Le Monde
- Corpus:
- Chambers-Rostand (E)
- Filename:
- Le Monde
- Contact:
- Angela Chambers, Séverine Rostand, Université de Limerick, Irlande
- Annotation tiers:
- Annotation automatique
- Annotation status:
- automatique
- Type:
- presse écrite
- Text type:
- presse quotidienne nationale
- Modality:
- écrit
- Sample address:
- /annis-sample/chambers-rostand/1_M_E_200202.html
- Text:
- Les leçons d' Enron DEUX MOIS après la faillite de la société américaine Enron , le scandale , loin de s' apaiser , n' en finit pas de grossir . En jetant la suspicion sur la véracité des comptes des entreprises , cette faillite a atteint le coeur du capitalisme , la confiance des épargnants , pilier de Wall Street et de l' économie américaine . Depuis , les Bourses américaines , mais aussi , par contagion , les places européennes , sont secouées tous les jours par des enquêtes , des révélations ou des interrogations sur les bilans , douteux ou simplement opaques , de firmes - des petites mais aussi des très grandes - comme IBM ou DaimlerBenz . Enron n' est devenue la septième capitalisation américaine qu' en créant , au travers de sociétés-écrans installées dans les paradis fiscaux , des " sociétés partenaires " dont elle ne comptabilisait pas les dettes . Personne n' y a trouvé à redire , ni les banques , ni les autorités de Bourse , ni la société d' audit Arthur Andersen , qui , pire , a détruit des documents l' impliquant , ni la presse qui n' y a vu que du feu . L' Amérique réfléchit depuis à des transformations radicales des systèmes comptables , des audits et de tous les excès financiers qui ont contribué à la " folie Enron " . Mais Enron ne pose pas seulement la question de la protection de l' épargne publique . Enron pose la question du financement de la vie politique aux Etats-Unis . Car la firme de courtage a incarné jusqu'à la caricaturale les défauts d' un système où toute campagne électorale , ou presque , est largement financée par le secteur privé . D' énormes groupes d' intérêt - du tabac à l' industrie pharmaceutique , des vendeurs d' armes au secteur énergétique - pèsent ainsi sur les élus dont ils ont financé les campagnes . Ils exigent une manière de retour sur fonds quand il s' agit de légiférer sur les secteurs les concernant . Dans le cas d' Enron , l' imbrication privé-public - l' engagement politique de la firme - était encore plus poussée . Enron finançait les républicains ( beaucoup ) , les démocrates ( un peu ) . Le patron de la firme , Kenneth Lay , républicain , ami de la famille Bush , a présidé la convention du parti à Houston en 1992 . Dix détenteurs de postes importants dans l' administration du président George W. Bush sont d' anciens d' Enron . Le président que le Parti républicain vient de se choisir , Marc Racicot , a été l' un des consultants de la société . Etc . Pareil mélange des genres rappelle au plus haut point ce " capitalisme de copains " que les Etats-Unis ont vivement dénoncé en Thaïlande , en Corée du Sud , aux Philippines ou en Indonésie au plus fort de la crise asiatique , à la fin des années 1990 . Le Congrès vient tout juste d' engager une dure bataille législative sur la réforme du financement des campagnes électorales . Il s' agit de limiter ce qu' on appelle la " soft money " , ces contributions du secteur privé non à un candidat mais à l' une des causes qu' il défend - façon détournée de financer , sans limites , une campagne . C' est une bataille fondamentale pour la consolidation de la démocratie américaine . L' affaire Enron l' illustre et la justifie de manière exemplaire .