L'Humanité

Corpus:
Chambers-Rostand (E)
Filename:
L'Humanité
Contact:
Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
Annotation tiers:
Annotation automatique
Annotation status:
automatique
Type:
presse écrite
Text type:
presse quotidienne nationale
Modality:
écrit
Sample address:
/annis-sample/chambers-rostand/1_H_E_200703.html
Text:
Du sang sur les mains David Kelly est une victime de plus des mensonges d' État auxquels ont eu recours Bush et Blair pour tenter de rallier l' ONU à la guerre contre l' Irak . On ne saura jamais quel a été le principal tourment moral qui fût assez intense pour conduire le scientifique britannique David Kelly à se trancher les veines du poignet dans la forêt de Harrowdown Hill , à quelques kilomètres de sa maison , près des siens . Mais cet épisode dramatique en dit long sur les pressions que cet ancien inspecteur en désarmement , devenu conseiller au ministère de la Défense , a subies depuis que son nom a été cité comme un des " sources " qui auraient permis à la BBC de dévoiler l' ampleur des mensonges de Tony Blair pour justifier par avance la guerre contre l' Irak . Quel rôle exact Kelly avait -t-il joué de par sa fonction officielle durant toute cette période de pré-guerre ? A -t-il éprouvé l' amère impression que l' éthique de chercheur avait été instrumentalisée , déformée , violée par un pouvoir politique qui se comportait en supplétif zélé de George Bush ? A -t-il découvert , comme le lui avait fait observer un député , lors de son audition du 15 juillet devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes , qu' il faisait office de bouc émissaire , jeté en pâture comme " mouchard " par le ministre de la Défense , Geoff Hoon , et Alastair Campbell , le grand communicateur de Tony Blair ? Au delà des circonstances de cette tragédie humaine , la mort d' un ancien inspecteur en désarmement spécialiste des armes chimiques et bactériologiques est tout un symbole . Le bras de fer qui avait opposé pendant de longues semaines , au sein du Conseil de sécurité de l' ONU , Américains et Britanniques au " camp de la paix " ( France , Allemagne , Russie principalement ) avait précisément tourné autour du rôle des inspections . Les premiers , qui prétendaient disposer des " preuves " de l' existence des armes de destruction massive ( ADM ) en Irak , souhaitaient éviter le retour des inspecteurs . Les seconds , nullement convaincus par les affirmations américano-britanniques , voulaient donner aux missions de l' ONU et de l' AIEA les moyens - dont le facteur temps - pour mener leurs investigations . Tel était , en dépit de ses ambiguïtés , l' esprit de la résolution 1441 , à laquelle Washington et Londres avaient été contraints finalement de se résoudre , convaincus qu' ils finiraient bien par imposer la guerre . L' accord de l' ONU ne vint jamais , mais l' opération militaire fut déclenchée . Les images des inspecteurs quittant Bagdad en catastrophe signent la violation de la légalité internationale par George Bush et son allié Tony Blair . La mise à mort de la mission de l' ONU ouvrait la voie à la guerre . David Kelly croyait sans doute que le gouvernement utiliserait honnêtement ses informations rigoureuses fondées sur sa bonne connaissance de l' armement irakien . Tragique illusion . La guerre était décidée , il fallait juste en rendre plus " sexy " les motivations . Faute de preuves , les dirigeants américains et britanniques se sont engagés dans une fuite en avant de mensonges à grande échelle . Ne convainquant personne avec des images satellitaires floues , une fiole brandie par Powell devant le Conseil de sécurité ... Bush et Blair en personne sont montés au créneau pour énoncer des contrevérités grossières . Le président américain d' affirmer que Saddam Hussein s' était procuré de l' uranium au Niger . Bidon , conviendra la CIA . Les ADM irakiennes peuvent entrer en action en 45 minutes , prétendra Tony Blair , qui voulait faire trembler la vieille Europe ... Faux , archi-faux , reconnaît -on aujourd'hui au bord de Tamise . " M. Blair , avez -vous du sang sur les mains ? " a lancé un confrère britannique à un premier ministre blême et sans voix , lors de la conférence de presse concluant sa visite au Japon . Le journaliste pensait au scientifique entraîné dans une mortelle aventure qui l' a vite dépassé . David Kelly n' est qu' une victime de plus , qui s' ajoute aux milliers d' Irakiens écrasés sous les bombes et aujourd'hui aux soldats d' occupation , nouvelles cibles d' une guerre qui n' en finit pas . Quand donc Bush et Blair vont -ils payer le prix politique de leurs forfaitures ? That is the question .