L'Humanité

Corpus:
Chambers-Rostand (E)
Filename:
L'Humanité
Contact:
Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
Annotation tiers:
Annotation automatique
Annotation status:
automatique
Type:
presse écrite
Text type:
presse quotidienne nationale
Modality:
écrit
Sample address:
/annis-sample/chambers-rostand/1_H_E_121002.html
Text:
Guerre propre ? ( La guerre de l' emploi est de nouveau déclarée , et comme d' habitude les salariés servent de chair à canon . ) Le discours des patrons qui licencient ressemble en ce moment à celui de ces militaires de haut rang qui remplacent désormais dans leur communication le gros mot de " bombardements " par celui de " frappes chirurgicales " . Là où ces derniers tentent de nous faire avaler le concept de " guerre propre " , les autres n' ont qu' un mot à la bouche : " plan social exemplaire " . En somme , tous seront licenciés , mais tous seraient épargnés . L' affaire ne manque pas d' indécence , quand on sait que les mêmes patrons montent au créneau , par MEDEF interposé , pour demander la liquidation de la loi de modernisation sociale , justement parce qu' elle contient des dispositions destinées à limiter le recours aux licenciements . N' en doutons pas , la guerre de l' emploi est de nouveau déclarée . En quelques semaines , la carte de France s' est couverte de points noirs . Des plans massifs de suppressions d' emplois sont annoncés dans tout l' Hexagone . Ils frappent indistinctement cadres et ouvriers , industries traditionnelles et secteurs de haute technologie . Par milliers , chaque semaine , des familles entières voient leurs projets de vie s' effondrer . A Wattignies , dans le Nord , les ouvrières de La Pie qui chante vivent en ce moment le même drame , les mêmes angoisses , les mêmes peurs du lendemain que les ingénieurs de Hewlett Packard à Grenoble . Les fauves sont lâchés . Le monde capitaliste a peur . Peur de sa propre crise . Peur des conséquences du terrible jeu de massacre boursier engagé à l' échelle du monde pour purger les bulles financières accumulées . Chaque groupe cherche à sauver sa peau en tirant à boulets rouges qui sur son concurrent de toujours , qui sur son allié d' hier . Les salariés servent de chair à canon . Des géants , présentés il y a peu comme de grands vainqueurs , sont dépecés , à l' image de Vivendi . Une redoutable fuite en avant est engagée . Alors que la crise trouve racine dans l' excès de croissance financière , les licenciements massifs vont aggraver les problèmes de débouchés , et accélérer la dégradation des chiffres de la croissance . Poussant jusqu'au bout la folle logique de la purge , certains stratèges parient sur la guerre en Irak comme un remède de cheval , mais d' autres , même chez les dirigeants capitalistes , s' effraient qu' il ne fasse monter la fièvre . Face à d' aussi inquiétantes perspectives , la politique du gouvernement Raffarin est gravement inadaptée . Dans son constat , elle minimise la lourdeur de la crise . Dans ses traitements , elle donne quitus au patronat qui réclame un nouvel écrasement des coûts salariaux , comme si une telle mesure était de nature en pareil cas à soutenir l' emploi . C' est exactement le contraire . Ces nouvelles armes ne serviront qu' à accélérer l' ajustement des bilans au détriment de l' emploi et des salaires . Tous ces milliards finiront dans le puits sans fond de la tourmente boursière . En France comme dans le monde , les politiques économiques doivent radicalement changer de cap , sous peine d' entraîner de graves effondrements . L' Argentine n' est pas une planète lointaine . Les nouvelles technologies doivent être mises au service d' une économie de développement durable et partagé , et non au service d' une guerre de marchés éphémères , dans laquelle le seul objectif est d' écumer au plus vite , et de la manière la plus rentable possible , les potentiels nouveaux de consommation . De la même façon , le financement des économies doit être réformé pour privilégier le crédit aux investissements durables et non le gonflement des rendements boursiers à court terme . A la précarisation du travail doit être substituée une autre conception de la mobilité des salariés , faite de sécurité et de formation . A travers la crise de l' emploi qui fait rage de nouveau , ce sont bien deux conceptions du développement , du financement et du travail qui s' affrontent . Deux conceptions radicalement différentes de l' avenir de nos sociétés .