L'Humanité

Corpus:
Chambers-Rostand (E)
Filename:
L'Humanité
Contact:
Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
Annotation tiers:
Annotation automatique
Annotation status:
automatique
Type:
presse écrite
Text type:
presse quotidienne nationale
Modality:
écrit
Sample address:
/annis-sample/chambers-rostand/1_H_E_040902.html
Text:
Poker menteur ( SMIC et 35 heures : le premier ministre n' est pas en train d' arbitrer , il est à l' attaque , poussé par les " ultras " du patronat ) Le numéro de duettistes joué depuis quarante-huit heures par le gouvernement d' un côté et le patronat de l' autre relève du grand art . A en croire les médias , qui plongent bien facilement dans le piège , le MEDEF est très en colère contre le gouvernement et son ministre des Affaires sociales , François Fillon . L' objet prétendu du courroux patronal : le SMIC et les 35 heures . Dans ces deux dossiers chauds , le premier ministre Jean-Pierre Raffarin serait devenu un simple " arbitre " , qualificatif repris hier matin à la une des Échos , de la Tribune et du journal le Monde . Comme chacun sait , un arbitre est impartial , il fait juste respecter la règle du jeu entre deux adversaires , en l' occurrence le patronat et les syndicats . En somme , le gouvernement chercherait à couper la poire en deux . Incroyable numéro d' illusion , au moment où l' annonce faite par le ministre des Affaires sociales au patron du MEDEF confirme le terrible coup fourré envisagé contre les 35 heures . Quels sont les faits ? Le ministre des Affaires sociales envisage de réduire à néant les effets de la réduction du temps de travail , en relevant par décret ( donc sans débat parlementaire ni accord des syndicats ) le quota des heures supplémentaires auquel un patron peut avoir recours pour contourner la RTT . Il veut le faire sans attendre , puisque le projet est déjà inscrit à l' ordre du jour du Conseil des ministres pour le 18 septembre . Sur quoi porte donc la " colère " d' Ernest-Antoine Seillière ? La portée de ce décret ne serait pour le moment fixée qu' à douze à dix-huit mois . Or , le patronat veut tout , tout de suite , sans délai ni possibilité de retour . Sur le SMIC , le marché de dupes est de même nature . Le gouvernement prétend désamorcer la bombe à retardement créée par les dispositions salariales de la loi Aubry . On sait que sous la pression du patronat , contre l' avis des communistes et de nombreux syndicalistes , le gouvernement de Lionel Jospin s' était refusé à une application de la RTT sans réduction de salaire . Cela a débouché sur une usine à gaz avec plusieurs niveaux de SMIC , variables en fonction des dates d' entrée dans les dispositifs RTT . Cette situation est devenue ingérable . Que choisit le gouvernement Raffarin pour en sortir ? Un rattrapage des plus bas niveaux de SMIC sur plusieurs années , compensé par un blocage du pouvoir d' achat du salaire minimum et de nouvelles baisses de cotisations patronales . Mais le MEDEF serait paraît -il furieux . Sur quoi donc là encore porte la " colère " patronale ? Tout simplement sur l' ampleur et le rythme de ces allégements . Ernest-Antoine Seillière en veut plus , encore et toujours plus . Qu' on n' essaie donc pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes , le premier ministre n' est pas en train d' arbitrer , il est sur le front de l' attaque , décidé à marquer le plus de buts possible contre le camp des travailleurs . Dans la tribune des VIP , Ernest-Antoine Seillière porte haut la bannière des " ultras " . L' équipe gouvernementale et ses supporters patronaux tirent bien dans le même sens . Le gouvernement veut aller vite . Le MEDEF joue les épouvantails , histoire de maintenir à distance le maximum de salariés . Il est urgent de déjouer cette partie de poker menteur , sinon la majorité d' entre eux risquent d' y perdre gros , très gros .