_: | UNIVERSITÉ TOULOUSE II & 226;& 128;& 147; LE MIRAIL U.F . R Sciences , Espaces , Sociétés & 226;& 128;& 147; Département des Sciences de l' Education Ecole Doctorale Comportement , Langage , Education , Socialisation , Cognition Groupe Pratiques Enseignantesdu Centre de Recherche en Education , Formation et Insertion de Toulouse THESE En vue de l' obtention du grade de Docteur de l' Université de Toulouse II Le Mirail Discipline : Sciences de l' Education Présentée et soutenue publiquement le 26 septembre 2007 par Gwénaël LEFEUVRE TRAVAIL COLLECTIF DES ENSEIGNANTS ET PRATIQUES D' ENSEIGNEMENT LE CAS DE LA PRISE EN CHARGE DES ÉLÈVES DITS EN DIFFICULTÉ AU SEIN DE L' ÉCOLE PRIMAIRE Composition du jury : Marc Bru Professeur , Université Toulouse II Le Mirail ( co-directeur ) Vincent Dupriez Professeur , Université Catholique de Louvain ( Rapporteur ) Anne Jorro Professeur , Université Toulouse II Le Mirail Joël Lebeaume Professeur , ENS Cachan ( Rapporteur ) Jean-François Marcel Professeur , ENFA de Toulouse ( co-directeur ) Remerciements Je tiens à remercier sincèrement le professeur Marc Bru , pour la confiance qu' il m' a accordée , ses nombreux conseils et son encadrement rigoureux . le professeur Jean-François Marcel , pour sa patience , sa disponibilité ses nombreuses questions et remarques qui ont contribué à étayer mes arguments et mon analyse . Je remercie également les membres du jury , pour avoir accepté de participer à l' évaluation de cette thèse . les enseignants qui ont collaboré à cette recherche , pour leur accueil et leur participation active à cette recherche . les membres de mon équipe de recherche ( GPE-CREFI-T ) , pour leur écoute et les réflexions partagées . les doctorants et plus largement les membres du CREFI-T , pour leur soutien et les controverses partagées . Enfin , j' ai une pensée toute particulière pour mes amis et ma famille , qui m' ont soutenu pour mener à bien ce projet . Nina , pour sa présence et tout le reste ... Table des matières TOME 2 : Annexes et CDRom ( Entretiens semi-dirigés et tables des données observées ) Introduction Travail de recherche sur les pratiques enseignantes La pratique d' enseignement fait l' objet de nombreux débats sociaux et parfois de « polémiques » : comment enseigner ? Quelles sont les « bonnes » méthodes d' enseignement ? Comment favoriser l' apprentissage des élèves ? Ces questions sont maintes fois débattues dans des domaines sociaux forts variés : les médias écrits et audiovisuels , les partis politiques , les syndicats d' enseignants , les associations pédagogiques , la communauté scientifique , etc. Les récentes controverses françaises autour des méthodes d' enseignement de la lecture / écriture au primaire [ 1 ] ont illustré à quels points les enjeux politiques , sociaux et scientifiques investissent la profession enseignante . Les sciences de l' éducation ne peuvent ignorer ces débats mais elles ne doivent pas céder aux prises de position fondées sur des convictions idéologiques , personnelles ou bien politiques . Comme le rappelle Van Der Maren ( 1994 ) , le premier but de la recherche scientifique dans le domaine éducatif est la « mise en doute , la critique , la contestation du sens commun , du bon sens , des théories et des manières de penser prônées par la majorité ou par les autorités » ( p. 5 ) . Ce dessein s' inscrit dans une tradition épistémologique forte ancienne en sciences humaines représentée , entre autres , par les travaux de Durkheim ( 1875 ) et de Bachelard ( 1970 ) qui considèrent que la connaissance scientifique ne se confond pas avec le savoir construit par le sens commun . Elle a au contraire pour fonction , dans un premier temps , de rompre avec les connaissances dites « vulgaires » véhiculées sans contrôle par certaines collectivités d' individus . Le travail de cette recherche se réfère à cette tradition épistémologique : il se donne pour finalité de construire , de manière heuristique , des connaissances sur le fonctionnement des pratiques enseignantes en mobilisant une démarche scientifique articulant des éléments théoriques avec des données empiriques collectées . 1 & 226;& 128;& 147; Une recherche à visée heuristique Dans le champ scientifique , une longue tradition de recherche tente de repérer les critères d' efficacité des pratiques d' enseignement ( Dunkin , 1986 ) . Ces recherches apportent une contribution incontestable à la connaissance des pratiques d' enseignement et sont d' une utilité pour guider et orienter les praticiens . Néanmoins , elles font également l' objet de critiques sur le plan épistémologique , théorique et méthodologique ( Crahay , 1986 ; Doyle , 1986 ; Gage , 1986 ) . En effet , même si certains auteurs ( Safty , 1993 ; Gauthier , C ; Desbien , J-F , Martineau , 1999 ; Doyle , 1986 ) ont mis en évidence le profil du « bon enseignant » ou bien les « bonnes modalités d' enseignement » qui participent efficacement à l' apprentissage scolaire des élèves , il n' en reste pas moins certaines limites quant à la connaissance de la manière dont fonctionnent et s' organisent les pratiques d' enseignement . Indiquer par exemple que les facteurs contributifs d' un enseignement efficace sont réunis lorsque « les leçons et les directives sont claires et précises » , « les élèves sont régulièrement informés de leur progrès » , « le matériel pédagogique et les ressources utilisées sont variées et intéressants » , « le climat de la classe a une atmosphère positive et chaleureuse » etc. , ne nous informe guère sur la façon dont les enseignants parviennent à mettre en oeuvre ces modalités d' enseignement dans des situations de travail variées . Ces éléments rejoignent également les critiques effectuées sur les référentiels de compétences des enseignants produits par le ministère de l' éducation nationale . Le rapport Bancel ( 1989 ) , qui a conduit à créer les IUFM en France , énonce sept compétences générales principales pour enseigner . Parmi celles -ci , l' enseignant doit savoir « organiser un plan d' action pédagogique pour la classe en le situant dans un plan d' ensemble élaboré en équipe » , « préparer et mettre en oeuvre des situations pédagogiques pour atteindre des objectifs explicites d' apprentissage » , « gérer les phénomènes relationnels » , « travailler avec des partenaires , en équipe pédagogique et avec des partenaires extérieurs » , etc. L' élaboration d' une liste des compétences que l' enseignant doit maîtriser pour exercer efficacement son métier est nécessaire pour identifier les objectifs généraux relatifs à la profession . Néanmoins , peu d' indications sont données sur les ressources , propres à l' enseignant ou bien disponibles dans son environnement professionnel , qui doivent être construites et mobilisées pour mettre en oeuvre ces compétences prescrites par l' institution . Dans ce cadre , il n' est pas étonnant d' identifier un écart et parfois un « décalage » entre les pratiques d' enseignement attendues par les institutions de formations initiales et continues ( les IUFM ) et les pratiques d' enseignement effectivement réalisées par les enseignants en situation de classe . Cet écart est un indicateur du manque de connaissances sur les pratiques d' enseignement effectives . Tel que l' indique Bru ( 1994 , 2002 ) , nous savons peu de choses sur la manière dont les enseignants organisent les conditions ( matérielles , cognitives , relationnelles , interactionnelles , temporelles , etc. ) favorisant l' apprentissage des élèves . Même si certains travaux ( Bressoux , 1994 ) ont montré l' existence d' un effet maître à hauteur de 10 à 15 % de la variance des acquisitions scolaires des élèves au primaire , nous avons peu de connaissances sur la manière dont cet effet maître s' actualise en situation de classe . Quelles sont les conditions qui favorisent ou à l' inverse freinent la réalisation de cet effet-maître ? Dans cette perspective , « la mission de la recherche reste de rassembler et de confronter des éléments de description , de compréhension et d' explications relatives aux pratiques d' enseignement » ( Bru , 2002 , p . 69 ) . C' est dans cette visée que s' inscrit notre recherche . Elle se donne pour objectif de participer à la construction de connaissances sur le fonctionnement des pratiques d' enseignement . Plus précisément , elle tentera d' apporter des éléments intelligibles sur les processus qui participent à organiser les modalités d' action mises en oeuvre par les enseignants en situation d' enseignement . Quelles sont les configurations de modalités d' action déployées par les enseignants en classe ? Quels sont les processus organisateurs de ces configurations constatées ? 2 & 226;& 128;& 147; La prise en compte du collectif d' enseignants dans l' étude des pratiques d' enseignement Dans le cadre de cette recherche , nous défendrons l' idée générale selon laquelle le collectif d' enseignants participe , à travers ses activités réalisées au sein de l' école , à organiser les configurations des pratiques d' enseignement en situation de classe . Pour expliquer cette relation potentielle , entre le travail collectif des enseignants et les pratiques d' enseignement , nous poserons l' hypothèse que les enseignants apprennent dans et par les pratiques collectives avec leurs collègues de travail ( collègues enseignants et non enseignants ) . Plus précisément , les enseignants construiraient des savoirs professionnels relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement dans et par la médiation du travail collectif réalisé avec le personnel de l' établissement . L' intérêt porté sur la relation entre les pratiques collectives de l' enseignant avec ses collègues de travail et ses pratiques d' enseignement s' appuie sur le constat de l' évolution de la profession enseignante depuis quelques décennies en France mais également dans les pays occidentaux ( Tardif et Levasseur , 2004 ; Tardif et Lessard , 1999 , Maroy , 2006 ) . Le travail enseignant , comme toutes les autres formes de travail sur et pour autrui , est confronté au déclin de ce que Dubet ( 2002 ) appelle le programme institutionnel . Dans ce cadre , les enseignants ne peuvent plus se conformer uniquement aux attentes du modèle institutionnel ( valeurs légitimes et universelles ) pour exercer efficacement leur métier d' enseignement . Ils doivent dorénavant construire leur propre « expérience » professionnelle . Le processus de démocratisation scolaire ( l' accès à l' enseignement pour tous , l' augmentation de l' âge scolaire obligatoire , etc. ) a engendré une distanciation de plus en plus croissante entre les attentes institutionnelles et sociales et l' expérience quotidienne de l' enseignant . Cette distanciation explique , en partie , le processus de professionnalisation des enseignants encouragé et mis en oeuvre , depuis une décennie , par les pays occidentaux ( Bourdoncle , 1991 , 1993 ; Lang , 2001 ; Tardif , 2005 , ) . Cette professionnalisation a eu plusieurs conséquences sur le travail enseignant : une augmentation de l' autonomie de travail des collectifs d' école ( parents , enseignants , professionnels spécialisés , etc. ) dans les choix pédagogiques et administratifs puis une rationalisation et division du travail plus accrue au sein des écoles . Pour encourager le travail collectif des enseignants au sein de l' établissement , un certain nombre de moyens ont été prescrit par l' institution scolaire française , comme la mise en place de temps de concertations formalisées obligatoires : conseils d' école , conseils des maîtres , conseils de cycles . Durant ces temps , les enseignants adaptent les prescriptions institutionnelles ( relatives au programme scolaire ) en fonction des besoins , des contraintes et des ressources dont ils disposent et construisent au sein de l' école et de son environnement . Ainsi , depuis la loi d' orientation de 1989 , l' établissement scolaire devient , pour l' institution , l' unité de référence pour mettre en oeuvre des prescriptions éducatives ( Derouet et Dutercq , 1997 ) . Pour les enseignants , l' établissement ou plus précisément le collectif de l' école , est un milieu de travail qui permet « de penser leur action , d' effectuer « un retour » sur cette action pour la rendre plus efficace encore ; un retour réflexif et productif qui contribue par -là même au développement de compétences professionnelles et à l' évolution du métier » ( Amigues , et al. 2002 , p . 16 ) . Dans ce cadre , nous faisons l' hypothèse que le collectif de l' école est une ressource potentielle , pour l' enseignant , dans la prise en charge des tâches d' enseignement . Il est maintenant nécessaire d' expliquer en quoi et comment le collectif d' enseignants peut -il être une ressource organisatrice des pratiques d' enseignement au sein de l' école . C' est ce à quoi nous nous attacherons dans ce travail de recherche . 3 - L' architecture du document Nous présentons ci-dessous les différentes étapes qui composent notre démarche de recherche . 3.1 - Première partie : la problématique de recherche Dans cette partie , nous ferons tout d' abord apparaître notre orientation générale de recherche sur l' objet des pratiques d' enseignement ( le chapitre 1 ) . Cette orientation s' inscrit en adéquation avec celle de notre équipe de recherche de Toulouse , le GPE-CREFI [ 2 ] . Nous montrerons en quoi il est souhaitable de ne pas se limiter au paradigme des recherches visant l' efficacité des pratiques d' enseignement . Ensuite , nous présenterons les orientations épistémologiques , théoriques et méthodologiques qui permettent , de manière heuristique , de décrire , comprendre et d' expliquer les pratiques d' enseignement . Dans le deuxième chapitre , nous mettrons en évidence la problématique générale de recherche . Nous décrirons l' évolution de la profession enseignante en prenant en compte des indicateurs empiriques relatifs à l' expérience des acteurs puis des indicateurs théoriques liés à l' évolution des recherches sur le travail enseignant . Nous montrerons , entre autres , que le travail quotidien de l' enseignant ne se réduit pas aux pratiques d' enseignement en situation de classe . Il existe d' autres formes de pratiques enseignantes mises en oeuvre hors du temps de classe . Pour approfondir ce phénomène , seront présentés des travaux sur le thème de l' école issus du champ de la sociologie des organisations puis des sciences de l' éducation . Nous terminerons ce chapitre par la présentation de nos questions de recherche spécifiques centrées sur la relation entre le travail collectif des enseignants au sein de l' école primaire et les pratiques d' enseignement en classe . 3.2 - Deuxième partie : orientations théorique et méthodologique Pour instruire nos questions de recherche , nous mobiliserons des concepts puis une approche méthodologique particulière afin d' appréhender les relations entre le travail collectif des enseignants et leurs pratiques d' enseignement en classe . Dans le chapitre 3 , nous exposerons le cadre théorique . Nous partirons de l' hypothèse générale selon laquelle l' enseignant apprend et se développe professionnellement par la médiation des activités collectives réalisées avec ses collègues de travail . En d' autres termes , l' enseignant construirait des savoirs professionnels relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement dans et par les pratiques collectives mises en oeuvre avec ses collègues ( enseignants et non-enseignants ) au sein de l' école . Pour appuyer cette hypothèse , nous convoquerons , dans un premier temps , les théories sociocognitives dominantes dans le champ de la psychologie et de la psychologie sociale . Puis , dans un second temps , nous transposerons certaines d' entre elles dans le cadre du travail enseignant . Nous montrerons en quoi les enseignants peuvent acquérir des savoirs professionnels par et dans des situations d' activité instrumentée par le collectif de l' école ou bien par et dans des situations d' interrelations avec leurs collègues de travail au sein de l' établissement . Dans le chapitre 4 , nous présenterons le sujet de recherche spécifique sur lequel seront centrées nos études empiriques . Nous nous intéresserons aux pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en situation d' enseignement . Nous ferons un état des lieux , non exhaustif , des recherches qui ont investi ce thème puis nous montrerons l' intérêt d' étudier la relation entre le travail collectif des enseignants et les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté . Enfin , dans le chapitre 5 , sera exposée notre démarche méthodologique . Nous mettrons en évidence , dans un premier temps , l' intérêt d' articuler deux approches méthodologiques pour appréhender les relations étudiées : une approche quantitative puis une approche qualitative . Ces deux approches , complémentaires et interdépendantes , ont pour objectif de produire de l' intelligibilité sur les modalités de travail collectif des enseignants au sein de l' école primaire , les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en situation de classe , puis leurs interrelations . Enfin , nous terminerons ce chapitre par la présentation des outils mobilisés pour collecter , traiter et analyser les données . 3.3 - Troisième partie : études empiriques , approche quantitative Dans cette troisième partie , nous confronterons nos hypothèses théoriques à l' empirie par l' intermédiaire d' une analyse quantitative des données collectées . Deux volets de recherche seront présentés . Au chapitre 6 , nous étudierons les relations entre la participation des enseignants de CP à un dispositif pédagogique inter-classes et leurs pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en situation d' enseignement . Puis , dans le chapitre 7 , nous étudierons les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en fonction des modalités d' interrelations des enseignants de cycle 2 avec leurs collègues de travail au sein de l' école . L' analyse quantitative permettra de construire une première connaissance sur le sujet en repérant , à partir d' un vaste échantillon d' enseignants , des tendances générales entre les variables étudiées . 3.4 - Quatrième partie : études empiriques , approche qualitative L' approche qualitative mobilisée a pour but d' affiner et de compléter les relations identifiées précédemment dans la troisième partie de ce document . Pour ce faire , nous avons réalisé trois monographies d' école primaire [ 3 ] ( le chapitre 8 ) . Au sein de ces monographies , nous avons étudié , dans un premier temps , les conditions de production et d' évolution des dispositifs inter-classes mis en oeuvre par les enseignants de cycle 2 durant l' année scolaire dans le cadre de l' enseignement de la lecture / écriture . Puis , dans un deuxième temps , nous nous sommes centrés sur l' évolution ( entre les premier et deuxième trimestres de l' année scolaire ) des modalités d' interrelations des enseignants avec leurs collègues de travail durant les moments informels hors de la classe . Ces éléments repérés au sein de chacune des monographies nous ont permis , ensuite , d' effectuer des comparaisons inter-écoles . Dans le chapitre 9 , nous avons mis en relation les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté , au sein des trois écoles , en fonction des modalités de pratiques collectives enseignantes étudiées . 3.5 - Cinquième partie : Bilan heuristique et perspectives Nous clôturerons cette recherche par un bilan dont le but sera d' articuler les concepts théoriques présentés dans la deuxième partie de ce document avec les éléments empiriques collectés . Nous essayerons , à partir de cette articulation , de proposer une intelligibilité pour mieux décrire , comprendre et expliquer la relation entre le travail collectif des enseignants au sein de l' école et leurs pratiques d' enseignement . Pour ce faire , nous montrerons en quoi les outils pédagogiques construits par le collectif de l' école ainsi que les interrelations des enseignants avec leurs collègues de travail peuvent constituer des ressources participant à l' organisation des pratiques d' enseignement . Nous avons choisi de ne pas rédiger de conclusion dans ce document pour deux raisons principales : la première est que ce travail n' est absolument pas abouti . Il s' inscrit dans une démarche de recherche exploratoire sur le travail enseignant dont la visée principale est de repérer et d' ouvrir des « pistes » , pertinentes et non encore exploitées , qui expliquent le fonctionnement et l' organisation des pratiques enseignantes dans et hors de la classe . Ces pistes devront bien entendu faire l' objet de recherches empiriques complémentaires pour ( re ) mettre à l' épreuve les éléments théoriques amorcés dans le cadre de cette thèse . La deuxième raison est que nous ne pouvons psychologiquement pas conclure et finaliser ce document puisque ce dernier nous semble déjà « dépassé » et mis en question par la continuité de nos lectures personnelles , de nos échanges avec les collègues chercheurs et enseignants puis de nos observations sur le travail des enseignants . 3.6 - Synthèse de la démarche La démarche générale de recherche est résumée dans le tableau ci-joint qui sera repris au début de chacune des cinq parties afin de faciliter le repérage des étapes . Il comporte une colonne « repère » qui donne , pour chacun des chapitres , l' idée générale à retenir pour comprendre la structure de la démarche . Pour facilité la cohérence de lecture du document , nous avons construit des introductions au début de chaque partie [ 4 ] . De plus , nous avons effectué des synthèses à la fin de chaque chapitre afin de permettre au lecteur de suivre la dynamique générale de la recherche . Nous avons conscience que la multiplicité des synthèses produit de la redondance d' informations au sein du document néanmoins elle permet , à notre sens , de rendre plus accessible notre démarche de recherche . PARTIE 1 PROBLEMATIQUE GENERALE DE RECHERCHE Introduction de la partie 1 L' objet général de cette recherche est centré sur la relation entre le travail collectif des enseignants au sein de l' école primaire et leurs pratiques d' enseignement en situation de classe . Avant de présenter les éléments théoriques sur lesquels nous nous appuierons pour interpréter cette relation , nous définirons , dans cette première partie du document , l' objet de la recherche c' est-à-dire les notions de « pratiques d' enseignement » et de « travail collectif des enseignants au sein de l' école » . Les orientations de la recherche « sur » et « pour » les pratiques d' enseignement sont nombreuses et variées d' un point de vue épistémologique , théorique et méthodologique ( Marcel et al. 2002 ) . C' est la raison pour laquelle il est nécessaire d' expliciter et de justifier notre orientation particulière sur l' étude des pratiques . Dans le premier chapitre de cette partie , nous présenterons l' orientation de recherche . Nous montrerons , entre autres , que celle -ci s' inscrit dans un paradigme dont l' objectif est de décrire , comprendre et d' expliquer les pratiques d' enseignement dans une visée heuristique et non prescriptive . Dans le second chapitre , nous présenterons un état des travaux sur l' évolution de la profession enseignante depuis quelques décennies puis plus particulièrement sur le travail collectif des enseignants au sein de l' école primaire et de l' établissement secondaire ( collèges et/ou lycées ) . Enfin , nous terminerons ce chapitre par la description de notre problématique particulière c' est-à-dire les questions spécifiques qui guideront les orientations théoriques et méthodologiques de cette recherche . Chapitre 1 Orientation de la recherche sur les pratiques d' enseignement L' objet de ce chapitre est de présenter notre orientation générale de recherche sur les pratiques d' enseignement . Pour ce faire , nous commencerons par expliciter notre point de vue ( épistémologique et méthodologique ) en nous distinguant des paradigmes de recherche dont la visée principale est d' améliorer et de transformer les pratiques d' enseignement . Dans un second temps , nous exposerons notre orientation en nous appuyant sur un courant de recherches dont la finalité est de décrire , comprendre et d' expliquer les pratiques d' enseignement . 1 & 226;& 128;& 147; Les limites des recherches visant l' efficacité des pratiques d' enseignement Dans l' ouvrage coordonné par Crahay et Lafontaine ( 1986 ) , Doyle ( 1986a ) présente trois paradigmes d' efficacité des pratiques d' enseignement : le paradigme « processus-produit » , le paradigme des « processus médiateurs » et le paradigme « écologique » . Ces paradigmes visent tous à identifier , de manière plus ou moins explicite , les variables qui permettent d' améliorer l' apprentissage des élèves ( Gauthier , 1997 ) . Dans ce cadre , les recherches étudient les relations entre différents niveaux de variables et les résultats scolaires des élèves ( à partir généralement de passation de tests standardisés ) . Selon les paradigmes , la nature des variables étudiées diffère . Le modèle « écologique » est le paradigme de recherches le plus « complet » puisqu' il tient compte de l' ensemble des variables contextuelles qui entrent en jeu dans l' explication des processus interactifs ( entre l' enseignant et les élèves ) et des produits ( les acquisitions scolaires des élèves ) . Dans cette partie , nous ne décrirons pas l' évolution historique de ces paradigmes mais nous identifierons les éléments « canoniques » qui les définissent ainsi que les limites qui leur sont accordées . 1.1 - Le paradigme « processus-produit » Doyle ( 1986 ) définit le paradigme processus-produit de la manière suivante : « dans cette perspective de recherche , on tente d' évaluer l' efficacité en étudiant les relations entre la mesure des comportements des enseignants en classe ( le processus ) , d' une part , et de l' apprentissage des élèves ( le produit ) d' autre part. » ( p. 438 ) . L' objectif de ce type de recherche est ainsi d' améliorer l' efficacité de l' enseignement comme l' indique clairement l' auteur : « les recherches de type processus-produit n' ont pas pour seule ambition de décrire le processus d' enseignement-apprentissage , elles visent son amélioration . Gage ( 1966 ) est explicite sur ce point : ceux qui entreprennent ce type de recherche espèrent pouvoir en appliquer directement les conclusions à la formation et au perfectionnement des maîtres. » ( Doyle , 1986 , p. 439 ) . Pour ce faire , ces recherches ont tenté d' identifier des indicateurs d' efficacité de l' enseignement . Dans un premier temps , elles se sont centrées sur le maître en s' intéressant à sa personnalité et à ses caractéristiques personnelles telles que le sexe , l' âge , la formation , etc : c' est ce qu' on a appelé les variables de présage . Dans ce type de recherche , on s' intéresse par exemple à la relation entre le sexe de l' enseignant ( variable de présage ) et les résultats des élèves ( variables de produit ) . Ensuite , vers les années 60 , les recherches ne se sont plus centrées uniquement sur le maître mais sur ce qui se passe en classe : la relation entre le comportement des maîtres en situation de classe et l' apprentissage des élèves ( Bressoux , 1994 ) ; c' est ce qu' on a appelé les variables de processus . Dans ce cadre , on tente de trouver des relations entre les modalités pédagogiques et didactiques mises en oeuvre par l' enseignant et l' apprentissage des élèves . Certaines études se sont par exemple centrées sur la correspondance entre la fréquence des consignes données par le maître en classe ( variable de processus ) et les résultats des élèves ( variable de produit ) . Aux variables de présages et de processus , se sont ajoutées les variables contextuelles . Avec ces dernières , certaines recherches ( Sirota , 1988 ) ont étudié les relations entre les origines socioculturelles des élèves et des maîtres et les résultats scolaires . Selon Gage ( 1986 ) , « les variables de contexte concernent le cadre dans lequel l' enseignement se déroule : niveau scolaire , matière enseignée , aptitudes de l' étudiant et degré initial de connaissance de la matière , taille de la classe , statut socio-économique des élèves , etc. » ( p. 415 ) . Pour mieux identifier les rapports entre toutes ces variables considérées , nous proposons ci-dessous le modèle processus-produit de Gage ( 1986 , p. 415 ) : Schéma 1 - Le modèle processus-produit ( Gage , 1986 ) Comme nous le voyons , les quatre types de variables sont interdépendants . Le modèle de Gage met en évidence une dynamique interactionnelle entre les variables et une linéarité entre le processus d' enseignement et les variables de produit . Les recherches de type processus-produit ont permis , à n' en pas douter , d' identifier un corpus important de variables pouvant interférer dans les processus d' apprentissage des élèves . Cependant , un certain nombre de critiques sont apparues rapidement concernant la visée , parfois implicite , de ces recherches ; l' objectif principal étant d' établir « des lois relatives aux relations de cause à effet entre les comportements d' enseignants en classe et l' apprentissage des élèves à la fin d' une séquence éducative. » ( Doyle , 1986 ) . Or , comme l' ont montré plusieurs auteurs ( Ozga et Lawn , 1981 , Lessard et Tardif , 1999 , Bru , 1991 , Clanet , 1997 , Marcel , 1997 ) , la situation éducative est plus complexe qu' un simple mécanisme de lois et de causalités linéaires ( de cause à effet ) entre le processus d' enseignement et les acquisitions scolaires des élèves . 1.2 - Les limites du paradigme processus-produit Les principales critiques adressées aux recherches de type processus-produit ( Bru , 1991 ; Clanet , 1997 ; Doyle , 1986 ; Crahay et Lafontaine , 1986 ) portent sur deux plans de validité : le plan épistémique et le plan méthodologique . Concernant le plan épistémique , Doyle ( 1986 ) indique que ce type de recherche a un faible pouvoir d' explication des processus d' enseignement-apprentissage : « observer la liaison entre des comportements d' enseignement et des résultats d' apprentissage chez les élèves conduit rarement à expliquer comment l' enseignement produit ses effets. » ( p. 440 ) . En effet , montrer qu' il existe des relations entre le climat social de la classe ( variable contextuelle ) , les aptitudes physiques de l' enseignant ( variable de présage ) ou bien encore le nombre de questions posées par l' enseignant ( variable de processus ) et les acquisitions scolaires des élèves ( variable de produit ) ne nous indique pas comment ces variables influencent l' apprentissage des élèves . Le problème se situe au niveau de l' interprétation des relations perçues entre les variables indépendantes ( variables de présage , contextuelles et de processus ) et dépendantes ( variables de produit ) . Clanet ( 1997 ) relève d' autres limites épistémiques concernant ce type de modèle . Tout d' abord , l' auteur considère que les recherches de type processus-produit sont trop simplistes , car souvent « une seule dimension est explicative des résultats du fonctionnement du système » ( p. 124 ) . De plus , l' auteur indique le faible pouvoir de généralisation des résultats de ces recherches car « suivant la définition de la situation , le poids de chacune des dimensions retenues variera grandement suivant le site choisi pour les étudier » ( p. 124 ) . Dans une étude effectuée auprès de 12 enseignants , Clanet ( 1997 ) a montré que l' effet des maîtres , c' est-à-dire l' impact de leurs modalités d' enseignement sur les acquisitions scolaires des élèves , était différent non seulement d' une année à l' autre mais également d' une pratique à l' autre . Ainsi , comme l' ont déjà montré beaucoup d' auteurs ( Crahay , 1989 ; Altet et al. 1994 , etc. ) , il existe des différences inter-maîtres mais également intra-maîtres . Il est par conséquent difficile de généraliser le pouvoir d' influence d' une ou quelques variables de présage , de contexte ou de modalités pédagogiques et didactiques sur le degré d' apprentissage des élèves . D' autre part , Bru ( 1987 , 1991 ) indique qu' il est réducteur d' identifier une relation causale et linéaire entre la pratique d' enseignement et les acquisitions cognitives des apprenants . C' est le cas de nombreuses études expérimentales , s' inspirant du modèle processus-produit , qui tentent de juger de l' efficacité d' une méthode d' enseignement sur l' apprentissage des élèves ( avec l' utilisation fréquente du pré-test et du post-test ) . Comme le souligne Bru ( 1987 ) , c' est « ignorer la part d' activité de l' apprenant et ne pas accorder d' importance à la diversité des processus d' apprentissage » ( p. 158 ) . En effet , les processus d' apprentissage des élèves ne se limitent pas aux résultats scolaires collectés à partir de tests standardisés . D' autre part , ces processus ne sont pas entièrement dépendants de ce qu' entreprend l' enseignant en situation de classe . Un certain nombre d' auteurs en psychologie cognitive ( Piaget , Bruner , Doise et Mugny , Bandura , Vygotski , Wallon , etc. ) ont montré les différents styles cognitifs des apprenants et l' importance du contexte social et culturel dans le phénomène d' apprentissage . Il est par conséquent réducteur de penser qu' une méthode d' enseignement , jugée comme « efficace » , pourra d' une part avoir le même impact cognitif ( et/ou affectif ) sur tous les élèves de la classe et d' autre part être généralisée à toutes les situations d' enseignement-apprentissage . Dans le cadre des recherches en didactique , Bru ( 1987 ) propose de sortir de cette vision mécaniste et programmatique entre le processus d' enseignement et le processus d' apprentissage pour , au contraire , reconnaître « l' autonomie partielle mais irréductible » de chacun d' eux : « la recherche en didactique est aujourd'hui amenée à concevoir des modèles moins sommaires qui permettraient de décrire les principales variables intermédiaires caractéristiques du processus d' enseignement , du processus d' apprentissage et de leur inter-relation . Activités de l' enseignant et activités de l' élève sont très rarement planifiables dans leur totalité et dans toutes leurs implications . Enseigner , comme apprendre , c' est parfois l' aventure , la recherche des solutions inédites à des problèmes inattendus . Le modèle utilisé pour construire une connaissance de ces deux conduites en interaction doit se dégager d' une vision simpliste et trop normative. » ( p. 161 ) . Sur le plan méthodologique , plusieurs critiques sont relevées . Dans un premier temps , il est important de signaler que « le paradigme processus-produit recourt généralement à des observations structurées des processus en classe , à des tests de rendement et à des enquêtes sur les attitudes : il utilise aussi le calcul de corrélations simples et des analyses multivariées , ainsi que des expériences avec répétition aléatoire des sujets et manipulations des pratiques d' enseignement. » ( Gage , 1986 , p. 416 ) . Les limites de ce genre de méthodes reposent sur l' interprétation des corrélations identifiées . Comme l' indique Crahay et Lafontaine ( 1986 ) « une corrélation n' est pas une relation de cause à effet , et comme M.J Dunkin et J. Biddle ( 1975 ) l' avaient déjà remarqué , certaines corrélations interprétées dans le sens « les comportements de l' enseignant influencent la performance des élèves » pourraient être renversées : la compétence des élèves ( dont la mesure de produit est le reflet ) influence la conduite du maître. » ( p. 15 ) . Les corrélations ne sont donc pas des preuves de relations de « causes à effets » entre les variables étudiées . On peut par exemple très bien imaginer , dans le cadre d' une étude faite auprès de X écoles , une corrélation entre le sexe des enseignants et les résultats scolaires des élèves en français ( lors d' une passation d' un test standardisé ) . Néanmoins , cette corrélation peut très bien être générée par d' autres variables intermédiaires non étudiées comme par exemple le contexte socio-économique des écoles , le niveau d' études des enseignants ou l' origine socioculturelle des élèves , etc. Par conséquent , nous voyons bien les limites d' utiliser uniquement l' analyse de corrélations et l' analyse multivariée pour expliquer les relations entre des variables étudiées . Certes , ces analyses ne sont pas inutiles mais elles sont intéressantes seulement pour tenter de décrire partiellement ( en triangulant avec d' autres outils d' analyse ) une situation éducative mais non pour l' expliquer dans sa globalité . Ainsi , comme nous pouvons le voir , les recherches s' intéressant aux relations linéaires entre les processus d' enseignement et les produits de l' apprentissage ont tendance à minimiser la distinction relative entre les processus d' enseignement et les processus d' apprentissage ainsi que la prise en compte de l' ensemble des éléments du contexte relatifs à l' activité de l' enseignant et celle des apprenants . 1.3 - Le paradigme des processus médiateurs Le paradigme des processus médiateurs apportera quelques ruptures par rapport au paradigme processus-produit . Ainsi , au lieu de considérer des relations de causalités linéaires et mécanistes entre les comportements des enseignants et les apprentissages des élèves , les recherches de type processus médiateurs vont s' intéresser aux variables intermédiaires qui s' interfèrent entre les pratiques des enseignants et l' apprentissage des élèves . Selon Bressoux ( 1994 ) , il s' agit dans ce cadre de « s' intéresser aux processus humains implicites qui s' interposent entre les stimuli pédagogiques et les résultats de l' apprentissage . Le stimulus n' est plus vu comme ayant un effet direct sur l' apprentissage mais les variations dans les résultats de l' apprentissage sont fonction des procédures intermédiaires de traitement de l' information que les élèves déploient lors de l' activité . On va ainsi s' intéresser à des procédures médiatrices telles que l' attention , l' utilisation du temps , l' implication dans la tâche à réaliser , la persévérance » ( p. 94 ) . Ce courant de recherche ne se centrera plus sur l' enseignant ( son comportement , ses caractéristiques physiologique , sociales , etc. ) mais , à l' inverse , exclusivement sur l' activité cognitive et affective de l' apprenant . Ainsi , l' enseignant et le contexte ne deviennent plus les seuls responsables des apprentissages des élèves . Les caractéristiques personnelles des élèves sont également prises en compte : « les étudiants ne sont plus considérés comme de simples récepteurs , coincés entre les variables processus et produit . Leurs réponses jouent un rôle médiateur actif dans la détermination de « ce qui est traité , de la manière dont c' est traité et , par conséquent , de ce qui est mémorisé » ( Rothkopf , 1965 , 1976 in Doyle , 1986 , p. 447 ) . Selon Doyle ( 1986 ) , le paradigme des processus médiateurs a participé activement au déclenchement des études sur la psychologie cognitive puisque « pour améliorer les résultats de l' apprentissage , il importe d' observer d' abord ce que les élèves font pour apprendre » ( p. 449 ) . Néanmoins , ce paradigme reste toujours centré sur la recherche de l' efficacité d' enseignement et conçoit le système enseignement-apprentissage comme une relation linéaire et mécaniste . Clanet ( 1997 ) indique que c' est un « paradigme élargi processus-produit » . 1.4 - Les limites du paradigme « des processus médiateurs » Les limites associées à ce type de recherches tiennent essentiellement à la transférabilité des résultats en situation de classe . Ainsi , beaucoup de recherches ont été effectuées en situation de laboratoire afin de mieux expérimenter les relations entre certaines variables médiatrices telles que la capacité de mémorisation des élèves , la capacité d' attention , de concentration et l' acquisition scolaire des élèves . Comme l' indique Clanet ( 1997 ) , « les conclusions des recherches menées en laboratoire sont trop loin de la réalité scolaire quotidienne pour pouvoir déboucher sur des recommandations pratiques » ( p. 70 ) . Par conséquent , il est limité de prescrire des modalités pédagogiques et didactiques aux enseignants à partir des recherches effectuées en laboratoire sur les capacités affectives et cognitives des élèves car , tel que l' indique Bru ( 1991 ) , « selon leur personnalité , enseignants et apprenants réagissent à leur environnement et agissent en fonction de l' évolution de ce dernier . Il est important de ne pas sous-estimer les effets de contexte. » ( p. 19 ) . D' autre part , les recherches s' inscrivant dans ce paradigme ont majoritairement pour but d' améliorer l' apprentissage des élèves en essayant d' identifier les variables de médiation qui favorisent ( ou au contraire défavorisent ) l' acquisition des compétences scolaires . Une fois ces variables connues , ces recherches proposent aux enseignants de privilégier tel ou tel type de méthodes d' enseignement pour améliorer l' apprentissage . Mais ceci , répétons -le , c' est oublier la variabilité contextuelle dont doivent faire preuve les enseignants et les élèves , une méthode préconisée pouvant fonctionner un jour et pas l' autre . Comme l' indique Joffroy-Vatonne ( 1993 ) « du problème repéré des différences entre élèves , on passe à des prescriptions didactiques à mettre en jeux , en fonctionnant comme si l' enseignant était un sujet épistémique , en dehors de toute influence locale et libre d' établir des choix didactiques raisonnés. » ( p. 2 ) . Les recherches sur les processus médiateurs ont permis de s' intéresser aux acteurs « apprenants » qui s' intègrent dans le processus d' enseignement-apprentissage . Contrairement au paradigme « processus-produit » , ces recherches ont montré qu' il n' existait pas un lien « linéaire » entre les processus d' enseignement et l' apprentissage des élèves . Malgré cette rupture , les recherches de type processus médiateurs sont , comme nous l' avons indiqué ci-dessus , majoritairement décontextualisées de la situation « réelle » d' apprentissage des élèves . C' est , entre autres , pour pallier cette lacune que les recherches s' intégrant dans le paradigme écologique vont émerger . 1.5 - Le paradigme écologique Le paradigme écologique se centre sur la correspondance entre les éléments contextuels de la situation d' enseignement-apprentissage et les comportements des acteurs : « le paradigme écologique a pour objet l' étude des relations entre les demandes de l' environnement , c' est-à-dire les situations de classe , et la manière dont les individus y répondent » ( Doyle , 1986 , p. 452 ) . Plusieurs niveaux sont appréhendés ; le modèle d' enseignement-apprentissage élaboré par Dunkin et Biddle ( 1974 , in Clanet , 1997 ) s' est intéressé par exemple à quatre types de variables afin d' optimiser l' étude des conduites d' enseignement dans le cadre de leur environnement matériel , humain et historique : les variables de présage , les variables de contexte , les variables de processus et les variables de produits ( acquisitions scolaires des élèves ) . Nous retrouvons là une homologie avec la structure du modèle de Gage ( 1986 ) présenté précédemment , c' est-à-dire une linéarité entre les processus d' enseignement et les produits . Néanmoins , comparé au modèle de Gage , celui de Dunkin et Biddle prend en compte un niveau de complexité supérieur puisqu' il englobe les propriétés de l' environnement scolaire ( écoles , inspections , etc. ) et extra-scolaire ( familles , etc. ) . Selon Bronfenbrenner ( 1981 , 1986 ) , l' écologie de l' enseignement-apprentissage repose sur deux niveaux : « le premier intéresse les rapports entre les caractéristiques des élèves et leur environnement habituel ( foyer , école , groupe d' âge , lieu de travail , voisinage , communauté , etc. ) . Le second englobe les rapports et les liens existant entre ces types d' environnement. » ( p. 21 ) . L' auteur propose de définir 4 systèmes ( micro & 226;& 128;& 147; méso & 226;& 128;& 147; exo et macro-sytème ) inclusifs qui influencent les comportements et apprentissages des élèves . Ces systèmes décrivent les éléments proches et lointains du milieu scolaire avec lesquels l' élève interagit . Ainsi , même si Brenfenbrenner et plus largement les auteurs du modèle écologique ont apporté un éclairage sur la complexité de la situation d' enseignement-apprentissage , en tentant de mobiliser une variété de variables contextuelles interdépendantes , certaines limites subsistent . 1.6 - Les limites du paradigme écologique Comme nous l' avons vu ci-dessus , le paradigme écologique a tenté de pallier les « lacunes » constatées dans les paradigmes de recherche précédents ( « processus-produit » et « processus médiateurs » ) afin d' améliorer l' étude de la situation d' enseignement-apprentissage . Néanmoins , les recherches de type écologique sont majoritairement restées dans un schéma « processus-produit » , étudié , il est vrai , dans les contextes scolaire et extra-scolaire . La limite de ce paradigme est que l' on recherche toujours à expliquer des relations causales et linéaires entre des éléments contextuels et les variables de produits ( apprentissages des élèves ) . Tel que le soulève Clanet ( 1997 ) , « la relation causale entre variables explicatives et variables expliquées est toujours présente . Ce type de modélisation , même s' il s' étoffe en se compliquant , en reste à une lecture programmatique des relations entre enseignement et apprentissage. » ( p. 107 ) . On s' intéresse peu à décrire , comprendre et expliquer , de manière heuristique , l' interdépendance entre les processus organisateurs de l' activité enseignante et ceux de l' activité des apprenants . L' objectif principal , dans ce type de paradigme , est d' identifier les variables qui favorisent l' apprentissage des élèves . De plus Clanet ajoute que les éléments contextuels retenus sont les mêmes pour tous les acteurs et s' appliquent à tous de la même façon . En d' autres termes , « le contexte semble être figé , s' imposant de la même manière à tous les acteurs de la situation. » ( p. 110 ) . 2 - Orientation épistémologique : décrire , comprendre et expliquer les pratiques d' enseignement Les paradigmes de recherche présentés ci-dessus ont tous un point commun : ils visent à améliorer l' apprentissage des élèves en décrivant les relations significatives entre plusieurs niveaux de variables ( variables de présage , de processus , contextuelles , médiatrices ) et les acquisitions et/ou comportements des apprenants . Ce sont des paradigmes « pour » la pratique d' enseignement ( Bru Bru , 2002 ) . Sans remettre en doute l' intérêt social et politique qu' ont suscité les travaux sur l' efficacité d' enseignement , plusieurs critiques ont émergé . Nous les résumerons en quelques points : Ces recherches prennent peu en compte l' autonomie relative entre les processus d' enseignement et les processus d' apprentissage . Elles ont tendance à conceptualiser un lien linéaire et causal entre les comportements ou caractéristiques intrinsèques de l' enseignant et les résultats scolaires des élèves . Or , nous le savons , les élèves peuvent apprendre des savoirs scolaires hors des situations d' enseignement aménagées et , à l' inverse , l' enseignant peut mettre en oeuvre des conditions d' apprentissage sans qu' il y ait nécessairement apprentissage des élèves . Les recherches de type processus-produit ont favorisé la construction de l' image du « bon enseignant » et de la « bonne méthode d' enseignement » . Les recherches relatives à la pédagogie expérimentale et à la psychopédagogie ont grandement participé à « classer » , « catégoriser » des pratiques d' enseignement selon des indicateurs d' efficacité . Or , il est maintenant admis que les pratiques d' enseignement efficaces ne peuvent se réduire à des « profils » ou des « portraits » fixistes . Il existe , au sein des pratiques enseignantes , des variabilités de modalités d' action inter-individuelles et intra-individuelles ( Crahay , 1989 ; Bayer , 1986 ; Bru , 1991 ) fortement influencées par différents niveaux de contextes ( sociaux , temporels , relationnels , disciplinaires , institutionnels , etc. ) . Ces variabilités constatées montrent qu' il est réducteur de « caricaturer » la pratique d' un enseignant à travers l' usage de termes trop généraux et stéréotypés de type binaire ( Bru , 2003 ) : enseignant efficace / non efficace ; enseignement traditionnel / enseignement non traditionnel ; pédagogie autostructurée / hétérostructurée , etc . Les recherches de type processus-produit se sont principalement attachées à décrire les relations entre les comportements de l' enseignant en classe et l' apprentissage des élèves sans expliquer les processus organisateurs de ces relations . Ainsi , comme l' indique Bayer ( 1986 ) , « ces recherches postulèrent , ne serait -ce qu' implicitement , comme une égalité de nature entre comportements et processus d' enseignement » ( p. 486 ) . L' étude des pratiques d' enseignement ne doit pas se contenter d' analyser l' action enseignante avec une visée comportementaliste , comme le faisait naguère le béhaviorisme pour expliquer les phénomènes d' apprentissage . Elle doit tenter de théoriser les pratiques d' enseignement en inférant les différents processus organisateurs des modalités d' action de l' enseignant observées ou / et déclarées en situation de classe . De récentes études en France ont montré l' existence d' un effet maître non négligeable dans l' explication de la variance des résultats scolaires des élèves du primaire et secondaire ( Bressoux , 1994 , Duru-Bellat , 2002 ) . Elles montrent que cet effet se situe à hauteur de 10 à 15 % de la variance expliquée . A l' inverse , l' effet-école est plus faible ( autour de 6 % de la variance expliquée ) . Ces faits montrent que les activités des enseignants en classe ne sont pas sans influence sur l' apprentissage des élèves . Néanmoins , aujourd'hui , nous sommes loin d' expliquer les raisons de cet effet-maître , comment il se produit et les conditions favorables ou défavorables à sa réalisation ( Bru et al. , 2004 ) . Pour comprendre et expliquer les effets des pratiques d' enseignement , il est nécessaire de mieux connaître les processus organisateurs de ces pratiques . C' est la raison pour laquelle notre orientation de recherche vise d' abord à décrire , comprendre et expliquer les pratiques d' enseignement plutôt que d' identifier les pratiques d' enseignement efficaces . 3 - Le modèle du système des pratiques d' enseignement 3.1 - Le modèle des interactions en contexte Afin de rompre avec le modèle relatif aux recherches de type processus-produit , Bru ( 1987 , 1991 ) propose le modèle théorique des interactions en contexte . L' auteur fait référence à l' approche systémique : « le système enseignement-apprentissage se présente comme un ensemble de sous-systèmes qui entretiennent entre eux et avec leur environnement de multiples échanges. » ( p. 51 ) . Bru considère ainsi que le système d' enseignement & 226;& 128;& 147; apprentissage est composé de trois sous-systèmes : le sous-système de sélection des modalités didactiques , le sous-système de réalisation des démarches didactiques en situation concrète et le sous-système des acquisitions et production de connaissances nouvelles . Les deux premiers sous-systèmes correspondent au système d' enseignement , ils prennent en compte les modalités de planifications et de réalisations des actions enseignantes en situation d' enseignement . Le troisième sous-système correspond au système d' apprentissage puisqu' il prend en compte les acquisitions des apprenants . Ces trois sous-systèmes ont la particularité d' avoir une autonomie structurale et fonctionnelle relativement autonome . Contrairement au modèle processus-produit , le modèle proposé par Bru : permet de distinguer clairement les deux processus que sont l' enseignement et l' apprentissage permet de concevoir les pratiques d' enseignement comme des objets « mobiles » et évolutifs dans le temps . Pour ce faire , l' auteur distingue théoriquement les effets de système , c' est-à-dire l' auto-organisation des éléments à l' intérieur de chaque sous-système , et les effets de contexte , c' est-à-dire les éléments de l' environnement des systèmes qui influencent leur organisation interne . Les éléments du système d' enseignement sont relatifs aux variables et modalités d' action didactiques et pédagogiques choisies et mises en oeuvre par l' enseignant en situation d' interactions avec les élèves . Les éléments du système d' apprentissage sont relatifs aux conduites des élèves . Le modèle théorique proposé par Bru est un instrument conceptuel et méthodologique pertinent pour décrire , de manière heuristique , la variation et l' interdépendance des variables didactiques et pédagogiques planifiées et mises en oeuvre par les enseignants en situation de classe . Il permet de ne pas réduire la pratique d' enseignement à la planification réalisée par l' enseignant ou bien à la situation " ici et maintenant " . Nous détaillerons ci-dessous en quoi ce modèle théorique peut être utile pour les recherches s' intéressant aux pratiques d' enseignement . Marcel ( 2002 ) et Clanet ( 1997 ) le développeront en se centrant principalement sur les processus d' enseignement . Ils se focaliseront plus spécifiquement sur l' acteur enseignant ( ses dimensions psychologiques et sociologiques ) et sur les processus d' interactions entre l' enseignant et les élèves . 3.2 - La pratique d' enseignement : une configuration de modalités d' action au temps « t » Dans le cadre de son modèle théorique , Bru ( 1991 ) propose d' opérationnaliser le système d' enseignement à partir d' une liste de variables d' action didactique et pédagogique qui « peuvent être modifiées par l' enseignant en fonction de son appréciation du contexte général et particulier » . Les variables d' action peuvent générer , selon les contextes d' actualisation , des modalités d' action effectives différentes . Ces variables d' action et leurs modalités ne sont pas juxtaposées et n' agissent pas séparément ( Bru et al , 2004 ) . Elles sont interdépendantes et forment , ce que Bru ( 2002 ) appelle , une configuration de modalités d' action au temps « t » . Cette manière d' appréhender la pratique d' enseignement permet d' identifier les configurations dominantes des pratiques chez plusieurs ou même enseignants ( les modalités d' action qui ont les fréquences d' apparition les plus élevées ) ainsi que la variation , dans le temps , de ces configurations ( les modalités d' action qui varient fréquemment et celles , à l' inverse , qui ont tendance à se stabiliser ) . Dans le cadre d' une recherche longitudinale , Altet et al ( 1994 ) ont décrit la variété des pratiques d' enseignement à l' école élémentaire à partir de l' observation de plusieurs variables relatives à l' organisation pédagogique générale ( organisation temporelle , modalités de groupement des élèves , mobilité des élèves en classe ) , à la gestion des situations et des relations en classe ( conditions d' énonciation des consignes , incitations adressées aux élèves , modalités d' évaluation des élèves ) et aux interactions verbales entre le maître et les élèves . A partir de cette méthodologie , les auteurs ont pu ainsi mettre en évidence la variabilité inter-individuelle et intra-individuelle des pratiques des enseignants comme , à l' inverse , la stabilité relative , dans le temps , de certaines modalités d' action enseignante . Ces résultats ont montré , à l' évidence , qu' il était difficile de définir sur une durée plus ou moins longue les pratiques d' un enseignant ou de plusieurs enseignants à partir d' une méthode d' enseignement , d' un profil ou d' un portrait d' enseignant . Les configurations de modalités d' action didactique et pédagogique étudiées à un temps « t » peuvent être déclarées par l' enseignant ( l' enseignant , à partir d' une liste de variables d' action proposées , choisit les modalités d' action qu' il mettrait en oeuvre dans telle ou telle situation d' enseignement ) ou bien observées par le chercheur ( à partir d' une grille d' observation où figurent les modalités d' action possibles ) . Cette double lecture de la pratique permet d' identifier les différences / ressemblances entre les configurations déclarées et celles effectivement réalisées en situation d' enseignement ( Lefeuvre , 2005 ) . Nous y reviendrons un peu plus tard dans cette partie . 3.3 - La notion de contextualisation La contextualisation désigne le processus dynamique et interactif selon lequel tout contexte est susceptible d' influencer les modalités d' action des acteurs et à l' inverse toutes les modalités d' action sont susceptibles d' influencer le contexte dans lequel elles s' actualisent ( Bru , 2002 ; Marcel , 2002 ) . Dans le cadre de la pratique d' enseignement , la contextualisation signifie le processus constructif entre l' action enseignante et les niveaux de contexte avec lesquels elle interagit ( contexte spatial , social , temporel , relationnel , historique , cognitif , etc. ) . Pour illustrer ce processus , nous pouvons prendre l' exemple d' un enseignant qui souhaite mettre en place une modalité d' action pédagogique spécifique pour , selon lui , favoriser les conditions d' apprentissage des élèves : la mise en place de groupes d' élèves de niveaux hétérogènes . Le choix de cette modalité d' action va être confronté au contexte de la classe ( configuration matérielle et spatiale de la classe , nombre d' élèves , niveaux cognitifs des élèves , degré d' affinité entre les élèves , comportement des élèves au temps « t » , etc. ) et plus largement au contexte de l' école ( espaces disponibles en dehors de la classe , matériel pédagogique dans l' école , possibilité ou non d' envoyer des élèves perturbateurs dans d' autres classes , etc. ) . A l' inverse , on peut imaginer que la mise en place régulière de groupes d' élèves de niveaux hétérogènes influence à moyen ou long terme l' organisation du contexte de la classe ( aménagement des tables de la classe en îlots , évolution des interrelations affectives entre les élèves et du niveau cognitif des élèves , etc. ) . Les processus de contextualisation sont déterminants dans l' explication de la configuration des pratiques d' enseignement . Clanet ( 1997 ) , Maurice ( 2005 ) , Maurice et Allègre ( 2002 ) , Altet et al ( 1994 ) ont par exemple montré que les modalités d' interactions enseignant-élèves , la tâche prescrite et la temporalité étaient des variables explicatives importantes de la configuration des modalités d' action observées en situation de classe . Ces auteurs mettent ainsi en doute le fait d' expliquer les pratiques d' enseignement uniquement à partir de variables de présage de l' enseignant et/ou de l' élève ( sexe , origine socio-culturelle , etc. ) . Comme l' indique Clanet ( 1997 ) , les jeux de variables liés à l' enseignement-apprentissage construisent « une bonne part de leur identité dans la spécificité du contexte dans lequel elles se réalisent » ( p. 260 ) . Selon les contextes d' actualisation , les configurations de modalités d' action pédagogique et didactique mises en oeuvre par les enseignants diffèrent . Dans la continuité du modèle des interactions en contexte proposé par Bru , le concept de contextualisation permet , entre autres , de rejeter l' illusion d' une invariance dans le temps des pratiques d' enseignement ( chez le même ou plusieurs enseignants ) . La contextualisation de la pratique ne se réduit néanmoins pas à l' influence de la situation « ici et maintenant » ( rejet du situationnisme ) . Nous l' avons vu précédemment , certaines modalités d' action peuvent avoir un niveau de variabilité faible ( inter et intra-enseignant ) dans le temps . Ces modalités résisteraient ainsi à l' effet de la variation des situations « ici et maintenant » . Altet et al ( 1994 ) ont par exemple montré , à partir de l' observation de 31 classes de CE2 pendant deux semaines , que les enseignants exerçaient majoritairement un enseignement de type frontal avec le groupe-classe ( plutôt qu' un enseignement favorisant le travail en groupe d' élèves ou bien le travail individuel ) et que la majorité des interactions maître-élèves étaient à l' initiative du maître ( 60 % ) . Ces modalités d' action pédagogiques inter-individuelle relativement stables ne sont ni caractéristiques de la personnalité des enseignants , ni d' un effet-matière , ni de la situation « ici et maintenant » . Elles seraient plutôt influencées par plusieurs niveaux de contexte qui dépassent la situation « ici et maintenant » ( contexte socio-historico-institutionnel ) . Si nous postulons que les configurations des pratiques d' enseignement étudiées au temps « t » ne sont pas liées à l' effet du hasard , il est donc nécessaire de les expliquer , c' est-à-dire d' identifier les organisateurs de ces configurations et leur évolution dans le temps . Afin de mieux connaître ces organisateurs , Bru ( 2002 ) propose d' examiner les processus de contextualisation selon trois axes : La contextualisation interne pour chaque configuration de pratique : c' est le jeu des différentes modalités d' action pédagogique et didactique mises en oeuvre en situation de classe . Ces modalités , sans que l' enseignant en ait forcément conscience , sont interdépendantes : la modification , au temps « t » , d' une modalité d' action ( le travail de groupe par exemple ) va modifier la configuration générale des autres modalités d' action de l' enseignant ( modalités d' interactions avec les élèves , etc. ) . La contextualisation temporelle ( inter-configurations ) de la pratique : la pratique d' enseignement s' inscrit sur un axe de temporalité . La configuration d' une pratique au temps « t » s' organise à partir des configurations passées ( événements passés ) et futures ( projets d' action ) . La contextualisation environnementale : les configurations des pratiques d' enseignement sont dépendantes des éléments de l' environnement proche ou lointain de la situation de classe . Le contexte institutionnel ( les directives ministérielles , le projet pédagogique de l' école , le règlement intérieur , les directives du conseil d' école , etc. ) , le contexte spatial et temporel de l' école , le contexte culturel de l' école ( les valeurs dominantes de l' équipe pédagogique ) , le contexte social et relationnel de l' école ( les origines socioprofessionnelles des élèves et enseignants , le rapport enseignants-parents , etc. ) . Ces trois processus de contextualisation seraient des organisateurs de la configuration des pratiques d' enseignement . Ils permettent de proposer des hypothèses explicatives , relativement heuristiques , relatives au fonctionnement et à l' organisation des pratiques d' enseignement . Néanmoins , nous pouvons regretter l' absence de l' identification des processus cognitifs et socio-cognitifs de l' enseignant dans ces trois axes même si , selon Bru , ils sont sous-entendus : « si l' enseignant n' exerce pas un contrôle souverain sur les processus de contextualisation qui viennent d' être évoqués , il y participe ( pas toujours forcément de façon consciente et délibérée ) par l' activité cognitive qu' il déploie. » ( p. 9 ) . C' est la raison pour laquelle nous proposons ci-dessous le modèle triadique de la pratique d' enseignement . 3.4 - Le modèle triadique de la pratique d' enseignement Nous définirons la pratique d' enseignement comme un système composé de trois éléments en interaction : les facteurs personnels de l' enseignant , l' environnement dans lequel ce dernier agit et la configuration des modalités d' action réalisées à un temps « t » . Ces trois éléments sont des déterminants de la pratique d' enseignement . Cette définition s' appuie , entre autres , sur la théorie sociocognitive proposée par Bandura ( Bandura , 1976 ; Carré , 2004 ) . Ce dernier décrit l' activité du sujet à partir d' un modèle triadique semblable où interagissent les facteurs personnels du sujet , ses comportements et l' environnement dans lequel il agit . Les ressources cognitives et affectives concernent l' ensemble des évènements ( personnels et professionnels ) vécus au plan cognitif ( représentations , schèmes d' action , etc. ) et affectif ( sentiment d' efficacité personnelle , etc. ) , conscientisés et non-conscientisés . Les configurations des modalités d' action décrivent les « patterns » d' action effectivement réalisés par l' enseignant en situation . L' environnement représente l' ensemble des propriétés de l' environnement ( social , organisationnel , temporel , cognitif , culturel , relationnel , institutionnel , etc. ) , les contraintes qu' il impose ainsi que les ressources qu' il offre à l' enseignant pour agir . Schéma 2 - Les éléments de la pratique d' enseignement Ce modèle triadique de la pratique d' enseignement permet d' éviter de réduire la pratique à des comportements stimulés par les éléments de l' environnement ( vision comportementaliste ) , comme à l' inverse de réduire la pratique à des comportements déterminés par des caractéristiques personnelles , innées ou acquises , de l' enseignant ( vision mentaliste ) . Les trois éléments interviennent de manière permanente selon des degrés d' importance plus ou moins variables en fonction des situations d' enseignement rencontrées par l' enseignant . 3.5 - Rendre compte de la pratique à partir d' une double lecture de l' action Nous l' avons vu précédemment , la pratique d' enseignement est influencée par trois éléments interdépendants : la configuration des modalités d' action réalisées par l' enseignant au temps « t » , les ressources cognitives et affectives de l' enseignant , et l' environnement dans lequel s' actualise l' action enseignante . Pour identifier ces éléments , le chercheur peut articuler une double lecture de l' action enseignante ( Marcel , 2002 ) : une lecture extrinsèque privilégiant les comportements observables et une lecture intrinsèque privilégiant les significations construites et mobilisées consciemment par l' enseignant . Cette méthodologie correspond à l' orientation théorique présentée précédemment qui pourrait se formuler ( en simplifiant ) de la façon suivante : en situation d' enseignement , l' enseignant n' est ni le produit de structures cognitives ou sociales sous-jacentes , tel un automate , dont seul le chercheur connaîtrait les secrets , ni seulement un sujet souverain conscient de toutes les raisons efficientes et finales de ses actes en situation . Pour reprendre les termes de Bru ( 2002 ) , nous dirons que la pratique enseignante est à la fois contextualisée et contextualisante , les formes de contextes que rencontre l' enseignant contribuent à la construction de ses ressources cognitives et affectives comme , à l' inverse , la mobilisation de ces dernières participe à transformer les contextes de l' action . Dans ce cadre , les pratiques d' enseignement peuvent être définies comme des configurations de modalités d' action pédagogique et didactique organisées par des logiques d' action conscientisées ( pour certaines ) et non conscientisées ( pour d' autres ) par l' enseignant . 3.5.1 Eviter deux types de réduction épistémologique de l' action Notre manière d' appréhender la pratique enseignante a pour but d' éviter deux types de réductionnisme épistémologique que nous pouvons illustrer à travers l' exemple des philosophies de l' action sociale . Le premier est de concevoir la pratique comme un ensemble d' actions , majoritairement non conscientisées , déterminé par la position sociale des individus et leur trajectoire sociobiographique . Dans ce type de logiques d' action , les individus ne sont pas considérés comme des « acteurs » ou bien des « auteurs » de leurs pratiques qui joueraient consciemment un rôle afin de faire « bonne figure » dans des situations sociales particulières ( Goffman , 1991 ) ou bien qui agiraient de manière stratégique selon la logique moyen / fin ( Boudon , 2003 ) . Ils sont au contraire des « agents » qui auraient pour fonction de ( re ) produire les enjeux ( dominants ou dominés ) des champs sociaux dans lesquels ils s' investissent ou bien plus largement les valeurs dominantes de la société . Cette vision déterministe de la pratique s' inscrit dans une tradition philosophique et sociologique illustrée dans certaines oeuvres comme celles de Marx ( Lefebvre , 1966 ) , de Durkheim ( 1893 , 1895 ) , de Parsons ( 1955 ) , puis plus récemment de Bourdieu ( 1980 , 1994 ) . Pour reprendre les termes de ce dernier , les individus seraient dotés d' un « sens pratique » qui leur permettrait , dans la majorité des situations , d' agir en faisant l' économie d' une réflexivité sur leur action , d' une anticipation contrôlée des conséquences de leur action . Ce « sens pratique » serait généré par un système de dispositions ( cognitives et affectives ) intériorisées par les individus ( « l' habitus » ) dans et par leurs différentes socialisations primaires et secondaires ( famille , école , travail , loisirs , etc. ) . Dans ce type de philosophie de l' action sociale , l' analyse des pratiques doit faire l' objet d' un travail de rupture ( de la part du chercheur ) avec les discours de « sens commun » sur les pratiques . L' explication des pratiques ( les raisons d' agir comme les comportements observés des individus ) doit prendre en compte prioritairement les éléments du contexte social ( et l' historicité de ces éléments ) dans lequel agissent les individus ainsi que leur position sociale ( au sein de ce contexte ) et leur trajectoire sociobiographique . Une autre philosophie de l' action sociale s' oppose à celle précédemment évoquée . Elle s' illustre , entre autres , dans les sociologies compréhensives de l' action ( Weber , 1965 ; Dubet , 1994 ; Schütz , 1988 , Kauffman , 2004 ) . Les pratiques des individus sont expliquées à partir de leur subjectivité et de leur réflexivité sur l' action . Ces sociologies partent du postulat que l' individu n' est pas un « idiot culturel » ( Garfinkel cité par Coulon , 1987 ) . Ses pratiques ne sont pas le produit de déterminants sociaux dont il n' aurait pas la maîtrise et la connaissance . L' individu a une réelle capacité de réflexion sur son action [ 5 ] , de retour subjectif sur son action , qui lui permet d' anticiper ses actes et d' établir des plans stratégiques qui guideront sa pratique ( sa pensée et ses comportements ) . Cette philosophie de l' action rejoint la théorie de l' agentivité proposée par Bandura ( 2003 ) , la capacité de l' individu à influer intentionnellement sur le cours de sa vie et de ses actions . Selon l' auteur , les individus sont considérés « comme des agents auto-organisateurs , autoréfléchis et autorégulés , constamment en train de négocier leurs actions , leurs affects et leurs projets avec les différentes facettes de leur environnement. » ( Carré , 2004 , p . 18 ) . Dans ce type de philosophie de l' action , l' analyse des pratiques prend prioritairement en compte les significations individuelles et collectives des individus ( leurs raisons d' agir et leurs affects ) afin de mieux comprendre et expliquer leurs logiques d' action . Nous avons conscience que la présentation de ces deux types de philosophie de l' action sociale est quelque peu caricaturale et non exhaustive mais elle permet de baliser notre orientation épistémologique de la pratique d' enseignement en rejetant certaines conceptions de l' action : celles qui subordonnent exclusivement l' action du sujet à son contexte environnemental ( en privilégiant une analyse « objective » de l' action à partir d' éléments non conscientisés par le sujet ) puis celles qui , à l' inverse , subordonnent exclusivement l' action du sujet à ses capacités d' auto-regulation et de réflexivité ( en privilégiant une analyse « subjective » de l' action à partir d' éléments conscientisés par le sujet ) . Nous pensons qu' il apparaît nécessaire de dépasser ces deux conceptions de l' action en articulant , dans l' étude des pratiques d' enseignement , une double lecture ( subjective et objective ) non hiérarchisée du contexte de l' action de l' enseignant : celle du chercheur puis celle de l' enseignant 3.5.2 Articuler la lecture du chercheur et celle de l' enseignant pour mieux décrire , comprendre et expliquer la pratique d' enseignement Dans le cadre de l' étude des pratiques d' enseignement , il nous semble important de ne pas réduire l' analyse de la pratique à partir d' un seul schème d' intelligibilité de l' action [ 6 ] ( Berthelot , 1990 ) . En fonction des situations d' enseignement analysées , les processus qui participent à l' organisation des pratiques enseignantes agissent selon des degrés d' importance plus ou moins variables . Dans certaines situations , les processus sociaux et culturels sont déterminants dans l' organisation de la pratique de l' enseignant sans que ce dernier en ait forcément conscience . Dans d' autres situations , ce sont les processus cognitifs relatifs à la planification conscientisée de l' action qui y contribuent de manière importante . C' est la raison pour laquelle , il apparaît nécessaire d' étudier les pratiques d' enseignement en prenant en compte le contexte de l' action construit par l' enseignant puis celui construit par le chercheur . L' articulation de ces deux contextes de l' action analysés a pour objectif d' obtenir une meilleure intelligibilité du fonctionnement des pratiques d' enseignement . Dans ces conditions , la connaissance de la pratique d' enseignement ne saurait se limiter à une lecture extrinsèque de la pratique privilégiant l' utilisation d' outils de collecte des données telles que les grilles d' observation ( Postic , 1977 ) . Il est également nécessaire de prendre en compte la dimension du sujet-enseignant afin d' inférer les significations des actions mobilisées en situation . Pour ce faire , le chercheur peut articuler avec la lecture extrinsèque une lecture intrinsèque de la pratique d' enseignement en utilisant des outils tels que le questionnaire , l' entretien d' explicitation , l' entretien d' autoconfrontation croisé , etc . Le schéma ci-dessous ( adapté des travaux de Marcel , 2002 ) montre que l' on peut opérationnaliser une lecture intrinsèque et extrinsèque de la pratique à partir des déclarations de l' enseignant sur ses pratiques d' enseignement ainsi qu' à partir des observations effectuées sur ces mêmes pratiques . Cette double lecture a pour objectif d' inférer les éléments conscientisés et non-conscientisés par l' enseignant qui participent à l' organisation de sa pratique d' enseignement . Les éléments conscientisés représentent l' ensemble des phénomènes de la pratique d' enseignement , ainsi que les relations entre ces phénomènes , dont l' enseignant a conscience . Dans ce cadre , nous postulons que l' enseignant est capable de donner , à travers la médiation du langage , des significations raisonnables et explicites de ses actions mobilisées en situation d' enseignement ( Jorro , 2005 ) . Nous postulons , par ailleurs , que le chercheur est capable de comprendre et de reconstruire la typologie des significations données par l' enseignant [ 7 ] . Selon Schutz ( 1998 ) , c' est à partir des motifs " parce que " ( les causes efficientes de l' action ) et des motifs " ' en vue de " ( les finalités de l' action ) que l' on peut repérer , chez les individus , les catégories typiques ( passées et futures ) de perception et d' évaluation qui participent à organiser leur action . Au niveau opératoire , le chercheur peut par exemple mettre en oeuvre des entretiens d' autoconfrontation ( l' enseignant est confronté au visionnage de sa séance d' enseignement réalisée ) ou bien des entretiens a posteriori ( le chercheur effectue une entrevue avec l' enseignant après avoir observé la séance d' enseignement ) afin de confronter l' enseignant à ses propres pratiques et , ainsi , de l' interroger sur ses motifs d' action . C' est dans le cadre de ces éléments conscientisés de l' action qu' il peut exister une correspondance et une articulation entre les déclarations sur les pratiques et les observations effectuées , les premières pouvant expliquer les secondes . Dans l' ouvrage " Bonnes Raisons " de Boudon ( 2003 ) , l' auteur indique que le type de rationalité ( instrumentale , axiologique et cognitive ) verbalisé par l' individu a une validité explicative suffisante pour construire une connaissance de l' action . schéma 3 - La double lecture de la pratique d' enseignement Les éléments non conscientisés , quant à eux , renvoient aux processus organisateurs de la pratique dont les individus n' ont pas une conscience explicite . Dans le cadre de l' analyse des pratiques professionnelles , tout un champ de recherches ( Marcel et al , 2002 ) s' intéresse aux processus sociocognitifs ( les études portant par exemple sur les représentations sociales et professionnelles ) , sociohistoriques ( les études sur la genèse des champs sociaux et culturels qui structurent les représentations et comportements des individus ) et cognitifs ( l' identification des schèmes de perception , d' évaluation et d' action ) qui organisent les configurations des actes observés et déclarés des individus , sans que ces derniers en aient nécessairement conscience . Ces recherches s' inscrivent dans des paradigmes disciplinaires variés : psychologie cognitive , psychologie sociale , ergonomie , sociologie de l' action , sciences du langage , histoire , etc. Le dénominateur commun des recherches s' intéressant aux éléments non conscientisés de l' action est l' utilisation de méthodes permettant d' identifier les processus organisateurs des pratiques . Ces méthodes sont ordinairement des analyses quantitatives favorisant le repérage d' indicateurs de covariation , de cooccurrence de phénomènes ou bien l' identification de facteurs organisateurs à l' aide , par exemple , des analyses multidimensionnelles . La double lecture de la pratique d' enseignement est inférée , en dernier ressort , par le chercheur . Ce dernier , à travers sa propre théorisation , interprète les éléments conscientisés de l' action en construisant des catégories de raisons d' agir à partir des données déclarées ( par l' enseignant ) sur la pratique d' enseignement . Il peut ensuite les articuler avec les inférences effectuées à partir des analyses de résultats obtenus sur les données relatives à l' observation de la pratique ( afin de mettre en évidence les éléments non conscientisés de l' action ) . 4 - Synthèse du chapitre 1 Dans le champ des Sciences de l' Education , deux paradigmes de recherche peuvent être identifiés dans l' étude du système d' enseignement-apprentissage ( Marcel et al , 2002 ) . Les recherches dont la visée est clairement de transformer et de faire évoluer les pratiques d' enseignement . Puis , d' autres recherches qui visent à produire de la connaissance sur la pratique , dans une perspective heuristique traditionnelle . Les recherches dont la finalité est d' atteindre l' efficacité des pratiques d' enseignement ont , à n' en pas douter , suscité un intérêt socialement reconnu ; « l' importance de l' investissement humain et matériel en matière de scolarisation , le projet d' élever le niveau de formation de base , la volonté de faire en sorte d' apporter à chacun les meilleurs moyens de progresser et se réaliser justifient certainement la reconnaissance accordée aux travaux sur l' efficacité d' enseignement. » ( Bru , 2002 , p . 2 ) . Néanmoins , ces recherches sont confrontées à un certain nombre de critiques aussi bien sur le plan épistémologique que théorique et méthodologique : - Les relations empiriques constatées entre les modalités d' enseignement et les résultats scolaires des élèves ne donnent aucune explication sur les processus organisateurs de ces relations . Indiquer par exemple que les enseignants efficaces sont ceux qui créent un climat de classe favorable ( Safty , 1993 ) ne nous dit rien sur la façon dont ces enseignants y arrivent en fonction de leur contexte professionnel . - L' identification de relations statistiques entre des variables d' enseignement et les résultats scolaires permet difficilement de généraliser ces relations dans d' autres contextes d' enseignement . La validité externe des recherches de type processus-produit est limitée puisqu' elles fournissent peu d' indications sur les conditions d' application des modalités d' enseignement jugées efficaces . - Un certain nombre de travaux ont montré l' existence d' un effet-maître dans les résultats scolaires des élèves , à partir de plusieurs variables et selon des procédures statistiques spécifiques ( modèles de régression ) . Néanmoins , il serait intéressant à l' avenir d' expliquer et de comprendre d' où vient cet effet-maître : quelles sont les configurations de variables d' action didactique et pédagogique mises en oeuvre par les enseignants qui favorisent cet effet-maître ? Et , surtout , quels sont les processus organisateurs de ces configurations constatées ? Même si les modèles théoriques destinés « directement » à la pratique d' enseignement ( modèles « pour » la pratique ) peuvent présenter un intérêt pour la formation initiale et continue des enseignants , permettant de guider et d' orienter leur action , il n' en reste pas moins , qu' ils ne « peuvent en même temps remplir pleinement des fonctions de description , d' explication ou de compréhension de la pratique enseignante » ( Bru , 2002 , p . 7 ) . Nous proposons , dans le cadre de cette recherche , de participer à la production de connaissances sur la pratique d' enseignement dans une perspective heuristique plutôt que normative . Notre objectif ne sera pas seulement de collecter des données factuelles et d' établir des relations empiriques mais d' effectuer également un travail de théorisation de la pratique d' enseignement . Avant de présenter la problématique de recherche , nous proposons une définition générale de la pratique d' enseignement qui orientera notre manière d' appréhender le travail enseignant en situation de classe . La pratique d' enseignement peut être définie comme un système où interagissent trois éléments interdépendants : les ressources cognitives et affectives de l' enseignant acquises à travers sa trajectoire personnelle et professionnelle , la configuration des modalités d' action didactique et pédagogique mises en oeuvre par l' enseignant avec les élèves et , enfin , l' environnement dans lequel ces modalités d' action sont réalisées . Ce système de la pratique d' enseignement peut être appréhendé à partir d' une double lecture de l' action enseignante : une lecture extrinsèque privilégiant la lecture du contexte d' enseignement par l' observateur et une lecture intrinsèque privilégiant la lecture du contexte d' enseignement par l' enseignant lui-même . Cette double lecture a pour but d' améliorer l' intelligibilité de la pratique d' enseignement . Elle permet d' une part de distinguer les déclarations sur la pratique d' enseignement et l' observation de la pratique effectivement réalisée en classe , puis , d' autre part , d' identifier et d' articuler les éléments conscientisés et non conscientisés par l' enseignant , qui participent à organiser cette pratique . Chapitre 2 Problématique générale de recherche 1 - Des pratiques d' enseignement aux pratiques enseignantes 1.1 - Les pratiques professionnelles des enseignants ne se réduisent pas aux pratiques d' enseignement A l' école primaire , les pratiques d' enseignement ont fait l' objet de nombreux travaux scientifiques . Marcel et al ( 2002 ) ont identifié plusieurs paradigmes de recherche qui se sont intéressés , depuis ces dernières années , aux pratiques d' enseignement . Néanmoins , beaucoup moins de travaux se sont intéressés aux pratiques des enseignants en dehors de la classe . Le fait que les chercheurs en sciences humaines se soient principalement centrés , ces dernières décennies , sur le travail enseignant en situation de classe ( généralement dans une visée normative et instrumentale ) peut s' expliquer par la faible variété des tâches professionnelles prescrites et effectives des enseignants au sein des établissements scolaires , que ce soit en France ou ailleurs : « pendant très longtemps , l' école nord-américaine a reposé principalement & 226;& 128;& 147; pour ne pas dire uniquement & 226;& 128;& 147; sur le travail des enseignants dont la tâche centrale et souvent exclusive consistait à entrer dans une classe et y travailler la journée durant avec un groupe d' élèves . » ( Tardif et Levasseur , 2004 ) . Aujourd'hui , force est de constater à l' inverse une diversité croissante des tâches professionnelles des enseignants , au primaire comme au secondaire ( Tardif et Lessard , 1999 ; Marcel , 2002 ; Barrère , 2002 , Maroy , 2005 ; Lebeaume et Magneron , 2004 ; Lebeaume , 2005 ) . Ces derniers doivent dorénavant prendre en charge des tâches d' enseignement mais également des tâches de collaboration et de travail collectif avec plusieurs autres acteurs professionnels présents dans l' établissement scolaire . Cette diversité de tâches professionnelles est due , entre autres , à la mise en place de nouveaux moyens et de nouvelles prescriptions institutionnelles dans les écoles primaires depuis la loi d' orientation scolaire française de 1989 : La mise à disposition d' aide-éducateur et d' assistants d' éducation a favorisé le travail en partenariat des enseignants ( Piot , 2003 ) . La création des RASED [ 8 ] a engendré l' établissement d' un dialogue instutionnalisé entre l' équipe intervenante du RASED ( enseignants spécialisés et psychologues scolaires ) et les enseignants , ce dialogue s' effectuant généralement durant des moments formalisés ( conseils de cycle , des maîtres , réunions de bilan des suivis des élèves , etc. ) mais aussi durant les moments plus informels . L' obligation de construire un « projet d' école » . Ce dernier , à l' issue d' un travail collectif entre les acteurs enseignants et non-enseignants , a pour fonction d' identifier les besoins locaux et de mettre en oeuvre des actions stratégiques afin d' adapter les prescriptions institutionnelles à ces besoins . La création des cycles d' apprentissage ( cycle 2 et cycle 3 ) poussent les enseignants à travailler en équipe afin de mettre en place une cohérence dans les curriculum , de construire une logique d' ensemble au niveau des conditions d' apprentissage qui dépasse l' année scolaire . L' institutionnalisation des « conseils d' école » a amplifié le travail en partenariat des enseignants avec les parents élus , le personnel municipal ( personnel de cantine , d' entretien des locaux , etc. ) et , dans certaines occasions , le personnel associatif ( personnel des CLAE [ 9 ] par exemple ) . Les parents d' élèves ont ainsi la légitimé de participer aux décisions d' ordre pédagogique relatives au fonctionnement de la vie scolaire dans l' école . Le ministère de l' Education Nationale a officialisé et reconnu les pratiques collectives des enseignants du primaire hors de la classe en délivrant une heure hebdomadaire obligatoire ( appelée la « 27ième heure » ) consacrée à la concertation sous diverses formes : conseils de cycle , conseils des maîtres et conseils d' école . Les contrats éducatifs locaux ( CEL ) sont nés avec la circulaire interministérielle du 9 juillet 1998 , qui affirme la volonté d' appréhender l' éducation des jeunes dans sa totalité . Ces contrats ont été mis en place pour mettre en cohérence tous les temps , scolaires , péri et extra scolaires . Il s' agit d' aborder l' éducation dans sa globalité , avec l' ensemble des partenaires concernés par ce qui est désormais défini comme une mission partagée : familles , Etat , et en particulier les enseignants , milieu associatif , collectivités locales , pour parvenir à une réelle continuité éducative . Ces nouvelles prescriptions institutionnelles illustrent , depuis quelques années , l' évolution du métier d' enseignant au primaire dont nous pouvons identifier deux caractéristiques générales : Une plus grande autonomie donnée au collectif d' enseignants dans les écoles primaire : la massification scolaire ( le recul de l' âge scolaire obligatoire ) associée à l' augmentation de l' hétérogénéité sociale et culturelle de la population des élèves ont poussé les pouvoirs publics à décentraliser certaines compétences décisionnelles au niveau des écoles . Cette décentralisation a pour but d' adapter plus efficacement les prescriptions institutionnelles ( le programme scolaire par exemple ) au niveau local ( Piot , 2004 ; Tardif , 2004 , Jellab , 2004 ) . Des espaces de travail collectif sont ainsi créés et légitimés par l' institution afin de favoriser le travail de coordination des acteurs de l' école et leur responsabilisation dans la résolution de problèmes locaux ( difficultés scolaires des élèves , difficultés liées à la gestion de la discipline dans et hors de la classe , etc. ) . Une rationalisation et division du travail plus accrue au sein des écoles : la démocratisation scolaire , engendrée , entre autres , par l' augmentation du niveau d' âge scolaire obligatoire , a favorisé l' arrivée de nouveaux acteurs spécialisés au côté des enseignants afin d' aider les élèves déclarés en difficulté scolaire . Ainsi , « on constate une externalisation du traitement des difficultés scolaires en dehors de la classe et même en dehors du champ scolaire » ( Piot , 2004 , p . 22 ) . Les membres du RASED en France sont des enseignants spécialisés dont la fonction est de mettre en place des outils de médiation pour éviter le « décrochage » scolaire de certains élèves . A cela s' ajoute l' ensemble des intervenants « spécialisés » qui interviennent en classe avec ( ou sans ) les enseignants dans les domaines culturels , sportifs et préventifs durant l' année scolaire . L' arrivée massive de ces intervenants peut s' expliquer par l' évolution des finalités de l' école qui ne se réduisent plus uniquement à l' instruction des élèves mais également à leur éducation au sens large ( Tardif et Levasseur , 2004 ) . L' intégration de ces différents acteurs dans l' école a favorisé la multiplication des postes , la parcellisation , la rationalisation et la division interne des tâches professionnelles centrées sur l' éducation scolaire des élèves ( Tardif et Lessard , 1999 ) . 1.2 - Le travail enseignant : un système de pratiques professionnelles Nous l' avons vu ci-dessus , le travail enseignant au quotidien ne se réduit pas aux situations d' interactions avec les élèves en classe . Le travail enseignant est un objet d' étude complexe qui met en relation plusieurs processus interdépendants relevant de plusieurs niveaux ( non hiérarchisés ) de contextes avec lesquels interagit l' enseignant . Ainsi , il est difficile d' envisager de manière théorique le travail enseignant dans une perspective analytique , le décomposant en « un ensemble abstrait de fragments promus par les chercheurs comme les réalités de base de l' enseignement : la didactique , l' évaluation des élèves , la gestion de classe , la motivation des élèves , etc. » ( Tardif et Levasseur , 2004 , p . 12 ) . Il est nécessaire , au contraire , d' appréhender le travail enseignant comme tout autre travail humain , c' est-à-dire dans la totalité de ses composantes , ancré dans un fonctionnement organisationnel spécifique ayant ses buts propres , ses connaissances et technologies , ses modalités d' évaluation , son objet de travail ( les élèves ) dont la nature a des conséquences importantes sur les travailleurs ( Tardif et Lessard , 1999 ) . Pour illustrer la diversité des composantes du travail enseignant , nous proposons ci-dessous le modèle du système des pratiques professionnelles de l' enseignant du primaire ( le SPPEP ) . Ce modèle , proposé par Marcel ( 2002 ) , présente de manière heuristique une catégorisation des pratiques professionnelles de l' enseignant du primaire . Schéma 4 - Le système des pratiques professionnelles de l' enseignant du primaire ( le SPPEP ) ( Marcel , 2002 ) Ce modèle a la particularité de dissocier deux types de pratiques professionnelles enseignantes : les pratiques d' enseignement qui s' inscrivent en situation de classe et celles qui s' inscrivent hors de la classe ( pratiques durant les temps interstitiels , pratiques en situation formalisée , pratiques de direction ) et hors de l' école . Le SPPEP distingue également les pratiques individuelles , lorsque l' enseignant est seul avec les élèves , et les pratiques collectives , lorsque l' enseignant travaille avec au minimum un collègue de travail enseignant ou non-enseignant ( assistant d' éducation , membres du RASED , etc. ) . L' auteur mobilise l' approche systémique pour interpréter ce modèle . Nous n' allons pas ici définir et détailler la description de tous les sous-systèmes mais nous nous bornerons à dégager les postulats théoriques sous-jacents : Les systèmes sont repérables , ils ont des frontières plus ou moins nettes qui peuvent être repérées dans l' espace et le temps . Les pratiques enseignantes durant les temps de récréations peuvent en effet être repérées dans un espace ( la cour de récréation ) et dans le temps ( tranches horaires du matin , midi et après-midi décidés par l' école , durée décidée par l' institution ministérielle ) . Les systèmes de pratiques ont des fonctions qui influencent leur organisation interne . Ces fonctions sont prescrites à différents niveaux : par l' institution scolaire , par le collectif d' enseignants ( niveau école ) et par l' enseignant lui-même . Les systèmes sont en interaction . Les pratiques mises en oeuvre durant les temps formalisés ( réunions , conseils de cycle , etc. ) peuvent par exemple influencer le fonctionnement des pratiques durant les temps de classe et les temps interstitiels ( Lefeuvre , 2004 , Piot , 2004 , Marcel , 2004 ) Les systèmes de pratique ont chacun une autonomie d' organisation relative . Les systèmes sont en interaction donc tributaires d' une organisation générale . Les coordinations effectuées dans des espaces tels que les conseils d' école peuvent avoir une incidence sur le fonctionnement général des différentes pratiques professionnelles de l' enseignant ( pratiques d' enseignement , pratiques durant les temps interstitiels , etc. ) . Le modèle du SPPEP est un outil heuristique intéressant pour décrire ( et non expliquer ) les interrelations potentielles entre les pratiques individuelles et collectives de l' enseignant du primaire . Il permet de rendre compte de la complexité du travail professionnel de l' enseignant , ne se réduisant pas exclusivement à l' espace classe . 1.3 - Les pratiques collectives des enseignants , entre prescription et réalisation Nous l' avons vu ci-dessus , l' institution française , depuis la loi d' orientation de 1989 , a prescrit un certain nombre de moyens ( la 27ième heure , les conseils de cycle , de maîtres , etc. ) pour favoriser le travail collectif des enseignants du primaire . Ces moyens ont , entre autres , pour fonction de faciliter les concertations et décisions collectives du personnel pédagogique de l' école afin de mieux adapter les objectifs généraux du programme scolaire aux contextes particuliers des écoles . Malgré ces intentions , il existe un décalage manifeste entre les injonctions ministérielles et les pratiques collectives effectives des enseignants au sein des établissements scolaires ( Maroy , 2006 , Barrère , 2002 , Dupriez , 2004 , 2005 , Marcel , Dupriez , Perisset et Tardif , 2007 ) . Ce décalage s' explique , selon Amigues et al ( 2002 ) , par les injonctions « floues » du ministère disant ce qu' il y a à faire mais pas comment le faire . Ainsi , le travail collectif effectif des enseignants consisterait non seulement à mettre en oeuvre les prescriptions mais également « à faire ce qu' elles ne disent pas » ( p. 16 ) . Les enseignants , pour répondre aux exigences du programme scolaire , doivent par exemple créer ( ou innover ) des dispositifs d' aide spécifique aux élèves en difficulté pour favoriser les conditions d' apprentissage et atteindre un seuil de satisfaction de « rendement scolaire » . De même , ils doivent construire un certain nombre d' outils pour adapter les objectifs institutionnels au niveau local ; c' est le cas lorsqu' ils décident de redéfinir des items d' évaluation , d' élaborer des modalités de corrections communes , de créer des fiches pédagogiques communes , etc. Il existerait ainsi , pour le collectif d' enseignants , une marge de liberté , suscitée par la spécificité de l' organisation du travail enseignant , pour concevoir et organiser leur propre milieu de travail et « se « mobiliser » pour construire une réponse commune aux prescriptions » ( p. 2 ) ( Saujat , 2004 ) . C' est dans cette « brèche » laissée par l' institution que les enseignants vont décider / agir en s' auto-prescrivant de nouvelles tâches collectives afin d' ajuster les finalités pédagogiques et didactiques aux ressources et contraintes dont ils disposent « réellement » dans l' école . Pour différencier , dans le travail collectif des enseignants , les prescriptions et la réalisation effective des pratiques , Amigues et al ( 2002 ) proposent de distinguer « l' équipe pédagogique » du « collectif de travail » : « pour l' institution , l' équipe pédagogique constitue le cadre qui permet de définir des moyens d' action pour réaliser les objectifs qu' elle a définis . Pour les enseignants , la question de l' équipe est d' abord celle de la constitution d' un milieu de travail qui permette aux professeurs de penser leur action , d' effecteur un « retour » sur cette action pour la rendre plus efficace encore » ( .... ) . L' aménagement du milieu de travail , la mise en projet et ses conditions d' existence sont étroitement liés à l' existence d' un collectif de travail. » ( p. 18 ) . Cette différenciation rejoint , en ergonomie cognitive , celle évoquée par Leplat ( 1986 ) entre la tâche prescrite et l' activité effective de l' opérateur en situation de travail . Il est nécessaire de distinguer théoriquement , dans le travail enseignant , les prescriptions et la réalisation effective des pratiques . Néanmoins , dans le processus de l' activité professionnelle ( individuelle et collective ) , ces éléments agissent de manière interdépendante . Comme l' indique Leplat ( 1986 ) : « l' activité dépend bien de la tâche ( ou si l' on préfère des conditions externes de travail ) , mais aussi des caractéristiques des individus qui l' exécutent. » ( p. 26 ) . Pour analyser les pratiques collectives effectives des enseignants au sein de l' école , il est donc essentiel de prendre en compte trois éléments interdépendants : les comportements des acteurs , leurs ressources personnelles mobilisées et mobilisables et les différents niveaux de contexte ( institutionnel , social , relationnel , cognitif , matériel , spatial , etc. ) avec lesquels ils interagissent . Dans ces derniers , sont considérés à la fois les éléments relevant de la prescription institutionnelle ( cabinet ministériel , l' inspection académique et générale ) et ceux relevant de contextes plus locaux ( l' environnement social , spatial , temporel et matériel de l' école ) . 1.4 - Les formes de pratiques collectives enseignantes Malgré l' évolution des injonctions ministérielles , certains auteurs constatent que les pratiques collectives des enseignants du primaire remettent peu en cause la structure cellulaire du travail d' enseignement en classe ( Tardif et Lessard , 1999 ; Dupriez , 2005 ) . En effet , les enseignants travaillent peu avec un ( ou plusieurs ) collègue ( s ) de travail en situation d' enseignement ( ce qu' appellent les américains le « team teaching » ) . La majeure partie des pratiques collectives observées et déclarées se situe hors du contexte de la classe [ 10 ] . Parmi celles -ci , Tardif et Lessard distinguent quatre types de pratiques collectives : La collaboration pour la planification de l' enseignement entre enseignant de même degré ou de même cycle d' apprentissage . Les enseignants de même degré ou de même cycle s' auto-prescrivent un cadre commun de travail didactique , tout en se gardant une marge de liberté et d' autonomie professionnelle dans leur classe . La collaboration entre enseignants expérimentés et enseignants novices , soutien d' un collègue d' expérience , sorte de « mentorat informel » . Les novices observent ou bien demandent des conseils , des indications aux enseignants expérimentés concernant leur planification ou leur mode de fonctionnement en classe . La collaboration entre enseignants novices . Les enseignants novices collaborent facilement entre eux car « ils ont besoin d' un échange qui les rassure et les aide à maîtriser les exigences du métier , ou encore parce qu' ils sont plus disponibles et plus dynamiques que les enseignants plus âgés. » ( p. 424 ) La collaboration concernant le partage des tâches pédagogiques . Certains enseignants partagent des tâches d' enseignement entre eux . Il s' agit dans ce cas d' un échange de service entre , généralement , deux classes ; un enseignant , par exemple , va assumer les tâches d' art plastique pour les deux classes alors que son collègue enseignera la musique . Ces formes de travail collectif sont relativement « grossières » mais elles permettent d' effectuer une première catégorisation des pratiques collectives enseignantes , existantes hors de la classe . Nous ajouterons , à celles proposées par Tardif et Lessard ( 1999 ) , les collaborations entre enseignants qui s' effectuent non pas en fonction de l' ancienneté professionnelle mais en fonction du degré d' affinité entre enseignants . De plus , nous ajouterons les collaborations des enseignants concernant le partage des élèves pour des tâches d' enseignement précises . Certains enseignants vont décloisonner leurs classes , c' est-à-dire rompre leur structure-classe traditionnelle , afin de créer des groupes d' élèves appartenant à plusieurs classes et de niveaux scolaires hétérogènes ou homogènes pour mettre en place des conditions d' apprentissage spécifiques ( adapter le niveau de certaines tâches enseignées en fonction des niveaux scolaires des élèves , favoriser la collaboration entre des élèves de plusieurs classes pour construire un projet commun , etc. ) Dans le cadre d' une enquête menée auprès d' une quarantaine d' enseignants de collèges et de lycées , Barrère ( 2002 ) identifie trois modalités du travail collectif des enseignants : le travail obligatoire des réunions pédagogiques , le travail sur projets et les échanges informels . La première forme de travail collectif correspond aux « conseils de classe » . Ces concertations sont prescrites par l' institution . D' une durée théorique d' une heure , elles sont majoritairement vécues par les enseignants sur un mode essentiellement ritualiste et sont profondément « ennuyeuses » . La deuxième forme de travail collectif , le travail sur projets , illustre l' engagement de plusieurs enseignants dans un projet collectif interdisciplinaire . Ces projets peuvent être relativement ponctuels durant l' année scolaire ( voyages scolaires , sorties sportives ou culturelles ) ou à l' inverse plus ou moins permanents lorsqu' ils concernent la prise en charge de classes difficiles en collège et lycée ou bien lorsqu' ils correspondent d' une manière plus générale aux projets d' établissement ( par exemple , le renforcement des compétences en lecture / écriture au collège ) . L' enquête de Barrère montre que l' investissement des enseignants dans ce type de projets est majoritairement volontaire et leur apporte de réelles satisfactions . Le travail collectif sur projets se construit ( et se « détruit » ) , de manière générale , en fonction de la sociabilité affinitaire des enseignants . Enfin , la dernière forme de travail collectif concerne les échanges informels hors de la classe . Certains enseignants de l' enquête déclarent , comme seules pratiques collectives , « des échanges professionnels informels mais suivis avec un , deux , ou trois enseignants de la même discipline qui sont aussi « un peu plus » que des collègues » ( p. 487 ) . Ces catégories de pratiques collectives peuvent avoir , pour les enseignants , plusieurs fonctions explicites ou / et implicites : diminuer la charge mentale de travail , augmenter l' acquisition de savoirs et savoirs-faire professionnels , faciliter l' aide et le soutien aux élèves en difficulté , donner une image cohérente des pratiques pédagogiques auprès des parents et de l' institution , etc. De même , les facteurs favorisant ces catégories de pratiques collectives peuvent être divers ; la taille de l' établissement , le degré de stabilité de l' équipe , le degré de sociabilité entre les enseignants , le nombre d' enseignants expérimentés et novices , les trajectoires socioprofessionnelles des enseignants , etc . 2 - Les pratiques collectives des enseignants dans l' école , contributrices à l' organisation des pratiques d' enseignement ? Les pratiques collectives des enseignants , nous l' avons vu , sont de plus en plus commanditées par l' institution scolaire . Ces prescriptions ne sont néanmoins pas représentatives des pratiques effectives des enseignants dans l' école , même si elles participent incontestablement à les organiser . De récentes recherches se sont intéressées à décrire la variété des pratiques collectives effectivement réalisées par les enseignants dans l' école . Néanmoins , nous savons peu de chose sur les processus organisateurs de ces pratiques collectives et , encore moins , sur l' influence que peuvent avoir ces dernières sur le travail des enseignants en situation de classe . La plupart des travaux qui se sont focalisés , ces dernières décennies , sur les pratiques d' enseignement se sont cantonnés au contexte de la classe en dissociant et découpant de plus en plus finement des variables d' enseignement ( gestion de classe , gestion de la matière , identification des gestes professionnelles , variables didactiques , etc. ) . Ces recherches ont , à n' en pas douter , apporter une intelligibilité sur le fonctionnement dynamique d' une classe . Néanmoins , elles ont eu tendance à minorer l' influence de l' environnement proche de la classe de l' enseignant qu' est l' organisation socioprofessionnelle de l' établissement . Les transformations institutionnelles de l' école primaire depuis , entre autres , la loi d' orientation , ont amené l' enseignant à côtoyer , sinon collaborer , de plus en plus avec des collèges de travail enseignants ( membres du RASED , enseignants spécialisés en langues vivantes ) et non-enseignants ( assistants d' éducation , membres du CLAE , etc. ) . Nous faisons ainsi l' hypothèse que l' arrivée de ces nouveaux acteurs associés à la mise en place de dispositifs institutionnels d' incitation au travail collectif ( conseils de cycle , de maître , CEL , etc. ) n' est pas sans conséquence sur les pratiques « individuelles » des enseignants en situation de classe . L' objectif de cette thèse sera d' étudier les relations entre les pratiques collectives des enseignants du primaire , au sein de l' école , et leurs pratiques d' enseignement . Plus précisément , elle montrera en quoi les pratiques collectives de l' enseignant peuvent contribuer à organiser les configurations de modalités d' action pédagogique et didactique mises en oeuvre par ce dernier en situation de classe . Avant de proposer un cadrage théorique qui puisse expliquer l' influence des pratiques collectives enseignantes sur les pratiques d' enseignement , nous présenterons de récents travaux qui ont appréhendé le thème de l' école . Nous les exposerons puis nous constaterons leur limite . 2.1 - Les études sur le thème de l' école La majorité des travaux qui ont étudié l' établissement scolaire [ 11 ] s' inscrivent dans le champ théorique de la sociologie des organisations . Deux grandes catégories de recherches peuvent être repérées : les travaux qui se sont intéressés à décrire , comprendre et expliquer le fonctionnement de l' établissement scolaire et les travaux dont la visée prioritaire est d' identifier l' établissement efficace . Pour ce qui concerne les recherches sur l' efficacité des établissements scolaires , Dupriez ( 2004 , 2005 ) propose trois courants qui ont travaillé sur ce sujet . L' approche « school effectiveness » qui étudie les relations entre les résultats scolaires des élèves et les caractéristiques des établissements dans le but d' identifier les plus performants . Ces travaux mettent par exemple en évidence que « la coopération entre les enseignants , la vision commune d' un projet d' école ou la direction centrée sur le pédagogique sont des caractéristiques davantage présentes dans les établissements performants. » ( Dupriez , 2005 , p . 32 ) . De même d' autres recherches montrent que l' atmosphère , le climat et la culture de l' établissement affectent les résultats des élèves ( Halpin et Crofts , 1963 ; Owens , 1998 ; Sinclair , 1970 ; Kalis , 1980 ; Anderson , 1982 ) . Certains travaux s' inscrivent dans la culture du management et proposent des outils pour orienter le leadership en milieu scolaire . « A ce titre , les travaux de type « school improvement » accordent une place importante à la notion de culture d' établissement . Dans ce sens , le rôle central du directeur est de faire construire et partager une vision de l' école et des valeurs éducatives communes ( leadership transformationnel ) » ( idem , p . 33 ) . Enfin , l' auteur repère d' autres travaux plus francophones ( Perrenoud , 2001 ; Gather Thurler , 1994 ) qui valorisent et orientent les politiques des établissements vers davantage d' autonomie vis à vis du pouvoir central administratif et incitent le personnel d' établissement au travail collectif et à la coopération . Dans cette partie , nous ne nous attarderons pas sur les travaux relevant du champ de l' efficacité des établissements . Nous décrirons ceux qui ont tenté de décrire et d' expliquer le fonctionnement interne des établissements scolaires . Pour ce faire , nous nous réfèrerons à la catégorisation proposée par Dupriez ( 2004 ) . Ce dernier distingue deux paradigmes de recherche : les travaux qui se sont centrés sur l' organisation structurelle des établissements et ceux qui se sont centrés sur le travail des acteurs au sein de l' établissement . Pour chaque paradigme , nous décrirons les différentes approches théoriques que les auteurs ont mobilisées pour appréhender l' étude des établissements scolaires . 2.1.1 - L' école , une organisation structurelle 2.1.1 . 1 - L' approche de la contingence structurelle L' école de la contingence soutient l' idée que l' environnement d' une organisation n' est pas sans effet sur sa structuration interne . Les transformations technologiques , l' évolution des marchés et des attentes des consommateurs modifient les structures et le fonctionnement des organisations qui n' ont pas d' autres choix que de s' y ajuster pour « survivre » et se développer . Mintzberg ( 1986 , 1990 ) décrit l' ajustement des structures à leur environnement à partir de quatre dimensions : les parties internes de l' organisation , les mécanismes de coordination du travail , le pouvoir et les caractéristiques de l' environnement externe . L' auteur met en évidence les parties internes de l' organisation à partir des rôles et tâches des individus au sein de la division sociale du travail . Il propose , dans ce cadre , de distinguer six parties permettant de catégoriser les différentes composantes d' une organisation : le centre opérationnel est constitué des opérateurs qui réalisent le travail de production , le sommet stratégique représente le lieu où sont prises les décisions stratégiques pour l' organisation ( la direction ) , la ligne hiérarchique représente les cadres intermédiaires , le personnel de soutien logistique qui accompagne et aide les opérateurs dans leur travail ( services de nettoyage , service juridique , service de restauration , etc. ) et , enfin , « l' idéologie » qui traverse les organisations ( valeurs , cultures , traditions , etc. ) . Les mécanismes de coordination sont des moyens mis en oeuvre par les organisations pour assurer l' articulation entre les différentes tâches et personnes . Mintzberg distingue six mécanismes de coordination . Ces derniers coexistent généralement dans la majorité des organisations même si , selon l' auteur , l' un d' entre eux apparaît toujours dominant : L' ajustement mutuel : la coordination s' effectue à travers une communication informelle entre les travailleurs La supervision directe : une personne donne des instructions et contrôle le travail de plusieurs autres personnes . La standardisation des résultats : des standards sont définis par rapport à la production attendue des travailleurs La standardisation des procédés de travail : les postes de travail des opérateurs sont définis en fonction des procédures à effectuer . Le travail à la chaîne en est l' illustration . La standardisation des normes : ce sont des normes et des valeurs auxquelles les travailleurs croient et qui les incitent à s' impliquer et à s' engager dans le travail . Ce mécanisme de coordination apparaît dans certains ordres religieux ou bien , au niveau éducatif , dans certaines associations d' éducation populaire . Le pouvoir est défini par Mintzberg comme la capacité d' une personne à influencer des évènements en cours dans l' organisation . Diverses sources de pouvoirs sont proposées par l' auteur : Le contrôle personnel : le supérieur a un accès direct et régulier sur le travail des opérateurs . Il peut ainsi superviser et évaluer leur tâche . Le contrôle bureaucratique : le pouvoir est entre les mains de ceux qui élaborent les systèmes de standardisations des résultats et des procédures de travail . Le système d' idéologie : les sources d' influence se situent ici dans les valeurs et normes véhiculées dans et par l' organisation . Les travailleurs intériorisent l' idéologie de l' organisation à travers l' intégration des buts individuels et collectifs . Le système des compétences spécialisées : chez certains travailleurs , la maîtrise des compétences spécifiques , acquises à travers une formation pratique et/ou théorique , est une source de pouvoir non négligeable . Le système des jeux politiques : les systèmes d' alliance informelle qui se construisent entre les différents travailleurs constituent des groupes d' intérêts qui peuvent être source de pouvoir dans l' organisation . Mintzberg va également repérer les caractéristiques de l' environnement d' une organisation à partir de quatre spécificités : le degré de stabilité , de complexité , d' hostilité et de diversité de l' environnement . A partir de ces variables , l' auteur va proposer quatre hypothèses illustrant l' influence de l' environnement sur la structure de l' organisation : Plus l' environnement est dynamique et plus la structure est organique , c' est-à-dire constituée d' une division du travail souple et flexible avec une coordination reposant majoritairement sur l' ajustement mutuel . Plus l' environnement est complexe et plus la structure est décentralisée . Plus l' organisation a des marchés diversifiés et plus elle a tendance à scinder ses unités de travail sur la base de ses marchés . Plus l' environnement est hostile et plus l' organisation centralisera sa structure pendant un temps donné . Dans le cadre scolaire , Michel Bonami ( 1996 , 1998 ) s' est inspiré des travaux de Mintzberg pour analyser les organisations scolaires . L' auteur constate une importante similitude des organisations scolaires dans les pays occidentaux malgré des différences dans leurs politiques éducatives . Il constate que les organisations scolaires sont traversées par deux logiques organisationnelles parfois contradictoires : une logique bureaucratique où prédomine une standardisation des moyens de travail de l' enseignant et une logique « professionnelle » où s' exerce une autonomie professionnelle des enseignants dans le choix des procédures d' enseignement . La première logique s' actualise par la standardisation des programmes scolaires , par l' organisation temporelle et spatiale du travail enseignant ( tous les enseignants exercent avec un groupe d' élèves dans une classe pendant un temps prescrit par l' institution ) , par les diplômes requis pour enseigner , par les dispositifs d' évaluation nationale prescrits , etc. La seconde logique s' actualise à travers la marge de liberté laissée aux enseignants pour construire des outils pédagogiques et didactiques , dans le but de favoriser l' apprentissage des élèves . Ainsi , l' organisation scolaire est influencée par le pouvoir bureaucratique qui cadre ses modalités de fonctionnement général , puis , par le pouvoir individuel des enseignants qui gardent une marge d' autonomie importante dans le contrôle des pratiques effectives d' enseignement . Les pratiques d' enseignement étant irréductibles à des prescriptions institutionnelles , le système scolaire standardise les travailleurs plutôt que les procédures de travail , pour reprendre les termes de Mintzberg . Ainsi , on forme des spécialistes du travail , sanctionnés par un diplôme reconnu par l' institution , puis on leur laisse une marge de liberté non négligeable dans le choix des procédures de travail . Selon Bonami , cette structuration de l' organisation scolaire , dans les pays occidentaux , est déterminée par deux caractéristiques relatives à son environnement ( social et politique ) : le souhait qu' une génération d' une classe d' âge soit scolarisée ( la massification scolaire ) et l' impossibilité de standardiser les pratiques des enseignants en classe . Dans la même continuité , Dupriez et Zachary ( 1998 ) montreront , en analysant le système d' enseignement en Belgique , que deux autres mécanismes de coordination émergent depuis quelques années au sein des organisations scolaires : la standardisation des résultats et l' ajustement mutuel . Bonami s' intéressera également aux innovations pédagogiques dans les établissements scolaires , aux ressources et contraintes organisationnelles qui les facilitent ou non . Il mettra en évidence l' influence des mécanismes de coordination du travail collectif dans la mise en oeuvre d' innovation . Il montrera , entre autres , que le mécanisme d' ajustement mutuel entre un nombre réduit d' opérateurs facilite l' innovation pédagogique dans les établissements scolaires . 2.1.1 . 2 - L' approche néo-institutionnelle L' approche néo-instutionnelle ( Meyer et Rowan , 1983 ) se centre , comme l' école de la contingence structurelle , sur les rapports entre la structure de l' organisation et son environnement . Elle part de l' hypothèse que les structures de l' organisation ne s' adaptent pas seulement à leur environnement de manière rationnelle afin d' augmenter leur efficacité . Elles sont également influencées par des processus sociaux et culturels , émanant de l' environnement , engendrant leurs adaptations à des croyances normatives . En d' autres termes , « les environnements ( idéologiques et politiques notamment ) des organisations alimentent des processus à travers lesquels des actions sont répétées et se voient attribuer des significations partagées . Les organisations incorporent ensuite ces « mythes sociaux » qui vont être à la base de pratiques sociales en leur sein. » ( Dupriez , 2004 , p . 33 ) . Meyer et Rowan montrent , comme Bonami , que l' organisation scolaire est structurée par deux logiques contradictoires : une logique de standardisation des moyens instituée par la bureaucratie scolaire et une logique d' autonomie professionnelle exercée par les enseignants en situation d' enseignement . Néanmoins , ces auteurs ne vont pas proposer la même hypothèse explicative que les auteurs se référant au courant de la contingence structurelle . La structuration spécifique de l' organisation scolaire ne s' explique pas par la massification scolaire et , par voie de conséquence , la recherche de l' efficacité des apprentissages de tous les élèves . Elle s' explique par le rôle assigné à l' organisation scolaire dans les sociétés occidentales depuis le XIXième siècle , celui de répartir et diviser les individus en fonction des attentes sociales et économiques de la société . Cette répartition s' effectue à travers les classements scolaires , repérables par la distribution des diplômes . « Dans la mesure où ces classifications sont partagées et reconnues comme pertinentes par tout le monde , les acteurs de l' école sont amenés à les incorporer , faute de quoi ils s' exposent à une perte de légitimité et à une éventuelle perte de ressources financières » ( Dupriez , 2005 , p . 40 ) . Ainsi , ces classifications expliqueraient les raisons pour lesquelles la bureaucratie scolaire standardise , surtout dans le secondaire , les dispositifs d' évaluation , le contenu des enseignements , le groupement des élèves en fonction du niveau d' âge , etc. Cela permettrait de rendre visible et légitime le travail de sélection opérée par l' école . Néanmoins , pour que ce travail de sélection soit adapté au contexte de l' environnement local des établissements , il est nécessaire de donner une marge de liberté aux enseignants dans la définition des pratiques d' enseignement . Les enseignants auraient ainsi la liberté de choisir les modalités d' enseignement adéquates pour favoriser , de manière efficace , le classement scolaire des élèves . Cela expliquerait les raisons pour lesquelles l' institution intervient peu dans les procédures et l' évaluation du travail enseignant . 2.1.1 . 3 & 226;& 128;& 147; Synthèse critique Il est nécessaire , à ce stade , de faire une analyse critique des apports théoriques de l' école de la contingence structurelle et celle relative à l' approche néo-institutionnelle concernant la description et l' explication de la structuration des organisations scolaires . Les travaux qui s' inscrivent dans l' approche théorique de la contingence ont mis en évidence deux logiques qui influencent la structuration des organisations scolaires : la logique de standardisation des moyens assignés aux établissements scolaires et la logique de l' autonomie professionnelle des enseignants . La première logique suscite la division du travail des acteurs dans l' établissement alors que la deuxième suscite , de la part des enseignants , la maîtrise des compétences d' enseignement . Ces deux logiques s' expliquent prioritairement par la volonté de scolariser et de donner un diplôme à une classe entière de tranche d' âge et par l' impossibilité de prévoir les gestes professionnels des enseignants . Ces logiques peuvent également expliquer les mécanismes de coordination dominants qui émergent dans les établissements scolaires . Ainsi , est repérée , depuis quelques décennies dans les établissements scolaires ( belges et français ) , une augmentation des mécanismes de standardisation des résultats et d' ajustement mutuel entre les enseignants . Cette augmentation peut être mise en relation avec l' évolution , depuis ces dernières années , des prescriptions des systèmes scolaires dans les pays occidentaux . Celles -ci sont davantage centrées sur une définition plus précise des objectifs d' enseignement , des compétences scolaires attendues des élèves ( avec l' apparition des référentiels de compétences ) et sur l' incitation au travail collectif des enseignants dans les établissements . Les critiques que nous apporterons à ce courant théorique sont , d' une part , qu' elles se sont peu intéressées aux relations entre les mécanismes de coordination caractéristiques des établissements et le travail des enseignants en situation d' enseignement . Nous pouvons interroger l' effet des mécanismes d' ajustement mutuel , dominant dans certains établissements , sur les modalités d' action pédagogique et didactique mises en oeuvre par les enseignants en situation de classe . D' autre part , la faiblesse de ce courant théorique tient au fait qu' on ne s' intéresse pas ( ou peu ) au travail des acteurs . En effet , les auteurs repèrent des relations entre des variables liées à la structuration de l' organisation scolaire et des variables liées à son environnement . Ces variables sont tellement larges qu' il est difficile de repérer des différences inter-établissement et , surtout , de comprendre et d' expliquer la genèse des mécanismes de coordination identifiés dans chacun des établissements scolaires . Pour ce faire , il serait nécessaire de se centrer davantage sur les raisons d' agir des acteurs puis sur les éléments relatifs aux contextes particuliers des établissements scolaires . L' approche néo-institutionnelle s' intéresse également aux relations entre la structure des organisations scolaires et leur environnement . Les auteurs de ce courant théorique font ainsi l' hypothèse que les organisations scolaires s' adaptent aux normes conventionnelles de leur environnement . Ainsi , la standardisation bureaucratique de l' organisation scolaire ( répartition des élèves en fonction de l' âge et des contenus d' enseignement dans le secondaire , les filières de diplômes , les programmes d' étude , etc. ) serait déterminée par les attentes sociales et culturelles de la société vis à vis de l' institution scolaire : celles de classer et hiérarchiser les individus en fonction de la classification sociale attendue . Les travaux du courant néo-institutionnel pourraient être soumis au même critique que ceux de la contingence structurelle . Les auteurs établissent des relations de causalité entre des variables « larges » sans ouvrir la « boîte noire » que constitue l' établissement . Ainsi , il est difficile d' avoir une analyse « fine » sur la manière dont ces relations s' actualisent ( ou pas ) dans le quotidien du travail enseignant . Comment expliquer que certains établissements scolaires vont à l' encontre des normes conventionnelles centrées sur la classification des élèves ? Est -ce que tous les enseignants d' un établissement s' approprient pareillement les normes idéologiques ? La faiblesse de ces travaux se situe dans le manque d' intérêt accordé au travail des acteurs de l' établissement . La prise en compte des significations des enseignants dans leur pratique quotidienne permettrait peut-être de repérer , dans un premier temps , des différences inter-individuelles concernant leurs rapports aux normes sociales attendues . Puis , dans un deuxième temps , elle permettrait de comprendre et d' expliquer les raisons pour lesquelles certains enseignants s' écartent plus ou moins fortement , dans leurs pratiques quotidiennes , des normes conventionnelles de l' environnement . Ces approches théoriques ont tendance à minimiser la prise en compte des caractéristiques personnelles des acteurs ( leurs significations et leurs comportements ) pour décrire et expliquer leur travail de coordination dans l' établissement scolaire . Les théories proposées dans la partie suivante s' intéresseront prioritairement au travail de construction des acteurs dans les modes de coordination réalisés au sein des établissements scolaires . 2.1.2 - L' école , un travail des acteurs 2.1.2 . 1 - L' approche interactionniste Le courant interactionniste a pris naissance aux Etats-Unis dans les années cinquante , à l' université de Chicago . Les interactionnistes ont en commun de s' intéresser aux situations d' interactions entre les individus et plus particulièrement au sens donné par les acteurs aux situations rencontrées ( Durand et Weil , 1997 ) . Ainsi , ils s' opposent à la conception « positiviste » de l' explication des phénomènes sociaux ( Weber , 1965 ; Schutz , 1987 ) . Ces derniers ne peuvent être appréhendés en dehors des significations des acteurs : « l' inspiration remonte à l' influence de G.H. Mead qui avait brisé la rigidité du schème stimulus-réponse de l' analyse béhavioriste , en insistant sur le caractère symbolique des échanges interindividuels , c' est-à-dire sur le fait qu' il n' y a pas d' échange social si le stimulus n' est pas interprété. » ( Durand et Weil , p. 248 ) . Ainsi , les comportements des individus ne sont pas prédéterminés par le poids des règles sociales et culturelles qui structurent une société . Les actions sociales des individus sont construites à travers un processus d' interprétation des situations , des objets et des interactions d' autrui : « ce comportement interprétatif prend place dans l' individu guidant sa propre action , dans l' activité d' individus agissant de concert ou celle « d' agents » agissant au nom d' un groupe ou d' une organisation. » ( Blumer , 1969 , p . 73 ) . L' organisation , les règles sociales et culturelles constituent ainsi un cadre que les individus utilisent ou non pour interpréter les situations dans lesquelles ils agissent . Masson ( 1999 ) s' est appuyé sur le cadre théorique de l' interactionnisme pour décrire les rapports sociaux qui se construisent entre les acteurs dans les établissements scolaires secondaires . Pour ce faire , l' auteur a pris en compte les contraintes institutionnelles et les situations d' interactions comme éléments générateurs d' un ordre local , provisoire et négocié . Plus précisément , Masson a étudié en quoi les transformations institutionnelles majeures auxquelles ont été confrontés les établissements secondaires ( loi d' orientation , décentralisation des pouvoirs , etc. ) affectent les interactions quotidiennes des acteurs au sein de l' établissement . Les principaux thèmes abordés sont la gestion des flux scolaires , l' exercice de la discipline et les comportements de plusieurs acteurs ( parents , enseignants et élèves ) . Pour ce qui concerne la gestion des flux scolaires , Masson va s' attacher à décrire , au-delà du discours officiel tenu par l' institution , les rapports des différentes catégories de personnes ( chef d' établissement , enseignants , parents , élèves ) vis à vis des décisions d' orientation . Masson observe , par exemple , que le chef d' établissement a un poids non négligeable dans les décisions relatives aux redoublements des élèves . L' ancienneté du chef d' établissement ainsi que la situation de sa carrière professionnelle ( volonté d' ascension professionnelle ou non , etc. ) ont une influence sur ces décisions . Si le chef d' établissement souhaite baisser les taux de redoublement afin de se conformer aux normes attendues par la hiérarchie institutionnelle , il va négocier au quotidien avec les enseignants . « Une part non négligeable de ces transactions se fait d' ailleurs en cours d' année scolaire , ce qui permet de traiter rapidement en conseil de classe la situation des élèves non conformes aux normes scolaires. » ( Dupriez , 2004 , p . 41 ) . Ainsi , les observations effectuées par Masson montrent que les trajectoires scolaires des élèves ne sont pas seulement imputables aux caractéristiques sociales ou psychologiques des élèves . Elles relèvent également des interprétations des situations scolaires qu' effectuent les acteurs professionnels de l' établissement . Le problème lié à l' exercice de la discipline est bien illustré par Masson . Ce dernier montre que les problèmes d' indiscipline sont caractérisés par le refus des élèves de travailler en classe et à la maison puis par les comportements jugés déviants qu' ils affichent avec les autres élèves ou bien avec le personnel de l' établissement . Ils sont influencés , selon l' auteur , par l' évolution des transformations de l' institution scolaire ( la massification scolaire , l' augmentation de l' hétérogénéité sociale et culturelle des élèves ) et par la redéfinition des tâches des conseillers principaux d' éducation ( CPE ) . En effet , Masson décrit de véritables transactions entre les enseignants et les conseillers principaux pour gérer les élèves qui posent des « problèmes » de comportement dans l' établissement . L' enseignant peut s' appuyer sur le CPE pour accueillir et réprimander l' élève , le CPE a le pouvoir de renvoyer l' élève dans la classe ou bien de le garder . Le chef d' établissement se situe entre les deux parties ( enseignants et CPE ) et doit généralement jouer l' arbitre . De plus , l' auteur montre que l' exercice de la discipline des élèves dans les couloirs de l' établissement fait également l' objet de véritables négociations entre les acteurs de l' établissement . Concernant les rapports entre les parents d' élèves et les enseignants , Masson montre que la présence des parents ne se réduit pas aux espaces délimités par l' institution ( les conseils d' administration de l' établissement et les conseils de classe ) . Les résultats font apparaître que l' influence des parents est plus importante en dehors de ces espaces définis a priori . En effet , il est nécessaire de prendre en compte les échanges informels entre les enseignants et les parents et entre ces derniers et le chef d' établissement . C' est durant ces échanges informels que les parents d' élèves peuvent influencer le fonctionnement de la classe de leurs élèves et le jugement des enseignants . Et , à l' inverse , c' est durant ces moments que les enseignants peuvent utiliser le soutien des parents d' élèves pour exprimer une « plainte » qu' ils ne souhaitent pas assumer seul . 2.1.2 . 2 - L' approche stratégique Le phénomène auquel Crozier et Friedberg ( 1977 ) s' intéressent est l' action collective . Cette dernière n' est pas naturelle , elle n' existe pas en soi . C' est un construit social « dont l' existence pose problème et dont il reste à expliquer les conditions d' émergence et de maintien » ( p. 15 ) . Les modes d' action collective constituent ainsi des solutions que les acteurs créent , en utilisant leurs ressources particulières , pour résoudre « les problèmes posés par l' action collective , et , notamment , le plus fondamentale de ceux -ci celui de la coopération en vue de l' accomplissement d' objectifs communs » ( p 19 ) . Ces solutions contingentes constituent des structurations humaines qui ne sont pas sans effet sur les comportements des acteurs . Ils peuvent , dans certains contextes , contraindre leurs marges de liberté d' action ou , à l' inverse , les augmenter . Les construits d' action collective ne déterminent pas les comportements des acteurs . Ils les influencent « indirectement » . Pour reprendre les termes des auteurs , ils constituent des « jeux structurés de façon plus ou moins lâche , plus ou moins formalisée , plus ou moins consciente et dont la nature et les règles indiquent une série de stratégies gagnantes possibles. » ( p. 22 ) . Pour bien appréhender les travaux de Crozier et Friedberg , il est nécessaire de clarifier certaines notions : les zones d' incertitude , le pouvoir et le système d' action concret . Dans toute organisation , il existe des zones d' incertitude . Celles -ci sont caractérisées par les difficultés de prévoir les comportements des acteurs dans la résolution de problèmes spécifiques . Les zones d' incertitude constituent des ressources potentielles pour les acteurs dans leurs interactions avec autrui . Les auteurs prennent l' exemple de l' ouvrier spécialisé qui a la charge , dans l' entreprise , de faire fonctionner une machine . Ce dernier maîtrise une zone d' incertitude que ses collègues de travail ne maîtrisent pas : la connaissance des modalités de fonctionnement de la machine . Cette maîtrise lui procure une marge d' autonomie de décisions qui rend une partie de ses comportements imprévisibles pour les membres de l' organisation . La maîtrise , au sein de l' organisation , des zones d' incertitude représente une ressource que les acteurs peuvent utiliser pour manipuler l' autre . Autour de ces zones d' incertitude se nouent des rapports de pouvoir entre les individus . Contrairement au sens commun , le pouvoir n' est pas assimilé à une autorité qui impose un règlement de travail ni à un attribut permanent reconnu à une personne . Le pouvoir est une relation qui s' actualise dans une situation concrète où des acteurs en négociation tentent d' influencer le comportement des autres . Il peut être défini comme une relation d' échanges déséquilibrés entre un acteur A et B : B est dépendant de A dans un contexte précis car A maîtrise des zones d' incertitude pertinentes ( connaissances , maîtrise des flux d' information , etc. ) que B ne possède pas pour résoudre un problème . Selon Crozier et Friedberg , les stratégies des acteurs sont de conserver , voire& 194;& 178; d' augmenter , leur marge de liberté en contrôlant davantage de zones d' incertitude pertinentes tout en ne s' excluant pas des enjeux collectifs des systèmes d' action dans lesquels ils s' investissent . Dans l' analyse stratégique de l' action sociale , le mobile de l' action des individus est instrumental et non gratuit . En d' autres termes , les acteurs ont des enjeux individuels relatifs à des problèmes précis qu' ils tentent de réaliser en fonction des contraintes et ressources du contexte . La rationalité des acteurs n' est donc pas absolue mais au contraire , comme mentionnent les travaux de March et Simon ( 1958 ) , fortement limitée . Les individus ne recherchent pas la solution optimale pour résoudre un problème contingent . Ils tentent plutôt de trouver une solution qui corresponde à un seuil minimal de satisfaction . Ainsi , les comportements des acteurs ne peuvent être définis a priori à partir d' un calcul strictement utilitaire ou bien à partir de l' intériorisation de normes sociales et culturelles . L' analyse des comportements des individus doit prendre en compte leurs choix rationnels , limités en fonction de leurs propres ressources personnelles ainsi que des contraintes et ressources dont ils disposent au sein des jeux dans lesquels ils s' investissent . Ces jeux représentent des systèmes d' interdépendance entre les acteurs , plus ou moins stabilisés dans le temps , qui ordonnent et régularisent leurs comportements rationnels . Le système d' action concret est défini par Crozier et Friedberg comme l' articulation de jeux interdépendants dont l' existence montre de manière empirique la stabilisation de l' action coordonnée des individus au sein de l' organisation . Peu de recherches ont tenté d' analyser les établissements scolaires à partir de l' approche stratégique de l' action . Dominique Paty ( 1981 ) est un des rares auteurs à s' y être penché . Ce dernier a décrit la diversité des établissements scolaires de second degré ( 12 collèges français ) en prenant en compte les relations entre les acteurs , leurs enjeux et stratégies . Puis , il a tenté de montrer comment les divers systèmes d' action concrets produits par les acteurs professionnels ( enseignants et chefs d' établissement ) peuvent avoir une incidence sur la vie scolaire des élèves . Plusieurs faits intéressants ont été mis en évidence par l' auteur . Lorsqu' il y a tiraillement ou discorde entre le chef d' établissement et les enseignants , ces derniers s' appuient sur la structure-classe afin d' augmenter leur pouvoir de négociation . La classe est en effet une zone d' incertitude que ne maîtrise pas le chef d' établissement . Cette zone est mieux contrôlée par les enseignants et les élèves . Ainsi , la structure-classe constitue , pour les enseignants , une source de pouvoir non négligeable pour influencer l' attitude du chef d' établissement . D ' autre part , l' auteur montre que dans certains établissements , la structure-classe est plus isolée et mieux protégée par la structure-collège : « c' est souvent le chef d' établissement qui à la fois allège la pression des familles sur les enseignements en veillant au maintien d' une certaine distance , qu' il transmet selon des stratégies diverses aux professeurs . Le climat pédagogique de l' ensemble du collège renforce ou bride les initiatives que le professeur prend dans sa classe. » ( Paty , 1981 : p. 235 ) . Concernant l' exercice de la discipline , les difficultés rencontrées par les enseignants dans les classes sont , dans certains établissements , résolues grâce au soutien pédagogique et administratif de la structure-collège , c' est-à-dire grâce aux ressources construites et mobilisées au sein du système d' action collective de l' établissement . 2.1.2 . 3 - La théorie de la justification Le courant théorique de la justification s' appuie sur l' hypothèse selon laquelle les individus peuvent influencer l' action collective , non pas à partir de leurs stratégies et intérêts , mais à travers leurs justifications mobilisées en situation pour rendre compréhensible leurs actions . Selon Boltanski et Thévenot ( 1991 ) , les individus sont dotés de compétences politiques leur permettant de rendre compte de ce qui est juste ou injuste . Ces deux auteurs vont donc s' intéresser à la manière dont « les individus arrivent à se mettre d' accord sur des critères de jugement , comment ils arrivent à justifier leurs actions et , de façon corollaire , à argumenter leur critique à l' égard de celle des autres » ( Friedberg , 1997 , p. 269 ) . Pour y répondre , ils vont identifier six « cités » , représentatives du monde occidental , qui s' inspirent de la philosophie classique . Ces « cités » représentent des principes de justice ou « principes supérieurs communs » qui fondent l' accord entre les personnes et rendent possible leur coordination . Ces « cités » ou mondes cohérents permettent aux individus de justifier le caractère juste ou injuste d' une situation en généralisant leur propos à ces accords de principes « supérieurs » . Il ne s' agit pas uniquement d' idée ou de principes purement idéologiques puisque ces cités s' actualisent dans le monde des objets , des dispositifs et des « êtres » pour reprendre les termes de Boltanski et Thévenot : La « cité marchande » se structure autour de l' idée de concurrence entre les personnes pour l' accès à des biens plus ou moins rares . Ce qui est « grand » dans cette cité est ce qui est rare . Les sujets sont qualifiés de clients ou de fournisseurs , les objets sont représentés prioritairement par l' argent et la richesse . Dans la cité « civique » , le principe supérieur commun est la collectivité . Dans ce cas , les intérêts individuels s' effacent au profit de l' intérêt général . Le texte de loi est l' objet de référence . Dans la cité « domestique » , les relations inter-personnelles sont premières . Les positions hiérarchiques des individus sont établies indépendamment de leurs qualités personnelles . La famille et la communauté sont les références de cette « cité » . Les individus sont définis en fonction de leur position : le frère , la soeur , le père , le « sage » , etc . La cité « industrielle » se réfère à l' idée de la performance et de l' efficacité . La méthode , les outils de mesure et de contrôle sont les éléments-types de cette « cité » . Les sujets sont identifiés à partir de leur capacité de production ( leur efficacité ) . Dans la cité « inspirée » , le principe supérieur commun se réfère à la créativité , l' inspiration , la passion , l' exaltation ... les sujets représentatifs de ce monde sont généralement les artistes , soumis à la non-reconnaissance voire , pour quelques-uns , au mépris d' une majorité de l' opinion . La cité de « l' opinion » se caractérise par l' importance accordée au regard de l' autre . La célébrité et le succès sont les éléments représentatifs de ce monde . L' intérêt fondamental de cette « cité » repose sur l' opinion des autres . Les hommes politiques , les médias , certains artistes , ... sont caractéristiques de ce monde . Les situations d' interactions observées ne relèvent pas seulement d' une seule « cité » . Boltanski et Thévenot s' intéressent à la coexistence de plusieurs mondes , donc de plusieurs principes de justice mobilisés par les personnes pour argumenter et justifier leurs actions . Dans les situations de « disputes » ou de « litiges » , les individus mobilisent plusieurs principes de justice contradictoires et tentent de faire basculer l' un deux en leur faveur . Dans d' autres circonstances , des accords ou des compromis entre plusieurs mondes sont mis en oeuvre . Les conventions collectives , négociées par les syndicats et les entrepreneurs , sont un exemple de compromis entre le monde de la cité « civique » et le monde de la cité « industrielle » . Derouet et Dutercq ( 1997 ) se réfèrent au cadre théorique de la justification pour rendre compte , dans l' établissement scolaire , des accords construits par les individus puis des justifications mobilisées pour les agencer . Dans un premier temps , les auteurs vont analyser l' évolution des politiques éducatives à partir de la théorie de la justification . Derouet ( 1992 ) montre que le principe de justice de l' égalité des chances ( la cité « civique » ) a orienté , en France , la politique éducative et les débats autour de l' école pendant la première moitié du vingtième siècle . L' objectif était de garantir à tous les élèves , quelle que soit son origine sociale , les mêmes chances d' accès à la formation . Cet objectif a engendré la standardisation de la structure de l' école ( centrée sur le principe de la cellule-classe ) , les conditions de formation des enseignants , la construction du programme scolaire , etc. Depuis la réforme du collège unique , l' établissement scolaire devient l' unité de référence du système scolaire . L' institution décentralise certains de ses pouvoirs administratifs aux unités politiques locales et donne à l' établissement scolaire une responsabilité éducative ( via , entre autres , le projet d' établissement ) . Ainsi , l' auteur montre que d' autres principes de justice viennent coexister , parfois de manière contradictoire , avec celui de l' égalité des chances . Parmi ceux -ci , sont identifiés , dans les justifications des personnes , des principes relevant de la cité « domestique » . Est valorisé ici le modèle communautaire qui se fonde sur « les liens de personne à personne et sur l' enracinement dans le local. » . L' auteur identifie également la présence de principes de justice relevant de la cité « industrielle » . Les références aux compétences attendues , à la pédagogie par objectifs , à la standardisation des dispositifs d' évaluation , etc. sont caractéristiques de la recherche de l' efficacité dans le monde de l' enseignement . Puis , enfin , Derouet évoque l' irruption dans le monde scolaire du modèle marchand . Ce modèle s' actualise dans le choix des établissements scolaires par les usagers . La publication par la presse des taux de réussite des établissements scolaires français associée à une augmentation de la désectorisation , c' est-à-dire la permission , pour les usagers , de choisir leur établissement scolaire dans un secteur délimité , a favorisé les phénomènes de concurrences entre les établissements . Le travail de Derouet donne une interprétation théorique intéressante sur l' explication de l' évolution des politiques éducatives mises en oeuvre en France . A un autre niveau d' analyse , Derouet et Dutercq ( 1997 ) vont repérer , à partir d' une approche ethnographique , le travail de construction et de justification de l' action collective des individus au sein de l' établissement scolaire et des mondes de références mobilisés par ces derniers dans le quotidien . Les auteurs ont effectué des analyses de cas d' établissements scolaires . Les monographies montrent , dans un premier temps , une diversité des projets d' établissement . Le contenu de ces projets se rapproche soit d' une unité de service public , soit d' une entreprise performante , soit d' une communauté solidaire ou soit d' un service marchand . Les résultats mettent , d' autre part , en évidence une diversité des modes de coordination de l' action dans les établissements . Les auteurs identifient 4 modes de coordination : La méthode du « compromis en justice » : il s' agit de viser un accord en faisant en sorte que tous les individus participent , de manière égale , aux concertations . « L' enrôlement des acteurs » par un acteur de niveau supérieur qui est , en général , le chef d' établissement . Ici , l' accord n' est pas le résultat de la participation « équitable » des acteurs de l' établissement . Il résulte de l' imposition d' une vision du projet de l' établissement par un acteur plus puissant . A travers la « paix des objets » , les acteurs se coordonnent sur la base de dispositifs ( composés d' objets et d' humains ) autour desquels desquels il y a accord . Dans ce cas , « des gens peuvent s' entendre , travailler ensemble et contribuer en commun au bon fonctionnement d' un établissement , sans qu' il y ait accord entre eux , accord en tous cas sur ce qui peut paraître essentiel : l' interprétation du monde qui est là et la bonne forme de l' établissement . La paix est en revanche déterminée par la convergence sur un certain nombre d' action , de dispositions ou de dispositifs qui à eux seuls assurent la bonne marche du lycée. » ( Derouet et Dutercq , 1997 , pp . 18 - 19 ) . « L' évitement du débat en justice et la juxtaposition d' avantages particuliers » . Ici , les individus se mettent d' accord sur une cohérence d' un projet qui permet à chacun des acteurs de retirer un intérêt personnel . « Cette configuration de relations peut mener à une logique de partage de territoires faiblement coordonnés. » ( Dupriez , 2004 , p . 59 ) . Derouet et Dutercq montrent que le « compromis en justice » est un mode de coordination rarement observé dans les établissements scolaires . C' est le seul mode qui permet aux sujets de construire explicitement un accord . Ainsi , ces résultats indiquent qu' il existe d' autres formes de coordinations qui structurent les comportements des acteurs . La coordination a travers la « paix des objets » est un compromis implicite entre les acteurs qui s' appuient principalement sur des routines ou des modes d' action non conscientisés par les collectifs d' enseignants . 2.1.2 . 4 & 226;& 128;& 147; Synthèse critique L' approche interactionniste , proposée par Masson , met en évidence l' intérêt de prendre en compte les contraintes et ressources institutionnelles dont disposent les acteurs dans leur environnement local et , surtout , la manière dont les individus leur donnent sens dans les interactions quotidiennes . Les résultats de la recherche de Masson montrent bien que les interactions , dans l' établissement scolaire , entre les différentes catégories professionnelles ( enseignants , parents , élèves , conseillers principaux d' éducation , etc. ) ne se réduisent pas aux espaces d' échanges construits a priori par l' institution ( conseils des maîtres , conseil d' administration , etc. ) . Ces derniers constituent des ressources ou parfois des contraintes dans les situations d' interactions en fonction des significations que leur accordent les individus . L' approche interactionniste est pertinente pour analyser l' action collective des enseignants au sein de l' école puisqu' elle prend en compte les situations et la rationalité des acteurs . Néanmoins , il ne faudrait pas réduire l' explication des formes de coordination collective des enseignants à partir uniquement de ces éléments microsociologiques . La nature et la forme des pratiques collectives enseignantes , nous l' avons vu précédemment , sont également influencées par des éléments macro-sociaux , macro-économiques , macro-politiques et culturels qui dépassent les acteurs et les situations qu' ils rencontrent « ici et maintenant » . C' est la raison pour laquelle , il est nécessaire de compléter l' analyse interactionniste par une analyse structuro-fonctionnelle de l' école afin d' expliquer les pratiques collectives des acteurs et leur évolution au sein de l' établissement scolaire . L' analyse stratégique montre que l' action collective des individus n' est pas réductible aux tâches et aux rôles prescrits par l' organisation . En d' autres termes les pratiques professionnelles des individus ne sont pas déterminées par l' organigramme de l' organisation . Les individus élaborent des jeux relationnels dont le but est double : participer aux enjeux collectifs définis par l' organisation tout en préservant sinon en augmentant leur marge de liberté d' action . Pour ce faire , ils utilisent stratégiquement les zones d' incertitude pertinentes , laissées pour compte par l' organisation , pour augmenter leur pouvoir afin de réaliser leurs enjeux personnels . Crozier et Friedberg analysent ainsi l' action des individus à partir d' une approche instrumentale de la rationalité . Selon les auteurs , même s' il est nécessaire de ne pas négliger l' histoire personnelle des individus ( leurs catégories sociales et psychologiques a priori ) , celle -ci ne détermine pas leurs interactions dans l' organisation . Ils postulent que les acteurs ont une marge de liberté qui leur permet de mobiliser , plus ou moins consciemment , les éléments de leur histoire personnelle en fonction des contraintes et ressources dont ils disposent et construisent dans les systèmes d' action concrets dans lesquels ils s' investissent au sein de l' organisation . Paty l' illustre dans le cas des établissements scolaires secondaires . Il montre , entre autres , que l' exercice de la discipline des enseignants , en situation de classe , peut être fortement dépendant des ressources construites par le collectif d' enseignants ainsi que des actions stratégiques mises en oeuvre par le chef d' établissement . L' analyse stratégique proposée par Crozier et Friedberg est intéressante pour décrire et comprendre les pratiques collectives des enseignants à partir de leur rationalité instrumentale . Néanmoins , cette analyse fait le choix de mettre en évidence une partie seulement des pratiques enseignantes , celles qui sont conscientisées par les acteurs et celles qui sont stratégiques ( orientées moyen-fin ) . Or , il serait réducteur d' oublier que les pratiques professionnelles des enseignants ( dans ou hors de la classe ) sont également influencées par des éléments cognitifs et affectifs ( représentations individuelles et sociales , schèmes de perception et d' action , etc. ) non conscientisés , construits dans et par leur trajectoire personnelle et professionnelle . Pensons par exemple aux valeurs , aux normes sociales , culturelles et professionnelles intériorisées , difficilement explicitables par les enseignant , qui guident et orientent leurs activités individuelles et collectives au sein de l' école . La théorie de la justification analyse les pratiques collectives dans l' établissement à partir d' un tout autre point de vue que l' analyse stratégique . Les actions coordonnées des individus ne sont pas mues par des stratégies individuelles mais par la capacité de ces derniers à interpréter les situations à partir de catégories générales relevant de principes de justice . Ainsi , ils qualifient les êtres , les dispositifs et les objets à partir de champs ( ou « cités » ) illustrant des conceptions différentes de ce qui est juste ou non . Contrairement à Crozier et Friedberg , les conflits inter-personnels ne sont pas liés à des conflits d' intérêts particuliers mais à des conceptions différentes de la justice . Les individus mobilisent , dans leur travail interprétatif des situations , des « modèles » différents de justice , ce qui provoquent des incompréhensions voire des malentendus . A l' inverse , les individus , dans certaines situations d' interactions , coordonnent leurs actions à partir d' un référentiel commun de principes supérieurs de justice . Ainsi , les enseignants qui mettent en oeuvre des dispositifs , construisent des objets ou bien qualifient des êtres à partir d' une conception marchande , industrielle ou bien civique de l' école ne sont pas sans effet sur leurs modalités d' interrelations . D' autre part , Derouet et Dutercq montrent que la coordination de l' action entre les enseignants n' est pas forcément explicite . Ces derniers peuvent se mettre d' accord sur la mise en place de dispositifs ou bien d' objets sans s' être concertés au préalable sur leurs fonctions dans l' établissement . Il existerait , dans certains cas , une convergence implicite de points de vue dans les conceptions de justice qui s' actualiserait dans les objets et les dispositifs élaborés collectivement . 2.2 - Les études sur la relation entre le travail collectif des enseignants et les pratiques d' enseignement 2.2.1 - Présentation de quelques travaux Peu de travaux se sont penchés sur les relations entre le contexte de l' école et les pratiques d' enseignement . Dans les recherches présentées précédemment , certains auteurs ont mis en évidence ces relations . Paty ( 1981 ) , dans son analyse de l' action stratégique du personnel des établissements secondaires , a montré que les chefs d' établissement , dans certains cas , négocient avec les parents d' élèves afin de préserver l' autonomie des enseignants dans leur pratique en classe . Pour ce faire , ils mettent en oeuvre des stratégies pour tenir à distance les parents et éviter ainsi leur intervention régulière dans l' établissement . De même , l' auteur montre que les enseignants s' appuient parfois sur les ressources construites par le collectif d' enseignants pour exercer l' autorité en classe ( envoyer les élèves hors de la classe , etc. ) . Masson ( 1999 ) , dans son analyse des interactions quotidiennes du personnel des établissements secondaires , met en évidence que les parents d' élèves peuvent exercer une influence non négligeable sur le jugement scolaire des enseignants durant les temps non formalisés hors de la classe ( couloirs de l' école , sortie de l' école , etc. ) . Plus récemment , d' autres auteurs se sont intéressés aux liens entre le contexte de l' école et les pratiques d' enseignement dans une perspective descriptive et compréhensive . Parmi ces derniers , nous retiendrons les travaux de Dupriez ( 2005 ) et Marcel ( 2004 ) . A partir de démarches plutôt inductives , ils ont tenté de montrer les interrelations entre le travail collectif des enseignants en école primaire ( en France et en Belgique ) et les pratiques d' enseignement . Dupriez ( 2005 ) s' est intéressé , au sein de l' établissement scolaire , aux relations entre les formes du travail de coordination des enseignants et les formes de l' action éducative . Pour identifier des catégories de l' action pédagogique , l' auteur s' est appuyé sur le concept de « classification » développé par Bernstein ( 1973 ) . « Ce terme caractérise le degré de maintien des frontières entre les contenus d' enseignement , mais aussi entre les disciplines , traduites en programme d' étude. » ( Dupriez , 2005 , p . 2 ) . Une classification forte correspond à une forte séparation entre les objets d' enseignement . Une classification faible , à l' inverse , correspond à des frontières floues et étanches entre les disciplines et les objets d' étude . Dupriez va également s' appuyer sur les modalités de relations pédagogiques définies par Bernstein . Ce dernier distingue deux systèmes de relations présentes dans les énoncés et les pratiques pédagogiques des enseignants : un système qui se centre sur le travail d' instruction et un autre qui porte sur l' ordre social . « Bernstein considère que ces systèmes de règles oscillent entre un cadrage fort et faible . Un cadrage fort valorise chez les personnes en formation des attitudes de respect , d' attention et de réceptivité . Un cadrage faible valorise la créativité et l' interactivité » ( idem , p . 2 ) . En d' autres termes , cette distinction entre le degré de cadrage renvoie à une typologie d' organisation pédagogique mise en oeuvre par l' enseignant en classe . Un cadrage fort renverrait à une organisation pédagogique fortement maîtrisée par l' enseignant , laissant peu de place à l' improvisation et à l' initiative des élèves . Le cadrage faible , à l' inverse , renverrait à un type d' organisation pédagogique plus incertain quant à la prévisibilité des conditions d' enseignement et du comportement des élèves . Dans le cadre d' une étude longitudinale ( entre Mai 2002 et juin 2003 ) , Dupriez a mis en évidence , au sein de plusieurs écoles primaires , des relations entre les formes de travail collectif des enseignants et les modes d' appréhension du travail pédagogique en classe . D' un point de vue méthodologique , l' auteur a analysé des documents relatifs au projet des établissements , à des entretiens menés avec la direction et des enseignants et au développement de quatre séances d' intervention sociologique menées avec le personnel de chaque établissement . Les résultats présentent deux établissements les plus contrastés en terme de travail collectif des enseignants . Dans la première école primaire , le travail collectif est faible . Les temps de concertations sont régulièrement remplacés par d' autres activités , considérées plus urgentes ( remplacement de collègues , sorties scolaires , etc. ) . Au niveau des relations entre l' école et son environnement , les données montrent que les parents sont peu intégrés dans le fonctionnement éducatif de l' école ( l' association des parents a disparu , les parents pénètrent rarement dans les locaux de l' école , etc. ) . Enfin , au niveau des pratiques d' enseignement , les enseignants ont recours à une classification forte entre les disciplines : « les contenus d' enseignement doivent être dissociés dans un programme clair plutôt qu' agglomérés dans la définition de compétences larges que les élèves devraient maîtriser » ( idem , p . 4 ) . Le travail d' instruction a tendance à se centrer sur « une pédagogie à dominante frontale et transmise » et sur l' utilisation du même manuel dans toutes les classes de la même année d' étude . L' exercice de la discipline des enseignants a tendance , quant à lui , à se centrer sur un cadrage fort selon les termes de Bernstein . Dans la deuxième école primaire , à l' inverse , le travail de coordination entre les enseignants est important . Les temps de concertation sont programmés et organisés alternativement en école et en cycles . Il existe des échanges fréquents entre les enseignants d' un même cycle . De plus , les enseignants répartissent ponctuellement les élèves en groupes de besoins . Au niveau de la position des parents , ces derniers ont une présence importante au sein de l' école . Ils collaborent régulièrement avec les enseignants pour des surveillances et des animations d' activités . Au niveau du contenu d' enseignement , la classification des disciplines et des objets d' étude est relativement faible . Les enseignants juxtaposent régulièrement des apprentissages spécifiques et élaborent des projets interdisciplinaires . D' autre part , ils ont tendance à mobiliser un cadrage faible dans le travail d' instruction et la gestion de la discipline . Ils se centrent sur des pédagogies différenciées , adaptées aux besoins des élèves . De plus , ils négocient régulièrement avec les élèves et s' appuient sur leurs centres d' intérêts et les ressources de l' environnement . Marcel ( 2004 , 2005 ) a consacré plusieurs travaux afin de mettre à jour des éléments empiriques qui montrent que les pratiques enseignantes forment un système ( le SPPEP , voir précédemment ) au travers de la mise à l' épreuve de l' hypothèse suivante : « les pratiques d' enseignement ( individuelles , dans la classe , en présence des élèves ) ne sont pas indépendantes des autres pratiques enseignantes ( collectives , hors de la classe et de la présence des élèves ) » . Pour tester cette hypothèse , Marcel ( 2004 ) s' est centré sur les pratiques de prise en charge des difficultés des élèves en situation de classe et dans les cycles d' enseignement ( cycle 2 et 3 ) . Pour ce faire , plusieurs types de pratiques professionnelles relatifs à la prise en charge des difficultés d' élèves ont été étudiés au sein d' une école primaire : Des pratiques d' enseignement : deux formes de pratiques d' enseignement ont été étudiées , « l' une concernant la prise en charge des difficultés des élèves émergent [ 12 ] pendant une séance de classe , l' autre renvoyant à de la remédiation de difficultés « avérées » en mathématique au sein de petits groupes. » ( Marcel , 2004 , p . 81 ) . Des dispositifs partenariaux entre enseignants ( et avec les membres du RASED ) centrés sur la prise en charge des élèves en difficulté . Des pratiques au sein des conseils de cycles consacrés aux « passages » des élèves . Le dispositif d' observation a concerné toutes les classes de l' école durant des séances de mathématiques ( 26 séances ) et de français ( 24 séances ) . Les observateurs disposaient d' une grille d' observation avec des indicateurs de pratiques de prise en charge des difficultés des élèves . L' auteur montre qu' il existe des différences entre les pratiques collectives et individuelles des enseignants en fonction de chaque cycle d' appartenance ( cycle 2 et 3 ) . Ces différences ont été analysées à partir de deux organisateurs identifiés : « la position de l' élève » et « la position de l' enseignant » . Le terme « position » englobe à la fois « les comportements et les statuts réciproques dans la relation pédagogique directe ou indirecte ( rôles , répartition des initiatives , des responsabilités , etc. ) . » ( Marcel , 2004 , p . 92 ) . Les résultats montrent ainsi des différences dans les positions de l' élève et de l' enseignant en fonction des cycles 2 et 3 . Dans la relation pédagogique exercée par les enseignants de cycle 2 en classe , l' élève est doté de peu d' initiative . L' organisation pédagogique de la classe est majoritairement structurée par l' enseignant . Dans le cas des difficultés émergentes ou avérées , c' est l' enseignant qui intervient quand il le juge nécessaire . Il a tendance à traiter individuellement les difficultés émergentes , principalement celles des élèves aux résultats moyens . En dehors des pratiques d' enseignement , l' élève a une position « haute » selon les termes de Marcel . Il est au centre d' un dispositif partenarial qui s' actualise dans la constitution de groupes de lecture et , dans une moindre mesure , dans la collaboration avec les membres du RASED . De plus , lors des conseils de cycle , son comportement est pris en compte , « les pronostics sur son avenir scolaire sont plutôt empathiques et , in fine , la décision de passage se fait « objectivement » à l' aune de ses compétences , comme par souci de préserver l' équité. » ( idem , p . 93 ) . En cycle 3 , la position de l' élève est tout autre . En situation de classe , c' est lui qui prend l' initiative de signaler ses difficultés et c' est lui qui est associé à la définition des objectifs de la séance . L' élève est ainsi pleinement acteur dans sa démarche d' apprentissage . En dehors de la classe , la position de l' élève reste la même mais « elle est beaucoup moins à son avantage » ( p. 94 ) . En effet , durant les conseils de cycle , les observations montrent que l' élève est responsable de ses difficultés et il lui incombe de les assumer . La position de l' enseignant dans la classe est qualifiée par l' auteur de « dévolutrice » dans la mesure où l' élève doit lui même se prendre en charge . L' enseignant prend peu en charge les difficultés « émergentes » des élèves ayant des résultats moyens ou faibles ( sans que ce soit nécessairement délibéré ) . Il a tendance à les « évacuer » de la séance ou bien à les reporter dans le meilleur des cas . Concernant le travail collectif des enseignants de cycle 3 , l' auteur indique que ces derniers mettent peu de dispositifs en place et échangent peu fréquemment entre eux . Les enseignants utilisent des stratégies de désengagement vis à vis des élèves en difficulté , en expédiant des cas difficiles au collège ou en « responsabilisant » les élèves dans leur difficulté scolaire . Les résultats de cette recherche montrent que la prise en charge de la difficulté scolaire concerne les pratiques d' enseignement mais aussi l' ensemble des autres pratiques professionnelles hors de la classe ( conseils de cycle , etc. ) . D' autre part , les positions de l' élève et de l' enseignant , dans chacun des cycles , sont cohérentes au niveau des pratiques enseignantes dans et hors de la classe . Ces éléments permettent de penser qu' il existerait , au sein de l' établissement , une relation entre les pratiques d' enseignement et les pratiques collectives des enseignants mises en oeuvre durant les temps formalisés hors de la classe ( durant les temps de concertation en conseils de cycle ) . 2.2.2 & 226;& 128;& 147; Synthèse critique L' objet de recherche concernant la relation entre le travail collectif des enseignants et les pratiques d' enseignement , au sein de l' école , est relativement nouveau . C' est la raison pour laquelle peu de travaux se sont consacrés pleinement à cet objet . La sociologie des organisations s' est centrée « timidement » sur cette relation puisque son objet de recherche s' est davantage tourné vers l' analyse de l' action collective des personnels de l' établissement scolaire , sans délimiter les temps hors et durant les situations d' enseignement . Dupriez et Marcel sont , à notre connaissance , les premiers auteurs francophones qui se sont penchés spécifiquement sur cette question . Dupriez a ainsi montré que l' action collective des enseignants n' était pas sans effet sur certaines modalités de l' action pédagogique des enseignants en classe ( le contenu d' enseignement , l' exercice de la discipline et le travail d' instruction ) . Marcel s' est centré sur la prise en charge de la difficulté des élèves dans et hors de la classe . Il a mis en évidence la cohérence des « positions » de l' élève et de l' enseignant dans les pratiques d' enseignement et les pratiques collectives des enseignants hors de la classe ( pratiques partenariales avec le RASED , conseils de cycle , etc. ) . Ces premiers travaux permettent de ne pas rejeter l' hypothèse selon laquelle les pratiques d' enseignement sont en interdépendance avec le travail collectif des enseignants au sein de l' école . Certaines limites peuvent néanmoins être évoquées : Dans l' étude de Dupriez , la référence à la « classification » de l' action pédagogique des enseignants proposée par Bernstein peut sembler réductrice . L' auteur a en effet tendance à caricaturer des profils d' enseignement à partir des déclarations des enseignants . Ces profils sont définis à partir de grandes catégories ( « classification Faible / forte des contenus d' enseignement , cadrage faible / fort du travail d' instruction et de la gestion de la discipline ) qui ont l' avantage de pouvoir comparer facilement les pratiques d' enseignement mais le désavantage de réduire la complexité des pratiques à quelques variables simplifiées . La pratique d' enseignement ne peut être réduite à des catégories d' enseignement ou à des portraits d' enseignants binaires du type autoritaire / laisser-faire , bons / mauvais , cadrage fort / cadrage faible , etc. Son organisation est plus complexe . La nature et la fréquence des modalités d' action mises en oeuvre par l' enseignant à un temps « t » peuvent varier en fonction de plusieurs paramètres tels que l' environnement , les caractéristiques personnelles mobilisées par l' enseignant et la configuration générale de la pratique . Dans ces conditions , il est difficile de résumer les pratiques d' un ( ou plusieurs ) enseignant ( s ) à un style ou à une méthode pédagogique spécifique ( Bru , 2006 ) . Dans les études de Marcel et Dupriez , les catégories d' analyse relatives aux pratiques collectives des enseignants au sein de l' école sont « larges » . Cela peut s' expliquer par la démarche inductive et exploratoire privilégiée par les auteurs pour appréhender le travail collectif des enseignants . Néanmoins , il serait plus pertinent , à l' avenir , de délimiter le travail collectif des enseignants à partir de quelques variables ( plus fines ? ) afin de pouvoir , dans de prochaines recherches , établir des relations d' ordre quantitatif . Enfin , les auteurs ont privilégié une démarche de recherche à visée descriptive afin d' identifier des relations entre le travail collectif des enseignants et les pratiques d' enseignement en classe . Cette orientation de recherche peut s' expliquer par le manque de données empiriques , à l' état actuel , qui puissent confirmer l' existence de ces relations . Néanmoins , il est important , pensons -nous , de ne pas rester au niveau du recueil des données de terrain mais de tenter de comprendre et d' expliquer les conditions de production de ces relations constatées . Pourquoi certaines modalités du travail collectif des enseignants entrent -elles en relation avec certaines modalités d' action pédagogique de l' enseignant en situation de classe ? 3 - problematique de recherche L' état actuel des recherches sur le travail enseignant est peu centré sur les pratiques collectives des enseignants dans l' école et encore moins sur les relations entre ces dernières et les pratiques « individuelles » des enseignants en situation de classe . Les recherches sur l' établissement scolaire , largement inspirées du champ de la sociologie des organisations , se sont principalement intéressées soit à l' organisation structurelle et fonctionnelle de l' école , soit au travail collectif des acteurs , à travers leurs interactions , leurs stratégies ou leurs justifications . Depuis fort récemment , certains auteurs se penchent sur la question et tentent de décrire les relations entre le travail de coordination des acteurs de l' école et les pratiques d' enseignement . Néanmoins un certain nombre de limites mettent en évidence le fait qu' il est nécessaire d' approfondir ces recherches afin d' identifier plus « finement » ces relations . De plus , il nous semble opportun de proposer des hypothèses théoriques afin de les expliquer . Nous présentons deux questions qui guideront , tout au long de cette thèse , notre recherche sur le travail enseignant : Question n° 1 : existe -t-il une relation entre le travail collectif des enseignants dans l' école et les configurations de modalités d' action mises en oeuvre par les enseignants en situation d' enseignement ? Si oui , quelles sont les modalités sur lesquelles joue cette relation ? Pour décrire les relations entre les pratiques collectives des enseignants dans l' école et les pratiques d' enseignement , nous partirons de ces dernières . A partir du cadre théorique de Bru , nous décrirons tout d' abord des configurations de modalités d' action pédagogique et didactique mises en oeuvre par les enseignants en classe et leur évolution dans le temps . Ensuite , nous mettrons en relation ces configurations constatées ( et leur évolution ) avec les modalités de travail collectif mises en oeuvre par les enseignants au sein des écoles . Question n° 2 : s' il existe des relations entre le travail collectif des enseignants dans l' école et les pratiques d' enseignement , comment les expliquer ? Quel ( s ) cadre ( s ) théorique ( s ) mobiliser ? Pour cette seconde question , nous nous centrerons sur le sujet-enseignant et plus précisément sur les processus d' apprentissage professionnel de l' enseignant . Nous partirons de l' hypothèse générale que le travail collectif , au sein de l' école , favorise , chez les enseignants , la mise en oeuvre de processus sociocognitifs [ 13 ] . Ces derniers participeraient ainsi à la construction et à la mobilisation de savoirs professionnels des enseignants relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement . Le schéma ci-dessous illustre l' explication des pratiques d' enseignement à partir des processus sociocognitifs . Nous faisons l' hypothèse que ces processus se construisent en interdépendance avec les trois éléments suivants : les ressources cognitives de l' enseignant , la configuration de modalités d' action didactique et pédagogique mises en oeuvre par l' enseignant en situation de classe au temps « t » et , enfin , le travail collectif réalisé avec les collègues de travail au sein de l' école . Schéma 5 - La relation entre le travail collectif des enseignants au sein de l' école et les pratiques d' enseignement Dans la prochaine partie , nous effectuerons une revue des travaux relatifs aux théories sociocognitives . A partir de ces dernières , nous tenterons de déterminer en quoi le travail collectif peut être source d' apprentissage , chez l' enseignant , de savoirs professionnels individuels relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement . 4 - Synthèse du chapitre 2 La massification scolaire associée à l' augmentation de l' hétérogénéité sociale et culturelle des élèves a suscité , ces dernières années , l' autonomie croissante des établissements scolaires dans la gestion des modalités organisationnelles , pédagogiques et matérielles ( Jellab , 2004 , Maroy , 2006 ) . Cette autonomie s' est accompagnée , dans les pays occidentaux , d' un processus de professionnalisation du travail enseignant ( Bourdoncle , 1991 ; Lang , 2001 ; Jorro , 2002 ) , favorisant la responsabilité individuelle et collective des enseignants dans la prise en charge des tâches de travail dans et hors de la classe . Pour encourager la responsabilité des équipes éducatives au sein des établissements , l' institution a mis en place un certain nombre de dispositifs ( les CEL , le projet d' école , etc. ) , de moyens ( les membres du RASED , les assistants d' éducation , les maîtres surnuméraires dans les écoles ZEP , etc. ) et , par le même intermédiaire , a prescrit des temps de concertation obligatoire entre les enseignants et les autres acteurs de l' école concernés par l' éducation des élèves ( parents d' élèves , assistants d' éducation , intervenants culturels , animateurs de CLAE , etc. ) . Ainsi , depuis quelques décennies , les tâches professionnelles de l' enseignant se sont largement diversifiées au primaire comme au secondaire . Cette évolution du métier d' enseignant incite à ne pas réduire l' étude du travail enseignant aux pratiques d' enseignement réalisées en situation de classe . Il est nécessaire de considérer le métier d' enseignant comme toutes les autres formes de travail sur et pour autrui ( Tarif et Lessard , 1999 ; Dubet , 2002 ) . Dans ce cadre , nous le définirons comme un système de pratiques professionnelles composé de pratiques individuelles ( l' enseignant seul ) et collectives ( l' enseignant collabore avec au minimum un collègue de travail ) , réalisées durant et hors des temps d' enseignement . Les pratiques individuelles de l' enseignant correspondent généralement aux pratiques d' enseignement réalisées en situation de classe ( l' enseignant seul avec ses élèves ) mais elles peuvent également concerner les pratiques de préparation et d' évaluation des tâches d' enseignement réalisées en dehors de la présence des élèves . Les pratiques collectives représentent les modalités d' interrelations de l' enseignant avec ses collègues de travail durant des temps formalisés ( conseils d' école , de cycles , des maîtres , etc. ) et non formalisés ( récréations , les temps de repas du midi , les temps d' accueils et de sorties des élèves , etc. ) . Concernant ces dernières , nous pouvons distinguer plusieurs catégories de collaboration enseignante : celles qui sont liées à la planification et à l' évaluation de l' enseignement entre les enseignants de même degré ou de même cycle d' apprentissage , celles qui sont liées au partage des tâches pédagogiques ( échanges de service d' enseignement ) et/ou de savoirs professionnels particuliers ( échanges sur les pratiques d' enseignement ) , à la mise en oeuvre de règlements , de projets ou bien de dispositifs pédagogiques inter-classes ( mises en place de groupes d' élèves de niveaux homogènes ) puis enfin celles qui ont , comme principale fonction , de favoriser la sociabilité des enseignants avec leur collègue de travail ( discussions sur des sujets hors scolaire durant les temps informels ) . Peu de recherches se sont intéressées au travail collectif des enseignants au sein des écoles primaires et encore moins à la relation entre le travail collectif des enseignants et les pratiques d' enseignement en situation de classe . La plupart des travaux relatifs au thème de l' école s' inscrivent dans le champ de la sociologie des organisations . Deux paradigmes de recherche peuvent être identifiés : les recherches qui se sont centrées sur l' étude de l' organisation structurelle de l' école et les travaux qui se sont focalisés plus spécifiquement sur le travail des acteurs au sein de l' établissement ( Dupriez , 2004 ) . Les premières ont mis en évidence le fait que l' organisation particulière de l' école ( standardisation des moyens donnés aux enseignants , liberté laissée aux enseignants dans le choix des procédures de travail ) est fortement influencée par son environnement social , politique et idéologique . Les deuxièmes , qui se sont particulièrement centrées sur le travail des acteurs au sein de l' établissement , ont montré l' intérêt de prendre en compte leurs interprétations des situations , des objets et des interactions avec autrui . Les travaux sociologiques sur l' école ont ainsi fait apparaître que les modalités de coordination qui se construisent entre les acteurs d' un établissement sont dépendantes à la fois des prescriptions promulguées par l' institution ( les moyens accordés , les objectifs relatifs aux programmes scolaire , les statuts professionnels , etc. ) et de la manière dont les acteurs , à partir de leurs caractéristiques personnelles ( ressources cognitives et affectives , projets personnels et professionnels ) et des éléments appartenant à leurs contextes d' action ( contraintes et ressources dont ils disposent dans et hors de l' établissement ) , construisent des problèmes particuliers puis élaborent des systèmes d' interdépendance et de coopération pour les résoudre . Depuis fort récemment , certains auteurs francophones ( Dupriez , 2005 ; Marcel , 2004 ) ont mis en évidence des relations entre les modes de coordinations des acteurs professionnels au sein de l' école et les pratiques d' enseignement . Néanmoins , un certain nombre de limites montrent que leurs travaux doivent être approfondis et complétés afin d' identifier plus « finement » ces relations et , d' autre part , de proposer des hypothèses théoriques afin de les expliquer . Dans le cadre de cette recherche nous proposons de centrer , dans un premier temps , notre étude sur la description des relations entre le travail collectif des enseignants du primaire et les configurations de modalités d' action mises en oeuvre par ces derniers en situation d' enseignement . Dans un deuxième temps , nous expliquerons ces relations constatées à partir des processus sociocognitifs construits et mobilisés par les enseignants . Nous ferons l' hypothèse générale que le collectif d' enseignants , à travers ses activités mises en oeuvre au sein de l' école , participe à la construction et à la mobilisation de savoirs professionnels individuels des enseignants relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement . Cette hypothèse s' appuie sur l' idée selon laquelle trois éléments interdépendants sont à la fois producteurs et produits des processus sociocognitifs participant à organiser les pratiques d' enseignement : les ressources cognitives de l' enseignant ( savoirs professionnels relatifs à la tâche d' enseignement ) , le travail collectif de l' enseignant avec ses collègues de travail et la configuration des modalités d' action réalisées par l' enseignant en situation d' enseignement . PARTIE 2 ORIENTATIONS THEORIQUEETMETHODOLOGIQUE Introduction de la partie 2 La problématique de recherche présentée précédemment a montré l' intérêt scientifique et social d' étudier la relation entre le travail collectif des enseignants au sein de l' école et les configurations des modalités d' action mises en oeuvre par ces derniers en situation d' enseignement . Dans cette partie , nous décrirons , dans un premier temps , l' orientation théorique qui explique cette relation . Dans un deuxième temps , nous présenterons le sujet sur lequel notre objet de recherche s' est focalisé puis , dans un troisième temps , nous exposerons notre orientation méthodologique qui s' articule avec le cadre théorique proposé précédemment et dont la fonction sera d' expliciter et de justifier les études empiriques mises en oeuvre dans cette recherche ( l' élaboration des outils de collectes des données et les choix d' analyse des données ) . Nous proposons de décrire , de manière plus détaillée , les chapitres constitutifs de cette partie . Dans la chapitre 3 , nous exposerons le cadre théorique . Nous partirons de l' hypothèse générale selon laquelle l' enseignant apprend et se développe professionnellement par la médiation des pratiques collectives mises en oeuvre avec ses collègues de travail ( collègues enseignants et non-enseignants ) au sein de l' école . L' enseignant construirait des savoirs professionnels relatifs à la prise en charge des tâches d' enseignement dans et par les activités réalisées avec le collectif de l' école . Pour appuyer cette hypothèse , nous convoquerons les principales théories sociocognitives issues du champ de la psychologie et de la psychologie sociale puis nous les transposerons dans le champ professionnel de l' enseignant du primaire . Nous montrerons en quoi les enseignants peuvent acquérir des savoirs professionnels dans et par des situations d' activité instrumentée par le collectif de l' école puis dans et par les situations d' interrelations produites avec les collègues de travail durant les temps hors de la classe . Dans le chapitre 4 , nous présenterons le sujet de recherche sur lequel seront centrées nos études empiriques . Nous nous intéresserons aux pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en situation d' enseignement . Dans ce chapitre , nous ferons un état des lieux , non exhaustif , des recherches qui ont investi ce thème puis nous montrerons l' intérêt scientifique d' étudier ce sujet particulier à travers le prisme de notre objet de recherche : les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en fonction des modalités du travail collectif des enseignants au sein de l' école . Enfin , dans le chapitre 5 , nous présenterons la démarche méthodologique . Nous discuterons de l' intérêt d' articuler deux approches méthodologiques pour appréhender l' objet de recherche : une approche quantitative et une approche qualitative ( via la mise en oeuvre d' études monographiques ) . Ces deux approches , complémentaires et interdépendantes , ont pour objectif de produire une intelligibilité sur les 1 ) modalités de travail collectif des enseignants au sein de l' école primaire , 2 ) les pratiques de prise en charge des élèves dits en difficulté en situation d' enseignement , puis 3 ) leurs interrelations . Enfin , nous terminerons ce chapitre par la présentation des outils mobilisés pour collecter , traiter et analyser les données . Chapitre 3 Les pratiques collectives enseignantes , source d' apprentissage professionnel des enseignants Nous l' avons vu ci-dessus , de récentes recherches ont fait apparaître des relations entre les pratiques collectives des enseignants et les pratiques d' enseignement . Néanmoins , peu d' entre elles ont tenté d' identifier et d' expliquer les processus qui génèrent ces relations . En nous appuyant sur les travaux de Marcel ( 2005 ) , nous partirons de l' hypothèse que les pratiques collectives enseignantes sont source d' apprentissage professionnel des enseignants . En d' autres termes , les pratiques collectives des enseignants sont contributrices de construction et de mobilisation de savoirs professionnels . Ces savoirs peuvent être répertoriés , selon Marcel , en quatre catégories : les savoirs individuels ( de chaque enseignant ) et collectifs ( de l' équipe pédagogique ) relevant de la prise en charge des tâches professionnelles et ceux relevant de la socialisation professionnelle . La distinction entre les savoirs centrés sur les tâches professionnelles et ceux relevant de la socialisation professionnelle s' appuie , entre autres , sur la définition du travail enseignant proposé par Tardif et Lessard ( 1999 ) . Ces derniers définissent le travail enseignant à partir de trois dimensions : l' activité , le statut et l' expérience . Ils proposent d' abord d' analyser le |