La Dépêche

Corpus:
Chambers-Rostand (E)
Filename:
La Dépêche
Contact:
Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
Annotation tiers:
Annotation automatique
Annotation status:
automatique
Type:
presse écrite
Text type:
presse quotidienne régionale
Modality:
écrit
Sample address:
/annis-sample/chambers-rostand/1_D_E_040502.html
Text:
Défendre notre avenir Jusqu'ici nous vivions « tous ensemble » sur un modèle qui assurait tour à tour l' alternance ou la cohabitation , et favorisait une sorte de consensus , à droite comme à gauche , chacun considérant que les deux grandes familles politiques ne faisaient pas d' ombre aux libertés formelles et assuraient au pays une garantie républicaine à toute épreuve . Aujourd'hui , une force politique extrémiste , ayant habilement modéré son discours durant la campagne électorale et camouflé son instinct d' intolérance , perturbe la « paix franco-française » en se servant du sentiment d' abandon partagé par une partie de notre peuple . S' il est indispensable d' unir nos efforts pour disqualifier l' extrême-droite , pour battre son chef dès ce dimanche , il est tout autant nécessaire de répondre point par point à l' angoisse de nombreux concitoyens . L' insécurité dans la rue est une réalité qui frappe d' abord les milieux populaires . Ceux -ci ne se sentent plus protégés par l' Etat - c' est-à-dire par la police et les services publics , notamment dans les quartiers difficiles . Pendant longtemps , la gauche a voulu l' ignorer pour ne pas céder au discours du « tout-sécuritaire » , alors que la droite y avait recours pour de simples calculs électoralistes . Désormais , l' ensemble des forces politiques doit prendre réellement en charge cette désespérance populaire . En corollaire , nous pensions que l' école constituait le meilleur rempart , que l' éducation confortait l' esprit citoyen , que la lutte contre le chômage pourrait endiguer les réflexes « antisociaux » , que la solidarité permettait l' insertion de tous dans la société française . Nous le pensons toujours , même si la réalité n' est pas aussi simple . D' autre part , l' Europe est un idéal politique que beaucoup d' Européens convaincus n' ont pas su transmettre . Ils ont laissé à d' autres le soin d' insinuer que tous les malheurs du pays venaient de là , et qu' il suffirait de fermer les frontières pour vivre , en vase clos , dans un paradis national . Il faut rappeler que l' Europe unie est une idée de paix , lancée au lendemain de la Seconde guerre , qu' elle a permis dans nos pays l' enracinement démocratique , qu' elle est source de richesses pour l' agriculture et pour de très nombreuses entreprises à commencer par celles de l' aéronautique , et qu' elle assure aux terroirs les moins favorisés la solidarité des plus riches . Enfin , le rejet des partis et des élus , le fameux slogan du « tous-pourris » , distillé depuis longtemps par l' extrême-droite , ont fait croire à une bonne partie de l' électorat que la politique ne la concernait plus . Cette idée malsaine , qui , demain , si l' on n' y prenait garde , pourrait gravement menacer la liberté , est également une idée fausse : dans le pays , nous connaissons tous des élus de terrain au service des citoyens , qui ne sont avares ni de leur temps ni de leur dévouement . L' oublier est injuste . Il est temps de réhabiliter le politique dans ce qu' il a de plus noble : la recherche permanente d' une organisation de la société plus juste mais aussi plus vivante et plus fraternelle . C' est ici le rôle des organisations politiques qui doivent , avant tout , par l' échange des idées , être au service des Français . A cet égard , je note que , dans le malheur , nous assistons depuis quinze jours à un éveil ( et à un réveil ) des consciences . La jeunesse en est le symbole , mais ce sursaut touche également tous les âges et toutes les classes sociales . Très nombreux sont ainsi nos concitoyens à bien affirmer leur attachement à la démocratie , à bien mesurer qu' elle n' est pas proclamée une fois pour toute , et à se lever lorsqu' elle leur semble en péril . Car la France doit vivre dans le monde , échanger avec le monde , apprendre sa diversité . Elle doit miser sur ses propres forces , celles des hommes et des femmes de ce pays , sur leur travail , leurs talents , leur richesse intellectuelle , leurs différences culturelles . « La Dépêche » a toujours été de ce combat humaniste . C' est sa fierté et le sens de son indépendance . Elle s' inspire bien sûr d' une longue histoire , des valeurs républicaines qui nous sont chères et , nous le sentons aujourd'hui , indispensables . Ce combat est celui de la tolérance contre l' exclusion , de la réconciliation contre la haine , de la solidarité contre le repli sur soi . Ce combat est un combat pour la France , pays des droits de l' Homme , pour son image à travers le monde . Nous avons ressenti comme une injustice l' élimination de la gauche au premier tour de l' élection présidentielle , parce que nous pensions que son action avait été méritoire . Nous l' avons d' autant plus ressenti qu' il y eut , ce jour -là , un trop grand nombre d' abstentions . Nous avons applaudi l' élan de la jeunesse puis la formidable mobilisation du 1er Mai . Il nous reste à voter demain . Voter pour Jacques Chirac . Sans état d' âme et sans pincettes . Voter massivement pour le candidat républicain . Certes , j' ai souvent combattu ses idées , ses projets , ses propos . Mais un adversaire n' est pas un ennemi . L' affrontement appartient au débat politique ordinaire , or nous sommes dans une situation extra-ordinaire . Par contre , dès lundi , une fois le péril écarté , nous reprendrons chacun nos engagements pour ouvrir le débat sur les législatives . En attendant , demain , il n' y a pas de place pour les polémiques et les arrières pensées . Il y va de l' avenir du pays , de celui de nos familles , de nos enfants , de toutes celles et ceux qui vivent chez nous - bref de notre avenir commun . Dimanche , c' est lui que nous défendons .