Le Monde

Corpus:
Chambers-Rostand (E)
Filename:
Le Monde
Contact:
Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
Annotation tiers:
Annotation automatique
Annotation status:
automatique
Type:
presse écrite
Text type:
presse quotidienne nationale
Modality:
écrit
Sample address:
/annis-sample/chambers-rostand/1_M_C_040402.html
Text:
Les bricolages poétiques de Beaurin et Domercq QU' ILS TRAVAILLENT ensemble ou séparément , Vincent Beaurin et Fabrice Domercq ne transigent pas avec le principe qui est le leur : faire semblant d' être compliqué tout en étant simple et réciproquement , faire aller de pair l' extrême simplicité et l' extrême complexité . La complexité est celle des formes qu' ils inventent , la simplicité celle des matériaux employés , qui ne relèvent que rarement de l' usage artistique . Quand Domercq peint à l' aquarelle , c' est sur de l' essuie-tout et non sur un papier à dessin . Quand il sculpte , c' est avec des bambous , genre canne à pêche revêtus de scotch coloré . Beaurin préfère le plâtre , plus que l' aquarelle teinte par capillarité . Quand ils se réunissent , c' est pour construire des formes avec des pelures d' orange ou d' oignon , du papier aluminium , des oeufs , des brindilles , un chardon ou des fleurs séchées , du fil de fer de récupération , des petits bouts de plastique , des allumettes , du ruban - n' importe quoi . Au sous-sol de la Fondation Cartier , ils exposent leurs pièces anciennes - celles qu' ils ont présentées dans ce même lieu et au CAPC de Bordeaux depuis deux ans . Elles n' ont pas subi la moindre altération en dépit de leur fragilité . En les badigeonnant de gomme laque , ils défendent leurs constructions végétales contre leurs pires ennemis , les insectes qui s' en nourriraient et l' humidité qui les pourrirait . Ces précautions ne leur enlèvent rien de leur apparence de choses éphémères . On dirait des bricolages d' enfants , en brins d' herbes , feuilles mortes , menus débris . Inventivité des montages Suspendus , ils oscillent au moindre courant d' air , tant ils sont légers . Posés , ils semblent près de s' effondrer et de se défaire - ce qui n' arrive pas . On peut y voir , selon la fantaisie de chacun , des bonshommes , des cités de science-fiction , des fusées ou , plus sérieusement , des réflexions sur la statue , son socle , la polychromie et l' art de l' assemblage , du cubisme à nos jours . On peut aussi , simplement , admirer la finesse et l' inventivité des montages , dans lesquels l' architecture et le design actuels trouveraient bien des idées à développer . Au rez-de-chaussée , les duettistes jouent cette fois séparément , et dans des registres un peu différents l' un de l' autre . Domercq , qui se dit toujours à la recherche d' une plus grande économie de moyens , a réparti dans l' espace ses sculptures en tranches de pain colorées à l' encre de Chine et collées . Selon le pain découpé - baguette , petit pain , miche - les fragments sont différents et permettent d' élever dans l' air des volumes à la géométrie pure ou compliquée , quelquefois strictement architectonique et abstraite , quelquefois allusivement et ironiquement figurative . Ces pièces sont placées sur des socles recouverts de miroirs - cannibales , dit l' artiste . Le bâtiment et les arbres s' y reflètent , de même que les visiteurs et les autres oeuvres , ce qui provoque des courts-circuits visuels très réussis et sans cesse changeants . Excellente idée , là encore . Structures cristallines Trois autres pièces annoncent un développement à venir du travail de Domercq : ce sont celles qu' il assemble avec ses bambous enveloppés de ruban adhésif rouge ou bleu . Elles font penser à des structures cristallines , à des explosions , à des étoiles de mer ou du ciel . Elles semblent extrêmement difficiles à fabriquer , en raison du nombre des tiges qui s' entrecroisent - ce que nie leur auteur , qui les définit à l' inverse comme des constructions rapides , mobiles , sans cesse à transformer et à déplacer . Elles n' exigent ni plan ni colle , rien que le sens de l' équilibre . L' essentiel est d' atteindre la poésie , l' instant où l' on se sent vraiment vivre . La phrase vaudrait pour les aquarelles et les plâtres de Beaurin . Les aquarelles tiennent de la cosmologie , de la vision céleste et des peintures de méditation tantriques , mais dans des tonalités de rose et de rouge . Les plâtres - plusieurs dizaines - ont tous la même forme , tête humaine simplifiée ou lingam . Beaurin les colore tantôt de l' extérieur , tantôt de l' intérieur , en versant de l' aquarelle dans la cavité centrale . Les différences de densité et de fluidité des pigments déterminent le degré de pénétration et d' intensité des couleurs , qui se répartissent par anneaux ou nuages . Certains de ces plâtres sont surmontés d' un graphisme en fil métallique . Un autre est emmitouflé de laine . Disposés le long des vitres , ils tracent une ligne droite , ponctuée par le passage progressif d' une dominante chromatique à une autre : autant de signes silencieux de la nécessité de créer .