épistémique , empêchant source et cible de profiter de leur confrontation . C' est ce que les auteurs qualifient de conflit de compétences ( Butera et al. , 1998 ; 2000 ) . Butera et al. ( 1998 , étude 1 ) ont illustré le conflit de compétences dans une étude utilisant un paradigme similaire à celui que nous venons de présenter ( Butera et Mugny , 1995 ) . Ici néanmoins , la variable indépendante est l' expertise de la source ( et non la modalité de comparaison ) . Celle -ci est présentée comme experte vs comme novice . Les résultats indiquent que face à l' expert , le souci des sujets est principalement de montrer que leur propre règle est correcte et que celle de la source est incorrecte . Ces sujets confirment donc leur propre règle et infirment celle de la source . Néanmoins , l' infirmation apparaît ici comme relationnelle ( sous son versant défensif ) car dans la phase de généralisation , ces sujets font principalement de la confirmation ( stratégie non diagnostique ) , contrairement à ceux pour lesquels la source était novice . Cette dynamique fortement compétitive peut néanmoins être contrecarrée si la cible parvient à percevoir son point de vue comme complémentaire de celui de la source ou que la compétence de l' un n' implique pas nécessairement l' incompétence de l' autre . Il semblerait en effet que ces facteurs agissent de manière à évacuer la menace et à induire une représentation de la tâche comme relevant non pas d' une compétition , mais d' une situation où chacun dispose d' une compétence qui peut être utile à l' autre . Dans ce cas , la compétence d' autrui n' est plus considérée comme une menace pour les compétences propres , mais au contraire comme une ressource potentielle . La régulation épistémique est alors possible . Les auteurs qualifie cette situaton d' interdépendance informationnelle ( Butera et al. 1998 ; Butera et Mugny , 2001 ; Quiamzade et al. , 1999 ) . La seconde étude de Butera et al. ( 1998 ) permet d' illustrer cette dynamique . Dans celle -ci en effet , une variable indépendante est ajoutée : la moitié des sujets recevait une démonstration de l' importance de la décentration , alors que l' autre moitié ne la recevait pas . Cette démonstration ( Huguet , Mugny et Pérez , 1991 - 92 ; Butera , Huguet , Mugny et Pérez , 1994 ) a pour objectif de souligner l' importance de la complémentarité des jugements et la nécessité de coordination des points de vue ( voir chapitre 2 ) . Celle -ci consiste à présenter aux sujets une boîte noire , qui contient une pyramide couchée , mais les sujets ne le savent pas encore . Il est demandé à la moitié des sujets de regarder par un orifice qui se trouve de côté . Ces sujets voient un carré . A l' autre moitié , il est demandé de regarder par l' orifice qui se trouve sur le dessus . Ces derniers voient un triangle . Les sujets doivent alors deviner quel est cet objet . Rares sont les sujets qui réussissent à dire qu' il s' agit d' une pyramide . L' expérimentateur ouvre ensuite la boîte et en sort la pyramide . Il explique alors l' importance de prendre en compte le point de vue de l' autre pour accéder à une connaissance plus juste et plus complète de l' objet ( pour un détail de la procédure , voir chapitre 5 , note méthodologique de l' étude 2 ) . Les résultats de cette étude indiquent que dans les conditions où cette induction n' a pas lieu , les résultats sont similaires à ceux de l' étude précédente , à savoir moins d' infirmation face à une source experte . Ceci n' est plus le cas dans les conditions de décentration , où les sujets confrontés à un expert font autant d' infirmation que lorsqu' ils sont confrontés à un non-expert . Cette idée est confirmée par Butera et al. ( 2000 , étude 3 ) . Dans cette étude , les sujets étaient déclarés très compétents . Ils devaient alors se comparer à un sujet qui avait reçu le même feed-back de compétence . Cette comparaison se faisait soit sous un mode négativement interdépendant , soit sous un mode indépendant . En outre , ils recevaient ou non l' induction de décentration que l' on vient de présenter . Les résultats de cette étude révèlent deux effets principaux : le mode de comparaison indépendant ainsi que l' induction de décentration ont tous deux permis de réduire les enjeux compétitifs de la situation et ont entraîné plus d' utilisation de la stratégie d' infirmation . Ces deux facteurs semblent donc bien permettre l' interdépendance informationnelle [ 13 ] . 3.4 Confrontation entre une source novice et une cible experte Cette situation a longtemps été négligée par les recherches sur l' influence sociale du fait de l' absence de conflit qu' elle est censée engendrer . En effet , la compétence de la cible est assurée . Elle n' est pas menacée par la source , celle -ci étant incompétente . La proposition de la source ne serait donc pas prise en compte par la cible . Le conflit serait donc tout simplement absent de cette situation . L' étude de Tomei et Mugny ( 2003 ) est à notre connaissance la seule à |